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Introduction

Au Québec, la mise en place du programme Municipalité amie des aînés (Gouvernement du Québec, 2009) et la politique Vivre et vieillir ensemble (Gouvernement du Québec, 2012), visent à développer des milieux urbains adaptés aux besoins et capacités des personnes âgées. L’objectif ultime derrière ces politiques est de permettre aux aînés de continuer à vivre dans leur quartier de manière active et autonome le plus longtemps possible. La création de tels environnements passe par des interventions sur deux axes : l’environnement physique, incluant sa relation avec l’environnement social, et les questions de gouvernance (Lui et al., 2009 ; Plouffe et Kalache, 2010). Dans le cadre de cet article, nous avons choisi de nous concentrer sur l’aménagement physique des espaces résidentiels.

Au Québec, 87 % des personnes de 65 ans et plus habitaient une région métropolitaine de recensement en 2011 (Statistique Canada, 2012), une proportion qui passe à 89 % pour les 85 ans et plus. Cette proportion dépasse celle observée aux États-Unis, où près de 75 % des personnes âgées habitent un territoire métropolitain (Rosenbloom, 2003). Malgré leur nombre important, les aînés des régions métropolitaines sont proportionnellement moins nombreux que dans des villes de plus petite taille (Thouez et Bussière, 2008). Ainsi, en 2011 les 65 ans et plus y représentaient 15,9 % de la population, tandis que dans la région métropolitaine de Montréal, la proportion était de 14,6 % (Statistique Canada, 2012). Une analyse longitudinale (Séguin et al., 2013) montre que, dans le Montréal métropolitain, les 65 ans et plus ont une tendance à la dispersion : entre 1981 et 2006, leur proportion a augmenté dans les territoires de première couronne de banlieue et elle a diminué dans les quartiers centraux. Ce vieillissement des territoires de banlieue favorise le marché des formules résidentielles « adaptées » destinées aux aînés.

On trouvait, en 2013 au Québec, 1173 résidences pour personnes âgées – de gestion privée ou communautaire –, dont 307 dans la région métropolitaine de Montréal (SCHL, 2013). Les services offerts dans ces résidences vont au-delà du simple hébergement. À un ou deux repas par jour, s’ajoutent souvent des services médicaux, une pharmacie, un service de transport, une connexion Internet ou des équipements. Tous ces services visent à permettre aux personnes âgées qui quittent leur logement de conserver certains éléments de leur chez-soi (Caouette, 1995). Cette intégration à l’intérieur des résidences de ressources qui se localisent habituellement dans l’espace urbain crée une certaine ségrégation entre ceux qui ont accès aux résidences avec services privés et les autres qui s’en remettent aux services dans la communauté (Bigonnesse et al., 2011 ; Séguin, 2011).

À l’échelle des quartiers, la localisation des complexes résidentiels pour aînés est contrainte principalement par la disponibilité foncière (surtout pour les complexes de plus grande taille) et par le règlement de zonage en vigueur. Plusieurs se trouvent dans des environnements parfois enclavés, à proximité de grands axes autoroutiers, parfois avec peu de services de proximité (Cliche et al., 2012). Pourtant, plusieurs recherches ont fait ressortir l’influence positive d’une mixité élevée d’activités et d’une forte densité d’habitation sur les déplacements à pied (Ewing et Cervero, 2001 ; Handy et Clifton, 2001). Des travaux réalisés dans divers quartiers, en Allemagne, ont aussi montré que les personnes âgées qui habitent les quartiers centraux offrant une mixité élevée d’activités font davantage de déplacements à pied et utilisent plus le transport en commun que les aînés qui habitent des quartiers de banlieue. Des résultats similaires ont été observés par Vandersmissen (2012) pour la région de Québec, ou encore par Stromberg (2007) pour la région de Northern-Virginia, aux États-Unis.

Même si la proximité géographique des activités constitue un élément-clé dans l’évaluation de l’accessibilité à pied d’un territoire (Talen, 2003 ; Apparicio et Séguin, 2006 ; Paez et al., 2010), certaines caractéristiques morphofonctionnelles de l’espace urbain (larges boulevards, vastes stationnements, entre autres) peuvent aussi diminuer l’accessibilité à pied aux commerces pour les personnes âgées (Negron-Poblete et al., 2012). D’autres recherches, tant européennes que nord-américaines, ont montré que les caractéristiques de la rue influencent le choix des parcours des personnes âgées, celles-ci préférant marcher le long de rues qui leur semblent attrayantes et qui leur offrent des parcours sécuritaires (Lockett et al., 2005 ; Borst et al., 2009). Finalement, la marche constitue un maillon-clé dans les déplacements en transport en commun ; si l’accès à pied à l’arrêt d’autobus est difficile, cela peut compromettre le déplacement par ce mode (Hensher, 2007).

Ces constats nous amènent à dire que les analyses d’accessibilité menées habituellement à l’échelle des villes ou de grands territoires devraient être complétées par une caractérisation plus fine au sein des quartiers, à une échelle qui permette d’appréhender les rapports entre les aînés et l’environnement géographique de proximité. C’est ainsi qu’en nous appuyant sur une analyse fine à l’échelle des segments de rue, nous avons voulu explorer si les environnements immédiats autour de quatre résidences pour personnes âgées offrent des parcours « marchables » pour leurs résidants. Compte tenu de l’importance, pour les aînés, des déplacements liés à la consommation, nous avons aussi évalué la marchabilité autour des concentrations commerciales proches de ces mêmes résidences.

