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L’ouvrage de Marc-Urbain Proulx est fort intéressant et peut certes être utile comme manuel de cours en géographie humaine ou encore dans un cours sur le développement économique. L’ouvrage commence par aborder un certain nombre de thèmes centraux, à savoir l’occupation des territoires, la gouvernance territoriale et l’innovation territoriale, ces divers thèmes constituant la base de l’ouvrage et définissant la succession des chapitres.

L’occupation des territoires renvoie bien sûr à l’aménagement de ces territoires et l’ouvrage commence par présenter la nature et les cultures territoriales, en évoquant les bassins de ressources naturelles, les composantes de la nature et l’ancrage culturel, notamment. Puis le chapitre II traite des divers modèles de la théorie spatiale, qui sont tous présentés de manière succincte, mais claire. On évoque ainsi le positionnement des points-lieux ainsi que des aires-milieux, puis les relations entre les points-lieux et les relations entre les aires-milieux. La métapole, la périphérie, l’archipel et la dorsale sont alors mentionnés, comme divers modes d’arrangement, ainsi que le modèle alvéolaire. Un des grands avantages, ici, est que les présentations graphiques sont très claires, soutenant le propos. L’ouvrage passe ensuite à la dynamique socioéconomique contemporaine et s’attarde alors sur les perspectives qui s’ouvrent pour le Québec, traitant de Montréal comme pôle principal, Québec, la capitale, et s’interrogeant ensuite sur la croissance inégale des pôles et le repositionnement de certains d’entre eux. Le chapitre IV est fort intéressant, puisqu’il traite de la cité et du développement des instances municipales. Ce cadrage historique est très pertinent, car parfois oublié dans les travaux plus récents, et tout cet historique de réformes et de fusions mérite d’être approfondi, comme c’est fait dans l’ouvrage. L’auteur conclut toutefois ce chapitre en s’interrogeant, avec raison, sur les limites de l’appropriation des pouvoirs par les municipalités, l’encadrement de l’État central étant mis en évidence.

Le chapitre V porte sur les diverses aires qui définissent le territoire québécois et s’intéresse alors aux régions, communautés et districts, aussi appelés créneaux, au Québec. On se penche alors davantage sur les effets des politiques récentes, et l’auteur met en évidence les vitesses différentes qui caractérisent les divers niveaux. Il souligne l’intérêt des zones spécialisées ou créneaux qui peuvent faire converger les soutiens publics à l’innovation et au développement, mais si ces espaces de proximité et d’échanges se développent effectivement dans plusieurs régions, il est difficile d’en dresser un bilan exhaustif, un travail qui reste certes à faire.

Le chapitre VI traite ensuite des diverses légitimités qui caractérisent les territoires et se penche alors sur les légitimités historique, juridique, idéologique, politique, démocratique, fonctionnelle, financière et économique, croisant ces légitimités avec les divers échelons territoriaux évoqués dans les chapitres antérieurs.

Ce sont ensuite les mouvements de décentralisation et de planification qui sont analysés dans les chapitres VII, VIII et IX, présentant un historique et une analyse approfondie des développements des dernières décennies sur ce plan. Au chapitre X, l’auteur expose divers modèles explicatifs du développement territorial, allant de la loi des avantages comparatifs jusqu’aux théories fondées sur le caractère endogène du développement, en passant par un ensemble d’autres modèles explicatifs, un chapitre fort utile pour l’enseignement.

Le chapitre XI s’intéresse aux trajectoires économiques territoriales, exposant notamment le modèle de Rostow pour étudier les trajectoires de Montréal et de Québec. L’auteur met en évidence le fait qu’au-delà d’une certaine diversité des trajectoires, le développement économique semble s’effectuer partout par ruptures, de manière aléatoire, avec une forte dépendance du développement régional à l’endroit des investissements externes.

On passe ensuite à des chapitres qui mettent en évidence des théories plus récentes et qui amènent à s’intéresser à l’innovation comme source du développement économique et au soutien territorial à l’innovation. Les travaux de nos collègues européens Beccattini et Maillat sont ici mis en avant, les milieux innovateurs, les économies de proximité et le modèle interactif de l’innovation étant ici mis en valeur. Le chapitre XIII porte sur la communauté apprenante et souligne l’importance de la créativité pour le développement économique d’une région. Ce chapitre est particulièrement original dans un livre de géographie humaine ou de développement économique et il est certes intéressant tant pour l’enseignement que pour la recherche.

L’auteur présente ensuite un chapitre fondé sur une étude de cas du Saguenay-Lac-St-Jean pour conclure, au chapitre XV, avec une analyse de la politique territoriale et de son évolution de la période keynésienne vers les visions plus récentes.

L’ouvrage présente donc un très bon panorama des principales théories relatives au développement territorial et les 15 chapitres peuvent facilement être adaptés à l’enseignement, alors que quelques chapitres (X à XIII) offrent de bonnes synthèses pouvant également être utiles dans le domaine de la recherche. La facture de l’ouvrage est aussi très bonne, un bon nombre de tableaux, d’encadrés et de graphiques venant faciliter la lecture et la compréhension, le tout étant donc très intéressant du point de vue pédagogique.