Corps de l’article

Introduction

Les villes nord-américaines ont reconnu le rôle crucial de la nature en ville et plus spécifiquement de la présence d’espaces verts (rues arborées, parcs) pour la qualité de vie intra-urbaine, en mettant en oeuvre des mesures de protection et de plantation d’arbres (Charte de l’arbre à Montréal ou le programme d’un million d’arbres à New York). En outre, les bénéfices multiples de la végétation urbaine ont été documentés récemment tant aux niveaux biophysique, sanitaire et social qu’économique. Ainsi, nombre d’études ont démontré que la végétation permet d’améliorer la qualité de l’environnement urbain en réduisant les pollutions atmosphérique et sonore, en captant une partie du carbone de l’air, en contribuant à l’économie d’énergie et, plus primordialement, en minimisant les impacts négatifs des îlots de chaleur sur la santé des populations (Jo et McPherson, 2001 ; McPherson et al., 2005 ; De Ridder et al., 2004 ; Weber et Wania, 2007). Sur le plan du bien-être et des bénéfices sociaux, plusieurs auteurs issus de disciplines diverses constatent que la présence de végétation aide à réduire le niveau de stress et contribue à l’intégration sociale des aînés, des enfants et des adolescents, notamment dans des villes multiethniques (Kweon et al., 1998 ; Cackowski et Nasar, 2003 ; Castonguay et Jutras, 2008 ; Seeland et al., 2009). Enfin, d’autres auteurs soulignent que la présence de la végétation augmente la valeur des propriétés immobilières (Anderson et Cordell, 1988 ; Des Rosiers et al., 2002 ; Kong et al., 2007).

Toutefois, plusieurs études récentes montrent que la végétation urbaine n’est pas distribuée de manière équitable au sein des villes nord-américaines, et ce, au détriment de certains groupes de population comme les ménages à faible revenu ou les minorités visibles (Pedlowski et al., 2002 ; Hope et al., 2003 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; McConnachie et Shackleton, 2009 ; Tooke et al., 2010 ; Pham et al., 2012). L’objectif de cet article est de vérifier l’existence d’iniquités environnementales en termes d’accès à la végétation urbaine sur le territoire de l’ancienne ville de Montréal, et ce, pour deux groupes de population les plus souvent étudiés dans les travaux sur la justice distributionnelle, soit les personnes à faible revenu et les membres des minorités visibles. Dans un premier temps, nous discuterons de la notion d’équité environnementale appliquée à la végétation urbaine en mettant l’accent sur le recours à des indicateurs de végétation à échelles multiples. Puis, nous décrirons notre approche méthodologique qui mobilise à la fois des données multisources (images satellites) et des méthodes variées issues des domaines des systèmes d’information géographique (SIG), de la télédétection et de l’analyse spatiale. Les résultats seront ensuite présentés de façon succincte pour ensuite être discutés.

Revue de littérature

Bref retour sur la notion d’équité environnementale appliquée à la végétation urbaine

Apparu au début des années 1980, le thème de l’injustice environnementale a été mis de l’avant aux États-Unis par des mouvements organisés par la population afro-américaine revendiquant le droit d’habiter dans des espaces non pollués ou non exposés à des nuisances environnementales majeures comme des sites d’enfouissement ou des réacteurs nucléaires (Agyeman et Evans, 2004 ; Walker, 2009). Walker (2012 : 10) identifie trois dimensions ou concepts de justice : la justice distributive, la justice procédurale et la justice de la reconnaissance. La première est conçue en termes de distribution ou de partage des éléments bénéfiques (ressources) et des éléments négatifs (sources de risque). La seconde fait référence à la façon dont les décisions sont prises, aux personnes ou groupes impliqués et à ceux qui ont un pouvoir d’influence. La troisième suppose le respect de tous les individus d’une société et le refus du mépris pour certaines catégories sociales. La justice environnementale reconnaît ainsi à l’ensemble des individus d’une société donnée, quel que soit leur statut : 1) le droit de résider dans un environnement sain et pourvu des ressources territoriales de base et 2) le droit de participer au processus de définition des lois, des politiques et des règlements environnementaux.

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons à la première dimension, soit l’équité environnementale ou justice distributionnelle. De nombreux auteurs ont vérifié l’existence d’iniquités environnementales en milieu urbain pour certains groupes de population, principalement les personnes à faible revenu et les minorités raciales ou ethnoculturelles (Cutter et al., 1996 ; Sheppard et al., 1999). Il s’agit alors de vérifier si ces groupes sont surexposés à certaines nuisances urbaines (industries lourdes, sites d’enfouissement, pollutions atmosphérique et sonore, etc.) ou, inversement, éloignés des éléments positifs du cadre de vie urbain comme les parcs, les services, les transports publics ou la végétation (Boone et al., 2009 ; Walker, 2009 ; Apparicio et al., 2010 ; Pham et al., 2012).

Dans cette voie, plusieurs recherches réalisées dans des contextes urbains variés et reposant sur des méthodologies différentes ont démontré l’existence d’iniquités environnementales en termes d’exposition à la végétation pour les populations à faible revenu (Pedlowski et al., 2002 ; Heynen, 2006 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; Tooke et al., 2010). Concernant les minorités raciales ou ethnoculturelles, les résultats sont toutefois moins concluants : l’hypothèse de l’existence d’une iniquité pour ces minorités n’est pas validée pour tous les groupes, dans certaines villes (Landry et Chakraborty, 2009). Par exemple, à Baltimore et Milwaukee, les Afro-Américains ne semblent pas avoir un accès plus limité à la végétation, contrairement aux Hispaniques (Heynen, 2006 ; Troy et al., 2007).