Notre recherche vise à répondre à deux questions concernant ces environnements urbains : quel est le niveau de marchabilité autour de ces résidences et des concentrations commerciales proches ? Comment les aînés qui habitent ces résidences perçoivent-ils l’expérience de la marche dans leur quartier ? L’article s’articule autour de trois grandes sections. Premièrement, nous présentons les facteurs qui contribuent à la mise en place d’environnements favorables à la marche chez les personnes âgées. Dans un deuxième temps, nous présentons la méthode et les détails entourant le développement d’un nouvel audit environnemental [1]. Finalement, nous présentons une analyse de la marchabilité de ces environnements urbains en fonction des constats rapportés par les résidants dans deux groupes de discussion et les résultats de l’application de l’audit autour des quatre résidences et des concentrations commerciales proches. Des avenues de recherche aux niveaux théorique et méthodologique sont présentées en conclusion.

Aménager des environnements favorables aux aînés

La tendance au vieillissement de milieux urbains orientés vers l’automobile risque de diminuer l’accessibilité aux commerces et services pour les personnes âgées qui ne seront plus en mesure de conduire. Stromberg (2007) constate qu’aux États-Unis, cette situation s’observe déjà auprès d’aînés vivant dans certaines banlieues. De son côté, Rosembloom (2004) rappelle que nombreuses sont les personnes âgées dont le mode de vie est dépendant de la voiture. L’accessibilité a souvent été mise de l’avant dans la qualité des environnements urbains, particulièrement pour les personnes vulnérables. Une bonne accessibilité aux commerces et services, autrement qu’en automobile, constituerait un atout pour les aînés. Dans le Melbourne métropolitain, en Australie, Engels et Liu (2011) ont constaté qu’en raison des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles de la ville, de nombreux aînés qui ne conduisaient pas (ou plus) se trouvaient dans une situation d’exclusion, car ils n’étaient pas en mesure d’accéder aux aménités urbaines de leur quartier.

Au Québec, les banlieues de première couronne ont été aménagées pour répondre aux besoins des jeunes familles motorisées, avec des réseaux de rues peu perméables et une faible mixité des usages (Bourne et Rose, 2001). Cette organisation spatiale diminue d’autant l’accessibilité spatiale aux aménités urbaines au sein de ces quartiers, notamment à pied (Lord et Després, 2012 ; Negron-Poblete et al., 2012). Cliche et al. (2012) ont analysé l’environnement urbain autour de 290 résidences pour personnes âgées de l’agglomération de Montréal en fonction, notamment, de l’accessibilité à pied aux commerces et services. Ils ont constaté que les résidences qui se trouvent dans des municipalités plutôt aisées, comme Pointe-Claire ou Dollard-des-Ormeaux, ont une offre de services et commerces de proximité accessibles à distance de marche, plutôt faible. Pour les personnes âgées motorisées, cela ne pose pas de problème majeur, mais la situation risque d’être plus complexe advenant la perte de l’automobile.

La tendance à la concentration de l’offre commerciale dans des centres commerciaux régionaux, contribuerait aussi à diminuer l’accessibilité aux commerces et services par des modes autres que l’automobile, un constat effectué à Québec par Biba et al. (2008). La faible accessibilité ne touche pas seulement les centres commerciaux, mais aussi les magasins d’alimentation en général. Yamashita et Kunkel (2012) ont constaté que les aînés qui ne conduisent pas sont désavantagés au plan de l’accessibilité de l’alimentation. Environ 90 % des personnes de 65 ans et plus du comté de Hamilton, en Ohio, n’avaient aucun magasin d’alimentation de qualité à l’intérieur d’un rayon de marche de 800 m. La localisation des activités dans l’espace urbain en fonction d’une accessibilité en automobile est l’un des plus forts déterminants de la dépendance à l’auto (Dupuy, 2006).

Marche, mobilité et qualité de vie

Outre le fait de permettre un accès aux activités, équipements et services, la marche constitue une forme d’exercice bénéfique (Spinney et al., 2009 ; Kerr et al., 2012). Intervenir dans les environnements urbains pour favoriser la marche est donc cohérent avec la promotion d’un vieillissement actif en santé (Walker, 2002 ; Plouffe et Kalache, 2010). Des recherches ont établi un lien entre la capacité des personnes âgées de se déplacer et leur perception de leur qualité de vie (Alsnih et Hensher, 2003 ; Rosenbloom, 2004). En Angleterre, Banister et Bowling (2004) ont observé que les aînés qui sont en mesure de réaliser plus d’activités de manière autonome, et qui se déplacent à pied sur au moins 500 m, avaient une meilleure perception de leur qualité de vie. Dans d’autres contextes urbains, Fobker et Grotz (2006) et Lord et al. (2011) rappellent qu’en vieillissant, les personnes ont tendance à voir leurs compétences motrices diminuer, les poussant à modifier leurs activités afin de s’adapter à ce déclin. Pour être favorables aux aînés, les habitats doivent donc faciliter cette adaptation malgré la diminution des capacités de mobilité.

