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Peut-on faire rimer sport et francophonie dans le contexte canadien ? Y a-t-il un lien privilégié entre certaines manifestations et l’évolution de la francophonie au Canada ? Telles sont certaines des questions qui sont posées dans cet ouvrage dirigé par Christine Dallaire (chercheuse en sciences de l’activité physique) et Jean-Pierre Augustin (spécialiste de la géographie sportive), qui regroupe plusieurs contributions de scientifiques canadiens et français et de professionnels du milieu. Cette publication, éditée par la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, s’insère dans un programme de recherche sur les espaces francophones mené au sein du Centre d’études canadiennes interuniversitaires de Bordeaux où le premier séminaire est dédié ainsi à la francophonie sous l’angle du sport et des jeux.

Cet ouvrage, qui se propose de donner une nouvelle orientation à l’analyse de la francophonie, se révélera très intéressant pour les chercheurs qui tentent de comprendre les enjeux sociaux, politiques et dans une certaine mesure économiques qui se cachent derrière ces manifestations où le seul élément festif n’est en soi qu’un apparat. Les auteurs ont choisi de concevoir cette étude à travers les principales rencontres sportives liées à la francophonie, telles que les Jeux et les festivals, en y joignant une analyse plus fine sur le lien qui unit le hockey à l’identité francophone au Canada. Cette recherche, construite autour de quatre parties, nous aide à mieux comprendre les impacts qu’occasionnent diverses institutions et manifestations sur l’affirmation de l’identité francophone canadienne. La première partie offre la possibilité de saisir les décalages qui existent entre un discours fédéral prônant l’égalité linguistique entre le français et l’anglais et la réalité discriminatoire qui prédomine dans les institutions pancanadiennes. Puis, dans une seconde partie, une attention particulière est donnée aux Jeux de la francophonie internationale où y sont décrites les difficultés organisationnelles liées au contexte politique bicéphale canadien ainsi que les enjeux identitaires se rattachant à cet événement sportif. Une visée plus nationale est donnée à la troisième partie qui s’intéresse spécifiquement aux festivals sportifs francophones canadiens toujours sous leurs aspects culturels particuliers, mais en y joignant l’idée qu’ils sont également source de développement économique et social pour les territoires hôtes. Enfin l’ultime partie de ce livre propose une réflexion intéressante sur le hockey professionnel au sens où ce sport, véritable référent identitaire national, conduisant même à certains fanatismes exacerbés, tend à être remis en cause par des logiques économiques édifiées par la Ligue nationale au profit des marchés états-uniens.

Dans l’ensemble, cet ouvrage rend compte d’une nouvelle façon de saisir la francophonie autour d’aspects spatiaux et sociaux peu abordés jusqu’à présent dans ce champ d’étude. Nous émettons toutefois une réserve à l’encontre de certains passages du chapitre 9, où le hockey professionnel est encore présenté comme faisant partie des quatre ligues majeures nord-américaines alors que durant ces dernières années, son statut a été remis en cause au bénéfice d’autres disciplines. Néanmoins, ce livre de très bonne facture, agrémenté par un épilogue congru, se révèle être un modèle du genre dans ce domaine de recherche.