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Cet ouvrage rassemble des textes d’un colloque organisé par le département de géographie de Poitiers (avec le soutien des équipes de recherche Migrinter et IcoTem) en juin 2003 et réunissant des chercheurs appartenant à d’autres disciplines des sciences sociales. Il part du principe que l’accroissement des flux d’informations, de capitaux, de marchandises ainsi que le développement des mobilités individuelles brouillent à l’heure actuelle les limites entre les espaces et rend d’une certaine manière obsolète la distinction entre les catégories spatiales rural et urbain.

Quatre parties organisent la publication et permettent d’appréhender les dimensions économiques, sociales et culturelles à partir notamment des représentations de ce processus (en mesure d’être qualifié de métropolisation) : (1) mutations et glissements des espaces périurbains ; (2) mutations d’activités : concurrences, liens, articulations ; (3) limites, discontinuités et inégalités socio-spatiales ; (4) et le rural-urbain : complexité d’analyse et représentations nouvelles.

Ces différents articles sont rédigés par 54 auteurs qui s’appuient sur des études de cas (solidement documentées) et menées aussi bien dans les pays pauvres (le delta du Nil en Égypte, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal) que dans des régions de pays riches (Ile de France, l’espace périurbain lillois, la région Pays de la Loire, celle de Midi-Pyrénées, la Californie septentrionale). Ils font également tous référence à une bibliographie non limitée au seul contexte français.

On retiendra de ce volumineux ouvrage que la frontière entre le rural et l’urbain se situe désormais dans les espaces périurbains comme l’indiquent les statistiques, mais aussi les enquêtes de terrain faisant état des constructions de caractère citadin (comme les lotissements de maisons individuelles ou encore de petits immeubles collectifs ou les zones d’activités secondaires ou tertiaires) cohabitant avec un paysage plus traditionnel de campagne. Mais si tous les chercheurs font ce constat, deux points de vue s’opposent. Un premier groupe met l’accent sur une progressive fusion des espaces urbains et ruraux, ce qui aurait pour conséquence de repousser plus loin la campagne profonde. On assisterait alors à un mouvement généralisé de diffusion urbaine qui en étalant les villes donnerait ainsi forme à des contenus socio-spatiaux nouveaux parallèlement à des recompositions territoriales. Pour reprendre la terminologie marxiste, il y aurait ainsi passage entre l’espace de l’ère fordiste et l’espace de l’ère post-industrielle ou post-fordiste. La périurbanisation se présente du coup ainsi comme un processus d’intégration spatiale d’espaces jusqu’alors ruraux dans des ensembles constitués autour de villes importantes. C’est toutefois la seconde hypothèse qui réunit le plus grand nombre d’intervenants : celle de l’autonomisation et la fragmentation d’espaces de plus en plus vastes, toujours plus peuplés. Aussi le périurbain pourrait être assimilé au tiers-espace ou encore à une zone d’incertitude des frontières du rural et de l’urbain. Il est vrai que dans le contexte français, ce territoire entre deux se caractérise par une forte présence du Front National. Face à cette approche contradictoire des logiques dynamiques du rapport urbain/rural, la conclusion propose une lecture croisée de l’interface rural-urbain tout en incitant la recherche à poursuivre sa réflexion en s’attachant plus particulièrement aux représentations et vécus des habitants au-delà de l’apparente homogénéisation des modes de vie.

Cet ouvrage collectif de qualité témoigne de l’avancée de la recherche française (notamment géographique) tout en mettant en scène une pluralité d’approches et de terrains sur une thématique relativement complexe. On peut toutefois regretter que les chercheurs n’aient pas plus mis en évidence les coûts sociaux et environnementaux de cette nouvelle étape de l’urbanisation en allant plus loin que la question des inégalités socio-spatiales ainsi que l’impératif d’une traduction de ces mutations dans l’espace du politique.