La satisfaction des aînés par rapport à leur quartier peut être un des facteurs qui contribuent à s’y sentir en sécurité et à en jouir. La propreté dans l’espace public et l’absence de vandalisme sur le mobilier urbain constituent aussi des éléments importants d’un quartier favorable à la marche (Michael et al., 2006). À Glasgow, Day (2008) constate qu’un environnement extérieur favorable aux aînés offre propreté, tranquillité et des éléments stimulant et facilitant l’activité physique et l’interaction sociale. Des résultats similaires sont observés par Cao et al. (2010) aux États-Unis (Caroline du Nord) : les aînés accorderaient une grande importance aux facteurs susceptibles d’influencer l’accessibilité, la sécurité, les occasions de socialisation et les caractéristiques esthétiques. Ils perçoivent aussi favorablement les quartiers avec des arbres ou un aménagement paysager sur les terrains privés (Kahana et al., 2003). À Detroit, Gallagher et al. (2010) constatent que les espaces verts et la présence de monuments historiques favorisent les déplacements à pied. Le fait d’habiter à proximité d’une épicerie peut aussi inciter les aînés à s’y rendre plus souvent à pied (Cao et al., 2010). La présence de mobilier permettant de s’asseoir rend le déplacement plus aisé et peut contribuer à la marche. Enfin, les déplacements à pied favorisent indirectement le transport en commun, notamment par la présence d’arrêts à distance de marche (Lockett et al., 2005 ; Michael et al., 2006).

Les recherches ont aussi permis d’identifier les éléments de l’environnement urbain susceptibles de constituer des barrières à la marche chez les aînés (Kerr et al., 2012). Dans leurs travaux sur les déplacements à pied d’aînés à Ottawa, Lockett et al. (2005) ont constaté que les barrières à la marche pouvaient être liées à la circulation automobile (faible durée de traverse octroyée le long des boulevards et absence de passages piétons pour traverser les rues) et aux risques de chute (état des trottoirs, marches aux entrées des commerces). Les espaces vacants, mais aussi une végétation trop dense, nuisent également à la perception d’une bonne marchabilité d’un environnement (Cao et al., 2010). Risser et al. (2010) ont observé que les personnes âgées européennes considèrent prioritaires les mesures visant à améliorer leur impression globale de sécurité dans l’espace public (éclairage piéton, aménagement des infrastructures, entre autres).

Des audits urbains pour évaluer la marchabilité

Tous les éléments présentés précédemment contribuent à établir le degré de marchabilité de l’environnement urbain pour les personnes âgées. Ces éléments peuvent varier d’une rue à une autre et ne sont pas inclus dans les bases de données métropolitaines (réseau routier, densités d’habitation, usages du sol permis, etc.) ou d’accessibilité spatiale (Handy et Clifton, 2001 ; Talen, 2003 ; Paez et al., 2010).

C’est en partie pour répondre à ces contraintes que, récemment, l’audit de marchabilité a fait son apparition dans la recherche en santé et en design urbain. Ces audits sont nombreux dans la littérature et permettent de relever de manière exhaustive et systématique différents attributs de l’environnement de marche. Un des premiers audits sur la marchabilité est le Systematic Pedestrian and Cycling Environmental Scan (SPACES) développé par Pikora et al. (2002) pour la région de Perth, en Australie. Avec 37 variables, il permet d’évaluer dans quelle mesure les segments de rue contiennent des éléments qui favorisent les déplacements à pied et à vélo. D’autres audits sont dérivés de SPACES, pour le perfectionner ou l’adapter. Ainsi, le Irvine-Minesota Inventory (IMI) s’intéresse aux facteurs de l’environnement bâti qui favorisent les modes de vie actifs (Day et al., 2006). Il intègre des facteurs liés à l’accessibilité, ainsi qu’à la perception de la sécurité et de l’attraction des environnements. Toutefois, avec ses 162 critères, il est relativement long à appliquer (20 minutes par segment de rue). De son côté, le Pedestrian Environmental Data Scan (PEDS) est une adaptation du SPACES au contexte étasunien (Clifton et al., 2007). Avec un nombre de variables réduit (31 critères), il est appliqué sur un seul côté de la rue.

Certains audits s’intéressent à un type particulier de marcheur. Le Senior Walking Environmental Assessment Tool (SWEAT) est une adaptation du SPACES qui s’intéresse à la marchabilité pour les aînés (Cunningham et al., 2005 ; Michael et al., 2009). Il est organisé autour de quatre thèmes : la fonctionnalité des segments, l’image de sécurité qu’ils renvoient, la qualité esthétique et la nature des destinations qu’on y trouve. L’audit vise une simplification de la collecte de données et une réduction du caractère subjectif dans la lecture de l’espace. Les questions subjectives du SPACES (est-il facile de…) ont été reformulées dans le SWEAT afin de rendre compte de la présence / absence d’éléments physiquement observables. Pour une comparaison détaillée de divers audits, le lecteur pourra se référer à Clifton et al. (2007) et à Moudon et Lee (2003).

Même s’ils permettent de faire un portrait détaillé de divers éléments susceptibles d’influencer la marchabilité d’un territoire, les audits environnementaux se limitent souvent à offrir un inventaire des éléments qui affectent la marche dans un territoire donné. Or, l’audit peut également être un outil d’aide à la décision pour les urbanistes et aménagistes (Chaudhury et al., 2011), voire dans le cas qui nous intéresse, un outil méthodologique à part entière pour la recherche. Comme nous le verrons dans les paragraphes qui suivent, l’audit sera d’autant plus utile qu’il sera appliqué dans des territoires réellement fréquentés par les piétons.

Méthodologie

Nous avons sélectionné quatre résidences pour personnes âgées de la région métropolitaine de Montréal : la Maison des aînés (Rosemont, centre de l’île de Montréal), les résidences Les Brises (Lachine, ouest de l’île de Montréal), les Habitations Paul-Pratt (Vieux-Longueuil, rive-sud) et la résidence Jardin des Saules (Laval-des-Rapides, Laval) (figure 1). Le recensement 2011 montre que la proportion de personnes de 65 ans et plus varie d’un territoire à l’autre : Rosemont 14,5 %, Lachine 15,5 %, Vieux-Longueuil 17,7 % et Laval-des-Rapides 20,6 % (Statistique Canada, s.d.).

