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Cet ouvrage traite de manière complète d’un sujet qui fait régulièrement la une de l’actualité géopolitique contemporaine : les relations souvent conflictuelles entre la République populaire de Chine et ses voisins quant au contrôle et au partage des eaux de la mer de Chine méridionale.

Après une introduction où les enjeux – les conséquences de la montée en puissance de la Chine – sont très clairement posés par les trois auteurs qui dirigent cet ouvrage, six chapitres thématiques et douze annexes cartographiques se succèdent pour préciser chacune des facettes de ces différends territoriaux, essentiellement maritimes.

Les contributeurs rappellent que les frictions entre les États réunis au sein de l’Association of South East Asian Nations (ASEAN) ne datent pas d’hier, qu’elles entraînent une recrudescence des dépenses militaires de la part de tous les États riverains et que, officiellement, c’est bien le contrôle à venir des ressources énergétiques et halieutiques qui constitue le noeud du problème, sans que cela ait entraîné à ce jour des conflits majeurs.

L’originalité de l’ouvrage tient au fait que les auteurs invitent le lecteur à poser un regard autant politique qu’économique sur le jeu complexe d’acteurs qui, en mettant toujours la Chine au centre des débats, concerne aussi Taiwan, les Philippines, le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie. Le lecteur est aussi invité – et c’est un deuxième niveau de lecture, transversal à tous les chapitres – à s’intéresser aux configurations juridiques les plus efficaces pour contenir les visées territoriales des uns et des autres. Ainsi, l’absence de règles juridiques claires pour gérer les zones d’influence autour des îlots et des archipels de la mer de Chine méridionale incite les acteurs politiques, sauf ceux de Chine, à recourir à l’arbitrage de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM).

Si la Chine reste au centre du jeu, elle le fait avec une double ambiguïté qui pourrait la desservir à long terme : elle manifeste la volonté de s’imposer sur la scène internationale, mais en gérant de manière anxiogène ses relations avec ses voisins ; elle tergiverse dans le choix de règles de médiation pourtant souhaitées par le plus grand nombre des protagonistes.

Au sein des chapitres I et II, Frédéric Lasserre et Keyuan Zou insistent sur l’imprécision de l’organisation territoriale par les autorités chinoises en « neuf traits » de la mer de Chine méridionale et la contestation de ces limites par les États riverains. Pour eux, la Chine continue dans la voie du « non-respect et (de) la négligence à l’égard du droit international ».

Dans le chapitre III, Daniel Schaeffer montre comment les États-Unis cherchent à contrer la volonté de domination chinoise en essayant de « garantir la pleine liberté de circulation maritime internationale » et pour que les dirigeants chinois n’assimilent pas cet espace à un « lac chinois ». Il montre aussi l’évolution des accords explicites ou implicites entre la Chine et d’autres États riverains, et qui lui sont de plus en plus favorables depuis plusieurs années, rééquilibrant de ce fait les alliances traditionnelles de certains de ces autres États avec l’allié américain (les Philippines, par exemple).

Dans les chapitres suivants, les auteurs font état, toujours en référence à la position dominatrice de la Chine au sein de l’Asie du Sud-Est, des stratégies variables dans le temps, de l’Indonésie (chapitre IV d’Éric Frécon), de Taïwan qui veut donner des gages de bonne conduite à la communauté internationale (chapitre V de Barthélémy Courmont), et d’une formule de coopération maritime expérimentale, les zones communes de développement dans le golfe de Thaïlande (chapitre VII de Nathalie Fau). Le chapitre VI est consacré à l’analyse des disputes pour les ressources naturelles et énergétiques (Éric Mottet).

Au total, les auteurs nous livrent un ouvrage à l’argumentation et aux contenus documentés, agréable à lire, qui montre le rôle crucial de la mer de Chine méridionale dans le poids des échanges économiques mondiaux, mais plus généralement, l’importance de la gestion maritime dans le partage, plus ou moins bien négocié, entre les eaux territoriales, les zones économiques exclusives et les eaux internationales.