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L’ouvrage intitulé Le territoire européen, rédigé par des spécialistes (un belge, deux français) de la géographie de l’Europe, est structuré en trois parties correspondant à trois approches de l’espace européen, dont les limites et l’étendue par conséquent diffèrent. La première partie aborde l’Europe au sens conventionnel, c’est-à-dire le continent européen, et en étudie l’identité et les limites. Les auteurs rappellent les ambiguïtés de ce qu’on a appelé « Europe », au fil des siècles et livrent une synthèse d’une géographie historique, culturelle et politique du continent, avant d’en montrer les grands principes de différenciation spatiale, les inégalités de développement. La deuxième partie insiste sur l’Union Européenne (UE), considérée comme une « puissance » en elle-même et un « instrument de puissance » pour les États membres. Elle reprend donc les étapes de la construction d’un espace politique européen et expose les objectifs et réalisations des politiques régionales communautaires, sans oublier le rôle des États et des nations dans l’évolution de l’UE. La troisième partie, enfin, aborde un espace plus vaste, l’Europe « fonctionnelle », l’ensemble régional sur lequel celle-ci exerce une influence, autrement dit les voisinages bien sûr, mais pas seulement. L’influence de l’Europe dans le monde est analysée comme étant réelle, dans le domaine économique notamment, mais déclinante. Le décryptage de la géopolitique complexe qui s’est construite aux voisinages dans le cadre du régionalisme européen ouvre la voie aux analyses critiques exposées en conclusion. Celle-ci insiste sur le manque d’identification à l’Europe au sens où elle est définie dans la première partie, en raison de la résistance de la catégorie nationale, alors que l’Europe institutionnelle est mieux perçue. Quant à l’Europe comme puissance dans le monde, les auteurs terminent par une vision critique sur les illusions entourant l’influence du continent dans les équilibres géopolitiques actuels.

L’ouvrage convient très bien au public étudiant auquel il s’adresse, par ses qualités de synthèse et de clarté, grâce aux encadrés rappelant des définitions fondamentales (comme régionalisation, régionalisme, intégration régionale ou, encore, territoire). S’y ajoutent des éléments originaux par rapport à des ouvrages équivalents, comme l’utilisation d’enquêtes sur la perception de l’Europe par un échantillon d’étudiants du monde entier, et des passages bien développés sur l’Europe vue par les pays du voisinage. Il est normal de ne pas y trouver de développements sur tous les aspects de la géographie de l’Europe, car ce n’est pas l’objectif du texte. Toutefois, la deuxième partie, qui analyse les conséquences des politiques régionales communautaires dans l’espace européen, aurait gagné à inclure également l’étude des politiques sectorielles dont, naturellement, l’agriculture, qui a absorbé pendant longtemps l’essentiel des dépenses de l’UE, a profondément transformé les espaces ruraux et constitue un puissant élément de l’intégration économique. On regrette enfin la facture de certaines cartes (trop petites, échelles de gris ambiguës car trop de niveaux) et le faible traitement réservé à des questions dont les enjeux sont décisifs comme les migrations internationales, en pleine mutation, et décisives pour l’avenir démographique et social de l’UE.