Figure 1

Localisation des quatre territoires à l’étude

Localisation des quatre territoires à l’étude

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La résidence de Rosemont est la seule qui se trouve dans un tissu urbain développé avant les années 1950. On y trouve des rues commerciales à proximité et un cadre bâti composé en majorité de logements dans des duplex et des triplex, ainsi que d’immeubles à logements, ce qui explique la forte densité de population (8457 habitants par km2) (Ville de Montréal, 2013a). L’arrondissement du Vieux-Longueuil présentait en 2006 une densité plus faible (4597 habitants par km2), notamment en raison de la présence de maisons unifamiliales (Statistique Canada, s.d.). À Lachine, la densité de population est beaucoup plus faible (2349 habitants par km2, Ville de Montréal, 2013b), notamment en raison de la présence de vastes zones industrielles et commerciales qui diminuent la surface de terrain destinée à l’habitation. Le territoire de Laval-des-Rapides a une densité similaire (2414 habitants par km2), cette fois en raison de la forte présence de maisons unifamiliales (Statistique Canada, s.d.). Le territoire autour de la résidence pour personnes âgées est presque exclusivement résidentiel.

Afin de connaître l’importance que revêt la marche chez les aînés vivant en résidence, nous avons réalisé des groupes de discussion dans les territoires de Lachine et de Rosemont. Nous avons aussi appliqué un audit environnemental autour des résidences à l’étude afin d’évaluer la marchabilité des rues.

Groupes de discussion avec des résidants des secteurs étudiés

Nous avons formé des groupes de discussion avec des aînés des résidences Les Brises (Lachine) et La Maison des aînés (Rosemont). Au total, 22 aînés ont pris part aux discussions, 19 femmes et 3 hommes âgés de 65 à 88 ans pour une moyenne d’âge de 78 ans. Les participants ont été invités à se prononcer sur le rôle de la marche dans leur vie quotidienne et sur les caractéristiques urbaines de leur quartier qui nuisent à leurs déplacements à pied ou qui les favorisent.

Construction d’un audit adapté au contexte montréalais

L’audit que nous proposons (Marchabilité pour les personnes âgées, MAPPA) prend appui sur le PEDS (Pedestrian Environment Data Scan – Clifton et al., 2007), que nous avons ajusté pour répondre aux enjeux des déplacements à pied des aînés dans le contexte montréalais. Les modifications et ajouts effectués découlent de la littérature, d’une série d’entretiens menés dans une recherche antérieure auprès de personnes âgées de Lachine et du Vieux-Longueuil (Negron et Grou, 2012) ainsi que de la consultation de l’audit SWEAT-R spécifique aux aînés (Cunningham et al., 2005 ; Michael et al., 2009).

Plusieurs caractéristiques du PEDS visant directement les cyclistes ont été éliminées (vitesse autorisée de circulation, état de la chaussée, aménagements spécifiques pour les cyclistes, entre autres). Nous avons ajusté certaines réponses à la réalité de la région montréalaise, notamment la largeur des trottoirs, où nous avons modifié les rangs proposés. Relativement aux usages pris en compte dans les audits, le PEDS proposait très peu d’options, alors que SWEAT-R relevait toutes les possibilités. Pour MAPPA, nous avons plutôt choisi un éventail de neuf catégories d’activités associées à la mobilité des personnes âgées (Day, 2008 ; Cao et al., 2010 ; Negron et Grou, 2012).

MAPPA intègre aussi des informations concernant l’usage de la marge avant des parcelles (aménagement paysager, stationnement, espace minéralisé, etc.), un attribut qui contribue à l’expérience de marche chez le piéton âgé (Kahana et al., 2003 ; Negron et Grou, 2012). Nous avons aussi intégré la présence de terrains en construction, car les personnes âgées évitent d’y marcher à proximité (Negron et Grou, 2012). Enfin, nous avons davantage détaillé la présence de mobilier urbain (poubelles, boîtes postales), ne nous limitant pas à la présence de bancs.

Nous avons apporté une attention particulière à la simplicité et à l’objectivité des éléments considérés. Certaines caractéristiques du PEDS (sentiment d’enfermement, articulation dans le design des immeubles) n’ont pas été incluses, car une évaluation objective est plus difficile. L’utilisation d’éléments demandant une réponse binaire (oui / non) liée à la présence / absence des caractéristiques relevées permet ainsi de réduire l’espace d’interprétation et d’améliorer la fiabilité de l’outil. Contrairement au PEDS et au SWEAT-R, MAPPA permet d’évaluer les deux côtés d’une rue séparément. Ceci est particulièrement important dans le contexte de banlieue, où le trottoir se trouve parfois d’un seul côté de la rue, ou encore pour différencier les rues qui comportent des activités différentes des deux côtés. La grille est structurée sur une seule page, en format lettre pour faciliter la saisie de l’information sur le terrain. L’application de l’audit pour les deux côtés d’un même segment de rue prend entre sept et neuf minutes. Quarante-deux éléments sont proposés selon sept thèmes (tableau 1). Les éléments de MAPPA visent à mieux documenter les principales dimensions morphologiques, fonctionnelles et sécuritaires de l’environnement de marche. Les résultats de l’audit sont intégrés dans un système d’information géographique (SIG) permettant différentes analyses, dont la construction d’une typologie de marchabilité présentée ci-dessous.

