Chronique bibliographique

Félix Mathieu et Dave Guénette (dir.), Ré-imaginer le Canada – Vers un État multinational ?, Québec, Presses de l’Université Laval, 2019, 417 p., ISBN 978-2-7637-4350-9.[Notice]

  • Christophe Otero

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  • Christophe Otero
    Université de Rouen

L’un et le multiple : tel pourrait être le fil d’Ariane de l’ouvrage coordonné par Félix Mathieu et Dave Guénette. Premièrement, l’un, pour le Renvoi relatif à la sécession du Québec de 1998 de la Cour suprême du Canada qui constitue le point d’ancrage de ce livre et, dans le même temps, le multiple, compte tenu des fondements mobilisés dans l’argumentation de cette décision. L’un pour cette décision, et le multiple quant à ses interprétations, ce que l’on veut en redire, en retenir et y revenir. Deuxièmement, l’un pour le Canada, qui est également multiple eu égard à la diversité de sa population. L’un pour l’État donc : cependant, ce dernier est fédéral, ce qui caractérise déjà, à tout le moins, une dualité et ainsi une pluralité, mais les auteurs ayant participé à l’ouvrage s’interrogent à savoir s’il n’est pas là encore multiple car, indéniablement, il se révèle multinational. « Les démocraties libérales contemporaines sont traversées par une impressionnante diversité » (p. 3). Cette phrase placée en exergue résume parfaitement l’ouvrage et souligne autant la généralité qu’il englobe que la singularité qu’il traite. Dans l’introduction intitulée « Le Renvoi relatif à la sécession du Québec, 20 ans plus tard : fédéralisme, démocratie, constitutionnalisme et protection des minorités » (p. 3), Mathieu et Guénette soulignent la complexité des sociétés contemporaines. Le Canada apparaît en ce sens comme l’archétype même d’une société complexe en raison des flux migratoires, mais aussi de la composition de sa population caractérisée par une multitude de communautés. Les auteurs entendent parler de nouveau de cette décision, rien de moins que fondamentale, rendue en 1998 (p. 5) : Au lieu d’en faire quatre points cardinaux à l’image de vecteurs allant dans des sens différents, les auteurs considèrent les quatre principes comme des lignes convergentes et consubstantielles. L’occasion était belle pour célébrer le vingtième anniversaire du Renvoi et les réinterroger. Telle la tapisserie de Pénélope, ces principes doivent être remis cent fois sur le métier dans la mesure où autant ils sous-tendent la société, autant ils évoluent nécessairement comme celle-ci dans l’importance, la place et le sens qui leur sont respectivement accordés. Les deux auteurs abordent le contexte et l’histoire constitutionnelle qui ont conduit à la décision de la Cour suprême en 1998, notamment le deuxième référendum sur la souveraineté du Québec de 1995. À la question soumise à la Cour suprême, soit celle de savoir si, au regard du droit national canadien et du droit international, le Québec pouvait unilatéralement procéder à sa sécession par rapport au reste du Canada, le plus haut tribunal du pays a répondu qu’un « vote qui aboutirait à une majorité claire au Québec en faveur de la sécession, en réponse à une question claire, conférerait au projet de sécession une légitimité démocratique que tous les autres participants à la Confédération auraient l’obligation de reconnaître ». De la sorte, la Cour suprême a réussi à concilier l’inconciliable ou, plus exactement, à réconcilier in fine ce qui semblait à l’époque ne jamais pouvoir l’être. En donnant des arguments aux deux parties, elle a finalement trouvé, non pas par un jugement de Salomon, mais par une décision profondément et mûrement argumentée, un modus vivendi. Au-delà de sa portée interne, la décision est depuis lors devenue « un incontournable » (p. 9), une référence, comme le montrent les exemples du Monténégro, de l’Écosse et de la Catalogne qui ne pouvaient faire fi de cet apport. Les deux auteurs précisent combien dans le Renvoi la Cour suprême montre les rapports et les interactions qu’entretiennent constamment les principes de fédéralisme, de démocratie, de constitutionnalisme et de …

Parties annexes