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Bunting et Filion de l’Université de Waterloo nous présentent la troisième édition de leur ouvrage collectif sur les différentes facettes de la géographie urbaine au Canada. Ce document largement utilisé dans les salles de classes au Canada anglais a évolué depuis la première version en 1999. En effet, certains textes ont disparu, notamment celui de Yeates sur l’axe Québec-Windsor, alors que d’autres thématiques sont apparues ou ont changé de personnes responsables, par exemple l’article sur la pratique de l’urbanisme qui est maintenant assuré par Fischler et Wolfe. Dans l’ensemble, il s’agit d’un ouvrage dense et bien étoffé qui conserve toute sa pertinence. La diversité des thèmes traités, l’exhaustivité des exposés et la présence de nombreuses données comparatives en font une référence obligée pour tous ceux qui s’intéressent aux villes canadiennes.

Canadian Cities in Transition rassemble vingt-sept articles et deux annexes, fruit du travail de quarante et un auteurs ou groupes d’auteurs, principalement des géographes et des spécialistes en études urbaines, mais également des politologues et des sociologues. Sous le thème fédérateur de la transition et à l’aide d’une perspective multiscalaire, ce document traite de sujets très divers reliés au cadre urbain ou à la société urbaine : l’immigration, l’emploi, l’environnement, la gouvernance, les transports, l’habitation, le commerce, etc. Les secteurs fonctionnels sont aussi étudiés du point de vue de leurs mutations récentes en termes d’organisation spatiale et de rapport à la forme urbaine en général, c’est-à-dire les centres-villes, la banlieue, le milieu périurbain. Trois concepts servent de fils conducteurs tout au long du livre, soit la durabilité (sustainability), l’inégalité (unevenness) et l’incertitude (uncertainty). Le collectif dirigé par Bunting et Filion est structuré en huit sections, du contexte socioéconomique aux perspectives futures. Ces sections assurent un parcours cohérent et bien articulé.

Quelques articles ont particulièrement retenus mon attention. Premièrement, le texte de Bunting et Rutherford sur la mondialisation et les villes globales (Transitions in an Era of Globalization and World City Growth). On y discute de l’arrimage au système-monde des trois grandes métropoles canadiennes ainsi que des changements sociospatiaux associés à la mondialisation. Deuxièmement, l’article de Rose et de Villeneuve sur les changements démographiques et les modes de vie urbains (Life Stages, Living Arrangements and Lifestyles). Ces deux auteurs font notamment ressortir la grande diversité des styles de vie liée à la baisse de la natalité et à l’augmentation de l’espérance de vie ainsi que ses effets sur les conditions de vie des ménages et sur la forme urbaine. Finalement, j’ai fort apprécié le texte de Lehrer sur les paysages urbains et les représentations spatiales (Re-Placing Canadian Cities: The Challenge of Landscapes of Desires and Despair). Le géographe torontois s’étend sur le processus de production et de reproduction du sens du lieu dans un contexte de diversité culturelle, à l’aide de quatre études de cas.

Malgré la grande qualité du document, celui-ci demeure plutôt descriptif et pédagogique. On y retrouve peu de débats théoriques. Par ailleurs, on n’y traite pas beaucoup des villes québécoises, même si celles-ci apparaissent dans les données quantitatives fondées sur les classements de Statistique Canada et que Montréal sert d’exemple à l’occasion. Sur ce dernier point, il faut également noter que l’année 2006 est plutôt mal choisie pour mettre à jour les données compte tenu de l’accessibilité prochaine des informations du dernier recensement. Dans l’ensemble, il s’agit toutefois d’un excellent ouvrage regroupant une foule de renseignements sur une gamme étendue de sujets. Ce livre qui comporte des améliorations à chaque nouvelle édition sera principalement utile aux étudiants et aux jeunes chercheurs à l’aise dans la langue de Shakespeare.