Délimitation des zones d’application de l’audit

Le choix des segments de rue à évaluer a été fait à partir du réseau routier de Statistique Canada du recensement de 2006 avec le module Network Analyst du logiciel ArcGIS v.10©. Seuls les segments de rue qui étaient disponibles dans la base du réseau routier ont été évalués. MAPPA n’a donc pas été appliqué le long des chemins piétons, des pistes cyclables ou des espaces de stationnement, même si ceux-ci peuvent être utilisés pour les déplacements à pied. Les zones d’analyse s’étendaient sur 500 m le long du réseau de rues autour des résidences pour aînés et sur 250 m autour des principales concentrations commerciales à proximité. Cette technique permet de se rapprocher de la réalité des déplacements à pied d’une manière plus précise (Talen, 2003 ; Apparicio et Séguin, 2006). Les relevés dont nous discutons ici ont été réalisés aux mois de juin et juillet 2012 par des étudiants en stage de formation en urbanisme ayant participé aux travaux de recherche et de création de la grille.

Tests de fiabilité de l’audit

Pour des questions d’efficacité, MAPPA a été appliqué par des observateurs différents au sein d’un même territoire. Pour tester la fiabilité des réponses obtenues, 25 % du total des segments analysés ont fait l’objet d’un double relevé par deux observateurs différents. En suivant l’approche utilisée dans d’autres recherches (Pikora et al., 2002 ; Saelens et al., 2006 ; Clifton et al., 2007), les observations pour chacune des questions ont d’abord été comparées selon les observateurs avec le pourcentage d’accord. Ensuite, des tests de Kappa de Cohen ont été calculés. Ce coefficient mesure l’accord entre deux observateurs à l’égard d’une variable qualitative en utilisant des modalités comparables (Viera et Garrett, 2005). Le calcul du Kappa renvoie à une valeur comprise entre -1 (absence d’accord) et 1 (accord maximal). Un barème est habituellement utilisé pour l’interpréter (tableau 2). Ces évaluations ex post de MAPPA nous permettront d’améliorer la grille pour des applications futures.

Le Kappa ne fait pas l’unanimité. Son interprétation doit prendre en compte le nombre possible de modalités des variables analysées. Plus le nombre des modalités possibles (choix de réponse) sera grand, plus il aura tendance à être faible, alors qu’il tendra à être plus élevé pour un diagnostic à deux modalités (oui / non). En combinant l’observation du pourcentage d’accord, nous avons vérifié si nous nous trouvions dans une telle situation.

Tableau 1

Outil MAPPA (Marchabilité pour les personnes âgées)

Outil MAPPA (Marchabilité pour les personnes âgées)

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Tableau 2

Grille de lecture pour l’interprétation des tests Kappa

Grille de lecture pour l’interprétation des tests Kappa
Source : Landis et Koch, 1977

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Pour chacun des 42 éléments de l’audit, nous avons calculé les pourcentages d’accord (de 76,63 % à 98,55 % selon les territoires, pour une moyenne globale de 91 %) et les coefficients de Kappa (de 0,351 à 0,955 selon les territoires, pour une moyenne globale de 0,640) (tableau 3). Dans l’ensemble, les résultats obtenus valident la concordance des réponses octroyées par divers évaluateurs aux questions de la grille, avec un accord pouvant être considéré comme « substantiel ». Globalement, seul le thème portant sur l’entretien des rues et l’appréciation générale à Lachine, ainsi que les zones tampons à Laval-des-Rapides, montrent des tests de Kappa « faibles » (0,354 et 0,351 respectivement). Les évaluations varient selon les critères et les territoires, mais pas selon les observateurs, puisque les pourcentages d’accord sont toujours relativement élevés (presque toujours au-dessus de 90 %). Les tests de fiabilité de MAPPA montrent qu’il n’y a pas d’élément significativement problématique et commun à tous les quartiers, sauf peut-être l’évaluation des zones tampons entre l’espace de marche et la rue, notamment à Lachine. Ou encore la continuité du trottoir, souvent confondue avec un niveau constant du trottoir. Les résultats indiquent qu’il est plus facile d’évaluer les territoires denses, comme Rosemont, que les territoires de banlieue.

Résultats : marche et marchabilité dans les environs des résidences à l’étude

Les groupes de discussion réunis à la Maison des aînés (Rosemont) et à la résidence Les Brises (Lachine) nous ont permis de connaître les opinions des résidants sur la marchabilité de leur quartier. Les aînés des deux résidences font valoir l’importance de la marche pour leur bien-être. Ils marchent régulièrement pour se maintenir en bonne santé, physiquement et moralement, mais également pour socialiser. Deux éléments incitent les participants à marcher : la présence de végétation et les activités commerciales aux alentours de la résidence. Les résidants de la Maison des aînés (Rosemont) apprécient l’abondante végétation autour de la résidence. Ceux des Brises de Lachine déplorent le manque de végétation et de diversité commerciale dans leur quartier. La rue Notre-Dame, ancienne rue principale, n’est plus considérée comme une rue attrayante. Au contraire, les résidants de la Maison des aînés (Rosemont) apprécient beaucoup la proximité de la Plaza St-Hubert. Outre ses nombreux magasins, ils aiment les trottoirs larges de cette rue, la marquise qui les protège des intempéries et les bancs qui leur permettent de prendre des pauses.

Tableau 3

Pourcentages d’accord pour les quatre territoires

Pourcentages d’accord pour les quatre territoires

Note : les questions autour du thème des intersections n’ont pas fait l’objet de tests KAPPA.

