Résumés
Résumé
Grâce à une lecture inspirée conjointement par l’approche psychanalytique et la critique au féminin, cet article réintègre La montagne secrète dans l’ensemble de la production royenne où il faisait jusqu’ici figure d’anomalie, principalement à cause de son héros masculin et, surtout, à cause de l’absence quasi totale de personnages féminins et de cellules familiales. Par le décodage du symbolisme particulier à la romancière, est mis au jour ce qui se cache sous l’intrigue de surface, c’est-à-dire un roman familial au féminin qui s’apparente principalement à celui qui structure les récits à caractère autobiographique de Gabrielle Roy et qui rejoint même celui d’écrits féministes des années 1970, tels ceux des Jovette Marchessault, Madeleine Gagnon et Louky Bersianik. Cet article souligne d’abord que les figures de Nina et du vison permettent à Roy une dénonciation de l’appropriation des femmes; il montre ensuite que, derrière la quête de la Montagne entreprise par le héros, se dissimule celle de la mère préoedipienne, de la mère non aliénée par la culture. Ainsi, en affirmant que la relation mère-fille a tout simplement été refoulée, cette analyse réhabilite du même coup La montagne secrète aux yeux de la critique au féminin pour qui il constituait la pierre d’achoppement à la thèse voulant que Roy pratique une écriture au féminin grâce à sa vision de l’intérieur de l’expérience féminine.
Abstract
Through a reading based on both the psychoanalytical approach and feminist criticism, this article reinstates La montagne secrète (The Hidden Mountain) into the overall body of Gabrielle Roy’s work where, until now, it appeared as an anomaly. This is mainly due to the fact the novel’s hero is male but, more importantly, because of the virtually total absence of female characters and family units. By decoding the novelist’s specific symbolism, the hidden aspect of the surface plot is revealed, i.e. this is a family novel written from a woman’s perspective and it is closely linked to the writing that frames Roy’s autobiographical stories, and also to feminist works in the 1970’s, such as those of Jovette Marchessault, Madeleine Gagnon and Louky Bersianik. This paper first of all demonstrates that the figures of Nina and the mink allow Roy to expose the appropriation of women. It also shows that, behind the hero’s search for the Mountain, there is a hidden quest for the pre-Oedipal mother, of the mother unalienated by culture. By affirming that the mother-daughter relationship has simply been repressed, our analysis rehabilitates La montagne secrète in the eyes of feminist critics for whom the novel constituted a stumbling block to the argument that Roy wrote from a woman’s perspective, as evidenced by her vision of the inner feminine experience.
Veuillez télécharger l’article en PDF pour le lire.
Télécharger
Parties annexes
Bibliographie
- AMPRIMOZ, Alexandre L. (1981) «L’homme-arbre de “La montagne secrète”», Canadian Literature / Littérature canadienne, no 88, p. 166-171.
- BESSETTE, Gérard (1966) «La Route d’Altamont, clef de la Montagne secrète», Livres et auteurs canadiens, Montréal, Éditions Jumonville, p. 19-24.
- BOURBONNAIS, Nicole (1992) «Gabrielle Roy: la représentation du corps féminin», dans SAINT-MARTIN, Lori (dir.) L’autre lecture: la critique au féminin et les textes québécois, Montréal, XYZ, p, 97-116.
- BROCHU, André (1984) «LA MONTAGNE SECRÈTE: le schème organisateur», Études littéraires, vol. 17, no 3, p. 531-544.
- COQUILLAT, Michelle (1982) La poétique du mâle, Paris, Gallimard, 472 p.
- CHODOROW, Nancy (1978) The Reproduction of Mothering: Psychoanalysis and the Sociology of Gender, Berkeley, University of California Press, 263 p.
- DUPLESSIS, Rachel Blau (1985) Writing Beyond the Ending: Narrative Strategies of Twentieth-Century Women Writers, Bloomington, Indiana University Press, 253 p.
- FREUD, Sigmund (1973) Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 306 p.
- GAGNÉ, Marc (1973) Visages de Gabrielle Roy, l’oeuvre et l’écrivain, Montréal, Beauchemin, 327 p.
- GRENIER-FRANCOEUR, Marie (1976) «Étude de la structure anaphorique dans La montagne secrète de Gabrielle Roy», Voix et images, vol. 1, no 3, p. 387-405.
