Corps de l’article

Cet ouvrage dirigé par Nick J. Freeman est issu d’une table ronde, l’ASEAN Roundtable, qui s’est déroulée en octobre 2001 (le lieu n’est pas spécifié). Le thème de la rencontre était: Financing Sustained Economic Development in Southeast Asia. Thème d’actualité s’il en est, alors que la reconstruction d’après la crise de 1997 battait son plein. Le livre demeure toujours d’actualité après les événements tragiques de décembre 2004.

D’une facture irréprochable, comme la plupart des publications de l’Institute for Southeast Asian Studies installé à Singapour, le livre compte onze chapitres abordant les questions reliées au financement du développement de l’Asie du Sud-Est: les thèmes recouvrant la gestion de la dette extérieure des pays de l’ASEAN, les restructurations du secteur bancaire, le développement du capital de risque, la microfinance, les investissements directs étrangers (IDÉ), les marchés boursiers, l’intégration financière régionale et les agences de financement multilatérales.

Le propos est résolument celui d’économistes qui s’adressent à des économistes. Ponctués de plusieurs tableaux et graphiques (aucune carte), plus de la moitié des textes ne sont destinés qu’à des spécialistes du domaine. Quelques-uns toutefois présentent un intérêt certain pour un public plus large: par exemple, John D. Convoy explore, dans le chapitre 4, les efforts de microfinancement développés par sept des pays de la région. Il souligne à juste titre que les montants dont il est question paraissent «triviaux» comparativement aux chiffres évoqués dans les politiques macro-économiques. Toutefois, ces détails «mineurs» comptent de manière importante dans la vie de millions de personnes qui ne peuvent faire affaire avec les institutions financières (p.97). Convoy suggère d’ailleurs d’utiliser le terme microfinance, plutôt que microcrédit, puisque ces services comprennent davantage que les seuls services de crédit (l’épargne, entre autres) (p.99).

Le chapitre préparé par Harif Mirza (chapitre 7) n’est pas très long et concerne les investissements directs étrangers. Toutefois, c’est peut-être l’un des plus clairvoyants. Outre un très intéressant portrait évolutif de ce type d’investissements en Asie du Sud-Est, on y apprend avec surprise que le Japon n’est pas (n’était plus en 2000!) l’un des dix plus grands investisseurs en Asie du Sud-Est (p.198) et que, depuis 1995, c’est le Vietnam qui a le plus augmenté son stock d’IDÉ – multiplié par 45! Mirza analyse en détail les types de liens qui s’établissent entre, d’une part, les différentes politiques et mesures mises en oeuvre pour encourager les investissements directs étrangers et, d’autre part, les différentes échelles d’observation (pays qui reçoit ces investissements, échelle de l’ASEAN, hors ASEAN, etc.) (pp. 204-205).

Pour sa part, Ngiam Kee Jin discute de l’intégration financière régionale. Malgré les efforts déployés pour mieux intégrer l’économie régionale, le commerce à l’intérieur de l’ASEAN ne comptait que pour environ 20% du total du commerce des pays de la région, les principaux partenaires étant les États-Unis, l’Union européenne et le Japon (p. 281). Cela s’explique en partie par le caractère concurrentiel – et non complémentaire – des économies nationales de l’Asie du Sud-Est. Son argumentation est toutefois orientée vers la recherche de solutions pour atteindre une meilleure intégration financière régionale, par exemple pour aider à prévenir «la marginalisation ou la disparition de certains marchés financiers dans la région» (traduction libre, p. 304).

Au total, l’ouvrage demeure très macroéconomique, à quelques rares exceptions près (le chapitre 4 sur la microfinance), coincé à l’échelle des politiques nationales. On peut regretter que le lien ne soit pas suffisamment établi entre la réalité, parfois dure, des conditions économiques présentes à l’échelon local et les jeux de pouvoirs politico-économiques qui se déroulent aux échelons nationaux et internationaux.