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Les segments inclus dans l’audit illustrent une situation diverse selon les territoires (tableau 4). Pour les territoires hors de l’île de Montréal, la végétation se concentre dans le domaine privé : 74 % des segments à Laval-des-Rapides et 69 % de ceux du Vieux-Longueuil ont des parcelles avec des marges avant végétales. Toutefois, cette végétation ne crée pas forcément des zones d’ombre dans l’espace public (14 % et 22 % des segments respectivement). À Rosemont, 69 % des segments offrent une zone tampon végétale entre le trottoir et la chaussée, créant ainsi une zone d’ombre sur presque autant de segments (62 %). C’est à Lachine, qu’on trouve le moins de végétation : à peine 10 % des segments ont une zone tampon végétale et moins de 50 % ont une marge avant végétalisée.

La présence de commerces avec vitrine sur rue est aussi très inégale d’un territoire à l’autre. Autour des résidences de Rosemont et du Vieux-Longueuil : 52 % et 28 % des segments (respectivement) ont des commerces avec vitrine sur rue. À Rosemont, plusieurs rues commerciales s’ajoutent à la Plaza St-Hubert. Dans le Vieux-Longueuil, la forte circulation sur le chemin de Chambly et la Place Jacques-Cartier a attiré plusieurs commerces à proximité de la résidence. Par contre, on trouve très peu d’activité commerciale autour des résidences à Lachine et à Laval-des-Rapides (6 % et 11 % respectivement). Les centres commerciaux régionaux constituent une concurrence très forte pour les commerces locaux.

Une bonne offre de transport en commun permet aux personnes âgées de ne pas rester confinées dans leur quartier. À Rosemont, les résidants apprécient les nombreuses lignes d’autobus et la proximité du métro, surtout pour l’accès au centre-ville. À l’opposé, ceux de Lachine considèrent que le réseau d’autobus ne répond pas à leurs besoins de mobilité : les arrêts sont trop loin de la résidence et les trajets vers les centres commerciaux sont trop longs. De plus, le stationnement sur le terrain de la résidence et autour semble problématique, de sorte que recevoir de la visite demeure difficile. Les relevés de l’audit vont aussi dans ce sens : à Rosemont, 19 % des segments disposent d’un arrêt d’autobus. À Lachine, bien que 16 % des segments disposent d’un arrêt d’autobus, la seule ligne qui passe à proximité de la résidence est un parcours express qui fonctionne uniquement aux heures de pointe. Le caractère banlieusard des résidences hors de l’île de Montréal se reflète aussi à ce niveau : peu de segments autour des résidences du Vieux-Longueuil (10 %) et de Laval-des-Rapides (9 %) disposent d’un arrêt d’autobus.

Les deux groupes de discussion confirment que trois éléments affectent les conditions de sécurité lors des déplacements à pied : les risques de collision avec les véhicules, l’état des trottoirs et les conditions hivernales. Les intersections mal aménagées, le non-respect des automobilistes et l’insuffisance de temps pour traverser ne sont que quelques-uns des nombreux conflits avec les automobilistes rapportés lors des groupes de discussion. À Lachine, les problèmes se présentent surtout au moment de traverser le boulevard Victoria, en chemin vers les centres commerciaux. À Rosemont, c’est l’achalandage de la piste cyclable de la rue Boyer, sur le chemin vers la Plaza St-Hubert, qui pose problème. Les résultats de l’application de MAPPA corroborent ces constats (tableau 4) : moins de 50 % des segments de l’audit dans chaque territoire ont des passages piétons clairement indiqués aux intersections.

Tableau 4

Attributs de MAPPA utilisés dans la typologie de marchabilité

Attributs de MAPPA utilisés dans la typologie de marchabilité

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De plus, moins de 5 % des segments à Lachine et dans le Vieux-Longueuil disposent d’une lumière avec décompte à l’intersection. À Laval-des-Rapides, 14 % des segments disposent d’un tel décompte, avec une durée moyenne pour traverser d’environ 30 secondes. Toutefois, la présence de rues très larges, aménagées pour favoriser la circulation automobile, nous pousse à nous demander si les aînés ont suffisamment de temps pour traverser. La résidence à Rosemont présente un environnement plus sécuritaire que les autres : 49 % des segments disposent d’un passage piéton clairement marqué à l’intersection, et 38 % d’une lumière avec décompte piéton.

Même s’ils admettent que la largeur du trottoir offre assez d’espace à deux personnes pour marcher côte à côte, les aînés s’inquiètent du fait qu’elle ne permet pas de circuler avec un quadriporteur ou une marchette sans gêner les autres piétons. À Rosemont, les aînés ont aussi rapporté le mauvais état des trottoirs, où les nombreuses fissures constituent un risque réel de chute. L’audit a montré que les trottoirs ne sont pas toujours présents ou praticables. À Lachine et à Laval-des-Rapides, respectivement 10 % et 8 % des segments ne disposent pas de trottoirs, et lorsqu’il y en a, ils ne sont pas toujours en bon état (65 % et 39 % respectivement). À Rosemont et à Laval-des-Rapides, moins de la moitié des segments avaient des trottoirs sans obstacles (16 % et 46 % respectivement). Et bien que ces obstacles soient parfois mobiles (vélos garés ou bacs de recyclage), plusieurs sont fixes (poteaux, arbres, bouches d’égout), ce qui rend le problème permanent.

