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Marcus Power s’est attaqué à un projet colossal : d’une part, décortiquer toutes les facettes de ce que représente le développement, comment cette idée a fait son chemin dans le monde scientifique, au coeur des organisations internationales, dans la société civile, jusqu’à imprégner l’ensemble de la vie économique de la planète ; d’autre part, revoir l’approche des géographes dans l’étude du développement. Concrètement, thématique oblige, Power tire un peu dans toutes les directions, critiquant, examinant les différents arguments (souvent leur faiblesse), les relations de pouvoir qui les sous-tendent, tout cela en scrutant la définition du développement, en passant par les relations entre la géographie et le tropicalisme, la mise en place des études régionales, la pensée développementaliste, le tiers-mondisme, la géographie coloniale et post-coloniale, la mondialisation et les relations de pouvoir associées, les résistances et, surtout, la propagation du développement, de ce paradigme qu’il est mal venu de critiquer et qui est présenté par les grands bonzes de l’économie comme seule voie possible vers un monde meilleur. Ceux qui s’intéressent aux relations de pouvoir, à la marginalité, aux relations entre environnement et développement y trouveront aussi leur compte. Au total, Marcus Power est très critique face aux organisations internationales et à la promotion du néolibéralisme.

L’un des objectifs visés par Power est de formuler une vision du développement qui met l’accent sur les familles et les communautés au lieu (comme c’est souvent le cas) de s’occuper uniquement des institutions formelles comme l’État, les corporations transnationales, les agences de développement internationales ou les organisation non-gouvernementales (p. 5). L’auteur tente aussi de livrer la vision de ce même développement par les divers intervenants du Sud, en utilisant quelques exemples comme celui de l’Afrique du Sud (chapitre 9). D’ailleurs, il critique aussi vivement l’utilisation qui est faite des différentes dénominations : tiers-monde, pays en développement, le Sud versus le Nord, etc. Le livre s’articule autour de 10 chapitres plus ou moins bien emboités, mais qui font beaucoup référence les uns aux autres. Il en résulte plusieurs répétitions qui, dans certains cas, deviennent un peu gênantes. Quelquefois, la structure apparaît lourde pour arriver au coeur des différents thèmes abordés (par exemple, l’introduction et la conclusion du chapitre 7 s’étendent sur 12 pages alors que le développement du chapitre en fait 13). Toutefois, le contenu est fort bien documenté, il s’appuie abondamment sur la littérature, de toutes les époques, de tous les horizons idéologiques, mais presque uniquement en anglais, ce qui limite la portée de son tour d’horizon.

Le livre est aussi abondamment illustré d’images concernant le développement, ce que l’on ne rencontre pas souvent dans les publications scientifiques : caricatures, photos, affiches, etc. ; ces images rendent la lecture très agréable et nous livrent une autre facette de ce développement : comment en fait-on la promotion ou comment y résiste-t-on ? Un tour d’horizon à lire et à relire absolument pour bien comprendre toutes les dimensions de ce concept, le développement.