- HAYNE, David M. (1964) «Gabrielle Roy», Canadian Modern Language Review, vol. 21, no 1, p. 20-26.
- HIRSCH, Marianne (1989) The Mother / Daughter Plot: Narrative, Psychoanalysis, Feminism, Bloomington, Indiana University Press, 244 p.
- IRIGARAY, Luce (1981) Le corps-à-corps avec la mère, Montréal, Éditions de la Pleine lune, 89 p.
- LAMARRE, Sylvie (1995) La femme créatrice est «l’homme le plus seul» au monde: roman familial et problèmes de la création au féminin dans La Montagne secrète de Gabrielle Roy, thèse (maîtrise), Université du Québec à Montréal, 132 p.
- MALETTE, Yvon (1994) L’autoportrait mythique de Gabrielle Roy: analyse genettienne de La montagne secrète, Orléans, Les Éditions David, 292 p.
- McPHERSON, Hugo (1963) «Prodigies of God and Man», Canadian Literature, no 3, p. 74-76.
- MORENCY, Jean (1985) Un roman du regard: La montagne secrète de Gabrielle Roy, Québec, Centre de recherche en littérature québécoise (CRELIQ) de l’Université Laval, 97 p.
- RICARD, François (1975) Gabrielle Roy, Montréal, Fides, 191 p.
- ROBERT, Marthe (1976) Roman des origines et origines du roman, Paris, Gallimard, 364 p.
- ROY, Gabrielle (1939) «Le monde à l’envers», La Revue moderne, vol. 21, no 6, p. 6, 34.
- ROY, Gabrielle (1961) La montagne secrète, Montréal, Beauchemin, 222 p.
- ROY, Gabrielle (1964) Alexandre Chenevert, Montréal, Beauchemin, 373 p.
- ROY, Gabrielle (1965) Rue Deschambault, Montréal, Beauchemin, 260 p.
- ROY, Gabrielle (1970) La rivière sans repos, Montréal, Beauchemin, 315 p.
- ROY, Gabrielle (1975) Un jardin au bout du monde, Montréal, Beauchemin, 271 p.
- ROY, Gabrielle (1977) Bonheur d’occasion, Montréal, Stanké, 396 p.
- ROY, Gabrielle (1978) Fragiles lumières de la terre, Montréal, Les Quinze, 239 p.
- ROY, Gabrielle (1985) La route d’Altamont, Montréal, Stanké, 267 p.
- ROY, Gabrielle (1988a) De quoi t’ennuies-tu, Éveline? (suivi de Ély! Ély! Ély!), Montréal, Boréal, 122 p.
- ROY, Gabrielle (1988b) La détresse et l’enchantement, Montréal, Boréal, 505 p.
- SAINT-MARTIN, Lori (1991) «De la mère patriarcale à la mère légendaire: triptyque lesbien de Jovette Marchessault», Voix et images, vol. 16, no 2, p. 244-252.
- SAINT-MARTIN, Lori (1992) «Mère et monde chez Gabrielle Roy», dans SAINT-MARTIN, Lori (dir.) L’autre lecture: la critique au féminin et les textes québécois, Montréal, XYZ, p. 117-137.
- SAINT-MARTIN, Lori (1995) «Structures maternelles, structures textuelles dans les écrits autobiographiques de Gabrielle Roy», dans ROMNEY, Claude et DANSEREAU, Estelle (dir.) Portes de communications: études discursives et stylistiques de l’oeuvre de Gabrielle Roy, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, p. 27-46.
- SMART, Patricia (1990) Écrire dans la maison du père: l’émergence du féminin dans la tradition littéraire du Québec, Montréal, Québec/Amérique, 347 p.
- TOUGAS, Gérard (1961) «La Montagne secrète de Gabrielle Roy», Livres et auteurs canadiens, Montréal, Éditions Jumonville, p. 11-12.
- VISELLI, Santé A. (1991) «La montagne chez Gabrielle Roy», Études canadiennes / Canadian Studies, no 31, p. 97-106.
- WARWICK, Jack (1972) L’appel du Nord dans la littérature canadienne-française, Montréal, Hurtubise HMH, 249 p.