Les aînés des deux résidences diminuent radicalement leurs déplacements à pied l’hiver, notamment en raison des risques de chute. À Lachine, les nombreuses dénivellations le long de la piste cyclable (fréquemment utilisée par les résidants) entraînent des accumulations d’eau et la formation de plaques de glace qui rendent cette voie dangereuse. À Rosemont, c’est le mauvais déneigement des intersections qui favoriserait l’accumulation d’eau, rendant la traversée des rues difficile. La noirceur hâtive de l’hiver empêche aussi les aînés de marcher à l’extérieur en fin de journée. Dans les deux résidences, lorsque la météo ou le manque de lumière rendent les sorties impossibles, les aînés se maintiennent tout de même actifs en montant les escaliers et en marchant dans les couloirs de la résidence. L’audit montre qu’on trouve rarement de l’éclairage destiné aux piétons le long des rues (moins de 25 %), ce qui ne facilite pas les conditions de marche lorsque la lumière naturelle fait défaut, comme c’est le cas en hiver. La situation est particulièrement critique à Laval-des-Rapides, où aucun des segments de l’audit ne dispose d’un tel éclairage.

Une typologie de marchabilité pour les personnes âgées

À la suite de ces résultats, nous avons développé une typologie cumulative de marchabilité en fonction de quatre thèmes : sécurité, fonctionnalité, occupation du sol et ambiance (tableau 5). Les figures 2, 3, 4 et 5 illustrent la typologie de marchabilité dans les segments des quatre territoires de l’étude [2].

Tableau 5

Typologie de marchabilité pour les territoires à l’étude (résidences et concentrations commerciales)

Typologie de marchabilité pour les territoires à l’étude (résidences et concentrations commerciales)

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Les segments du type 1 (segments sans trottoir ou avec un trottoir discontinu) n’offrent aucun confort ni sécurité pour les aînés et sont la configuration la plus problématique, qui présente un risque réel pour le piéton âgé. Même si peu de segments dans les quatre environnements ne possèdent pas de trottoir, entre 6 % et 13 % des segments se trouvent dans cette catégorie. Avec 13 % des segments dans cette catégorie, on peut affirmer que la résidence Les Brises de Lachine (figure 2) offre l’environnement le moins favorable à la marche.

Le segment de type 2 offre la sécurité minimale telle qu’exigée par les autorités municipales (trottoir non interrompu et en bon état). À l’exception de la résidence de Rosemont, toutes les autres ont au moins trois segments sur quatre dans cette catégorie. Les segments de rue qui entourent le centre commercial les Galeries Lachine et d’autres commerces le long de la rue Victoria sont presque exclusivement de type 2 (figure 2). Pourtant, il s’agit d’une destination presque quotidienne pour la majorité des aînés de la résidence. La résidence Jardins des Saules (Laval-des-Rapides) (figure 3) et les Habitations Paul-Pratt (Vieux-Longueuil) (figure 5) se trouvent dans une situation un peu moins critique. Toutefois, la présence de nombreuses sorties de garage et le mauvais état des trottoirs font en sorte que 87 % et 75 % (respectivement) des segments dans ces territoires sont de type 2.

Les segments de type 3 offrent un confort minimal, grâce à la présence d’une zone tampon entre le trottoir et la chaussée qui sépare les piétons des automobiles. De plus, cette zone permet d’installer du mobilier urbain sans obstruer le trottoir. C’est le cas du boulevard Cartier (Laval-des-Rapides), où des aménagements ont été apportés au cours des années, de sorte que quelques segments le long de cette rue sont de type 3 (figure 3) offrant davantage de confort pour les piétons âgés.

Les segments de type 4 sont très rares. En plus des caractéristiques du type 3, on y trouve une zone tampon végétale et une marge avant sur les parcelles. Finalement, les segments de type 5 offrent le plus haut niveau de confort aux piétons âgés. En plus des caractéristiques du type 4, les segments de ce type possèdent une marge avant végétale ou une marge avant minérale, mais accompagnée d’espaces publics (parcs, squares, etc.) ou de commerces avec vitrine sur la rue. Près du tiers des segments (30 %) autour de la résidence Maison des aînés (Rosemont) sont de type 5 (figure 4). Autour des Habitations Paul-Pratt (Vieux-Longueuil), ce sont les segments le long du chemin de Chambly, face à la Place Jacques-Cartier, qui sont de type 4 ou 5 (figure 5), résultat d’interventions municipales (élargissement des trottoirs, création d’une zone tampon, plantation d’arbres) sur l’espace public au cours des dernières années.

Discussion

Tout comme des recherches antérieures, nos résultats montrent que les activités commerciales (Banister et Bowling, 2004 ; Cao et al., 2010) et la végétation dans l’espace public et privé (Kahana et al., 2003 ; Gallagher et al., 2010) contribuent à créer des environnements appréciés et recherchés par les aînés. La sécurité semble aussi être un attribut décisif des espaces pratiqués. Tel qu’observé par Lockett et al. (2005) et par Risser et al. (2010), le sentiment de sécurité des personnes âgées passe avant tout par le niveau d’entretien des trottoirs, par l’absence d’obstacles et par la diminution de risques de collision avec les automobilistes. Lorsque les résidences se trouvent dans des environnements urbains peu marchables, l’expérience du vieillissement en résidence que nous avons documentée peut s’avérer relativement pénible pour les personnes qui ne peuvent sortir facilement du quartier, comme cela a été observé à Lachine.

