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Dans ce recueil de textes, les éditeurs nous proposent une analyse des impacts territoriaux de la mondialisation vue depuis le Sud. Cette perspective du Sud ne relève pas exclusivement du fait que le sujet d’enquête soit l’Amérique du Sud et l’Afrique, mais aussi de ce que les éditeurs ont donné une place dans le livre aux chercheurs des pays étudiés. Cet ouvrage a comme objectif de mettre en lumière les particularités territoriales du « Sud » dans la mondialisation, les auteurs ont ainsi privilégié l’étude de l’Amérique du Sud (14 articles) et de trois pays d’Afrique : Maurice, Sénégal et Afrique du Sud (sept articles). Cette situation permet d’évoquer comment l’Amérique du Sud est devenue un des espaces les plus fortement transformés par une mondialisation dans laquelle la dimension économique s’est faite dominante. Finalement, l’absence de travaux sur l’Asie et sur d´autres régions du Sud doit nous mettre en garde contre une éventuelle tentation de généraliser les conséquences de la mondialisation à ce que l´on nommait le tiers monde jusqu’aux années 1990.

Le livre comprend trois parties : la première, Les processus de la mondialisation au Sud, est consacrée à l’étude de quatre scènes de la mondialisation : l´île Maurice, Santa Cruz, le Mato Grosso et Dakar. Ces régions qui ont subi des réaménagements territoriaux importants, ont été modelées par des migrations diverses et par l’essor du secteur primaire de l´économie lié à la demande internationale d’aliments (soja, sucre) et d´énergie (gaz et pétrole). La deuxième partie, Les formes spatiales de la mondialisation, enrichit l’analyse précédente par la description du fonctionnement des structures spatiales de certaines régions : l’asymétrie du peuplement entre les Andes et les plaines orientales des pays andins, la suburbanisation des villes sud-africaines où un urbanisme néolibéral se superpose aux formes héritées de l’apartheid et, finalement, la corrélation entre le développement économique et l’avance du protestantisme dans le Brésil catholique.

Une troisième partie porte sur L’avenir des solidarités territoriales, c’est-à-dire les enjeux des sociétés sud-américaines face à la mondialisation : la restructuration territoriale de la campagne et de la ville (l’économie d’exportation de la mangue au Pérou et le patrimoine urbain de Valparaíso par exemple), la demande d’énergie et l’instabilité dans les relations internationales et la protection de l’environnement liée aux changements récents de l’Amazonie. Cette partie finit avec un chapitre conclusif dans lequel les auteurs soulignent comment la mondialisation touche presque tous les habitants de la planète, exerçant une pression majeure sur les plus démunis.

L’ouvrage apporte deux contributions importantes pour les études de la mondialisation des pays du Sud. D’une part, il critique les idées principales, pourtant incontestables selon l’idéologie dominante, sur la globalisation économique : la nouveauté de la mondialisation, le recul de l’État dans la vie sociale et politique des nations, l’homogénéité territoriale propre à la mondialisation et le contrôle presque exclusif de la mondialisation par des acteurs liés au capital transnational. La deuxième contribution montre que le « côté sud » de la mondialisation est complexe : il compte des acteurs qui agissent à différentes échelles, et en mettant en scène les pays du Sud, qui sont des acteurs de premier ordre dans l’arène internationale.

La mondialisation a chambardé l’ordre économique mondial, tout en conférant un rôle particulier aux pays du Sud, parce qu’ils sont pourvoyeurs de ressources naturelles. Toutefois, le virage à gauche en Amérique du Sud marque une rupture importante dans la dynamique de la mondialisation. Le livre de Lombard, Mesclier et Velut est certainement une première dans l’étude de ce nouvel ordre.