Figure 2

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Les Brises (Lachine)

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Les Brises (Lachine)

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Figure 3

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Jardin des Saules (Laval-des-Rapides)

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Jardin des Saules (Laval-des-Rapides)

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Figure 4

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Maison des aînés (Rosemont)

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Maison des aînés (Rosemont)

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Figure 5

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Habitations Paul-Pratt (Vieux-Longueuil)

Typologie de marchabilité à proximité de la résidence Habitations Paul-Pratt (Vieux-Longueuil)

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Le type de résidences comme celles que nous avons étudiées se situent souvent dans des environnements avec une offre limitée de commerces et de services. Afin de pallier cette faible accessibilité, la résidence Jardins des Saules (Laval-des-Rapides), par exemple, offre de nombreux services et activités au sein même de l’établissement, tout comme un transport par navette vers les centres commerciaux. Or, cette situation en parallèle de la vie urbaine collective ne favorise pas l’intégration des occupants de la résidence au reste du quartier. La mise en place de tels services implique aussi des coûts supplémentaires, de sorte que les résidences qui visent une clientèle plus modeste ne peuvent les offrir, comme c’est le cas de la résidence Les Brises de Lachine. Ces exemples illustrent bien la disparité qui existe entre les résidences pour personnes âgées au sein de l’espace métropolitain (Bigonnesse et al., 2011 ; Séguin, 2011) et son impact sur le statut des aînés dans la collectivité.

L’application de MAPPA a permis de localiser divers aménagements mis en place dans des environnements dépendants de l’automobile : stationnement dans les marges avant, sorties de garage, absence de trottoir, etc. Tel que soulevé par Engels et Liu (2011), lorsque cumulées, ces caractéristiques morphologiques et fonctionnelles diminuent de manière importante la marchabilité de l’environnement urbain. L’audit MAPPA a aussi mis en lumière des aménagements réalisés par les autorités municipales en vue d’améliorer la marchabilité de certains axes. Cela dit, ces améliorations sont souvent limitées aux rues commerciales et ne touchent pas les segments de rue devant être empruntés par un aîné dans le trajet à partir de sa résidence. Si un réaménagement complet des quartiers que nous avons étudiés est irréaliste en banlieue, une réflexion sur la possibilité de consolider certains cheminements ou parcours adaptés stratégiques vers des destinations significatives pour les aînés est une avenue à considérer. En revanche, dans des quartiers plus denses et entièrement construits, comme à Rosemont, la marge de manoeuvre est beaucoup plus faible, limitant d’autant les possibilités d’amélioration du niveau de marchabilité par de l’intervention ponctuelle ou à la pièce.

Conclusion

L’application de l’audit MAPPA autour de quatre résidences pour aînés de la région de Montréal et l’organisation des deux groupes de discussion nous ont permis de mettre en relief la diversité des environnements urbains où vivent les personnes âgées de la métropole. Malgré la présence de quelques éléments positifs dans les territoires de banlieue, comme la présence de végétation et de marges avant végétalisées, force est de constater que la marchabilité autour des résidences pour aînés demeure globalement limitée. Malgré cela, nous considérons que les territoires de banlieue offrent un potentiel de réaménagement. C’est notamment le cas le long de certains axes de circulation dont la largeur permettrait la mise en place d’interventions d’aménagement qui contribueraient à rendre ces espaces plus sécuritaires pour le piéton : création de zones tampons entre le trottoir et la rue, élargissement des trottoirs, installation de mobilier urbain, entre autres. Il en va de même pour la présence d’espaces de stationnement autour des destinations commerciales et qui pourraient aussi faire l’objet d’interventions d’aménagement, notamment la mise en place d’activités et services d’intérêt pour les aînés.

L’élaboration d’un audit environnemental spécifique à la réalité métropolitaine du Québec contribuera à établir des diagnostics sur la marchabilité de ces territoires en tenant compte de la mobilité des personnes âgées. L’intégration des résultats à un système d’information géographique pourrait aider les décideurs à établir des priorités d’intervention en vue de créer, non pas des quartiers, mais des parcours marchables pour les aînés. Ces perspectives nous semblent porteuses et réalistes à bien des égards, notamment au plan économique.

Les tests de fiabilité de MAPPA sont dans l’ensemble satisfaisants. Après cette première validation, plusieurs ajustements ont été apportés à une nouvelle version de la grille, qui pourra éventuellement être appliquée à d’autres territoires, notamment une meilleure structuration des choix de réponses (présence, absence, ne s’applique pas, donnée manquante). Également, certains éléments ponctuels, comme la présence d’un banc, impliquant des sous-éléments venant le préciser (dossier, accoudoir), ont été réorganisés de manière à limiter le risque d’erreur dans l’enchaînement des observations. Par ailleurs, il semble qu’il y ait plus de risque de discordance si les évaluateurs ne parcourent pas la rue dans le même sens, car certains éléments de mobilier, comme les panneaux d’affichage, peuvent être moins visibles dans un sens que dans l’autre. Les coefficients d’accords plus « faibles » semblent pointer vers le besoin d’une formation plus serrée des évaluateurs. Nous travaillons présentement à la réalisation d’un guide de formation qui fournira plusieurs exemples d’aménagements pour chacune des questions de l’audit. Finalement, bien que rapide à appliquer sur le terrain, la grille en version papier comporte le défaut d’augmenter le risque d’erreur lors de la retranscription de l’information dans une base de données informatique. Grâce à la flexibilité qu’offrent aujourd’hui les tablettes électroniques, une version électronique de MAPPA est en élaboration. Ce changement de format permettra d’éliminer l’étape de retranscription de données et, ainsi, de diminuer le risque d’erreur.

MAPPA a été développé pour illustrer la complexité des environnements urbains dans un contexte métropolitain au Québec. Or, comme le rappellent Thouez et Bussière (2008), le vieillissement de la population affectera aussi les villes de plus petite taille, tout comme les territoires plus ruraux. Une adaptation de l’audit pour mieux rendre compte de la réalité de ces environnements constituerait un apport important à un meilleur diagnostic de la marchabilité des différents milieux de vie des aînés, au Québec.