Dans leur étude, menée à Campos dos Goytacazes (Brésil), Pedlowski et al. (2002) concluent que les quartiers les plus nantis sont ceux avec le plus d’arbres et de diversité d’espèces arboricoles tandis que les quartiers informels sont plutôt dépourvus de végétation. Landry et Chakaborty (2009) démontrent qu’à Tampa (Floride), plus le revenu médian des ménages est élevé, plus il y a d’arbres dans les rues ; à l’inverse, plus les pourcentages d’Afro-Américains, d’Hispaniques et de locataires sont importants, moins il y a d’arbres dans les rues. Heynen et al. (2006) démontrent aussi qu’à Milwaukee, le revenu médian des ménages et le pourcentage de population blanche non hispanique sont associés positivement à la couverture d’arbres dans les secteurs de recensement, mais qu’il n’y a pas d’association significative avec le pourcentage d’Afro-Américains. Finalement, dans une étude comparative sur les trois plus grandes métropoles canadiennes, Tooke et al. (2010) mettent en évidence des associations négatives entre la quantité de végétation et le pourcentage de personnes à faible revenu par secteur de recensement, alors que ces associations sont positives avec les revenus médian et moyen des personnes et des ménages, et ce, tant à Montréal, qu’à Toronto et Vancouver. Par contre, la corrélation entre le pourcentage d’immigrants et la quantité de végétation n’est significative négativement qu’à Toronto.

Équité environnementale et végétation à Montréal : travaux antérieurs

Quelques études ont porté sur le thème de la végétation et de l’équité distributionnelle à Montréal (Pham et al., 2011, 2012 et 2013). Afin de bien dégager les éléments novateurs de la présente étude, il convient de décrire les approches méthodologiques développées dans les travaux antérieurs, ainsi que les principaux résultats obtenus.

Poser un diagnostic d’équité environnementale relativement à la végétation urbaine requiert, dans un premier temps, la construction d’indicateurs de végétation. Le recours à des données de télédétection pour cartographier la végétation urbaine n’est pas nouveau, comme en témoignent les travaux désormais classiques sur la qualité de vie intra-urbaine, réalisés durant les années 1990, de Lo et Faber (1997) à Athènes aux États-Unis et de Weber et Hirsch (1992) à Strasbourg (France). Toutefois, la construction d’indicateurs de la végétation urbaine demeure encore aujourd’hui un élément central dans les études sur l’équité environnementale. En effet, ces indicateurs varient d’une étude à l’autre, et ce, en fonction des données satellites utilisées, des formes de la végétation retenues (par exemple, les arbres ou la pelouse), des éléments du tissu urbain (rue, ruelle, arrière-cour) et du type de propriété (publique ou privée) dans lesquels ils sont mesurés et cartographiés.

Ainsi, certains auteurs quantifient l’abondance de la végétation totale à partir d’indices de végétation (NDVI, MSAVI ou encore spectral mixture analysis) extraits principalement d’images à moyenne résolution, notamment Landsat TM (Mennis, 2006 ; Conway et Urbani, 2007 ; Tooke et al., 2010). D’autres auteurs préfèrent distinguer différentes formes de végétation – principalement les arbres et la pelouse – à partir d’images à très haute résolution (Quickbird et Ikonos, par exemple) ou de photographies aériennes (Heynen et al., 2006 ; Landry et Chakraborty, 2009). Le fait de différencier ces deux types de végétation se justifie puisque les arbres procurent d’importants effets positifs sur la réduction de la température, la séquestration du carbone, la conservation de la biodiversité, l’atténuation des bruits, etc. (Whitford et al., 2001 ; McPherson et al., 2005). Finalement, dans le but de raffiner les analyses de la végétation urbaine, certains auteurs cherchent à évaluer la végétation non pas uniquement dans l’ensemble du territoire urbain, mais aussi dans différents éléments du tissu urbain, en distinguant les rues et les jardins privés (Troy et al., 2007 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; Pham et al., 2011).

Les travaux antérieurs réalisés à Montréal s’inscrivent dans ce courant d’étude en utilisant des images QuickBird acquises les 18 et 23 septembre 2007 couvrant le territoire de l’ancienne ville de Montréal. Pham et al. (2011), dans un article récent, ont ainsi proposé une classification de ces images réalisée dans le logiciel e-cognition 8.1 permettant de distinguer les arbres et arbustes de la pelouse. Puis, dans un second article, Pham et al. (2012) ont calculé les proportions des îlots urbains couverts par de la végétation totale, puis en distinguant les arbres et la pelouse. Le même exercice a été aussi appliqué à différents éléments de la trame urbaine, à savoir les rues, les cours arrière et les ruelles. Pour évaluer l’équité environnementale, les auteurs ont mesuré l’ensemble des indicateurs socioéconomiques et de végétation au niveau du découpage le plus fin possible, soit l’îlot urbain. En guise de diagnostic d’équité environnementale pour l’accès à la végétation à Montréal, leur recherche s’est soldée par deux principaux résultats. D’une part, ils ont montré que la moyenne du couvert végétal dans les îlots urbains de l’ancienne ville de Montréal est de 25,8 % lorsque pondéré par la population totale contre 24,1 % et 23,5 %, lorsque pondéré respectivement par la population des minorités visibles et celle vivant sous les seuils de faible revenu. Autrement dit, les populations à faible revenu et des minorités visibles résident dans des îlots comprenant en moyenne un peu moins de végétation. D’autre part, le recours à des modèles autorégressifs (Anselin, 1988 ; Anselin et al., 2004) a permis de montrer qu’une fois certaines caractéristiques contrôlées, comme la densité résidentielle et l’âge médian des bâtiments résidentiels, la population à faible revenu présente des associations négatives et significatives avec tous les indicateurs de végétation, qu’ils soient calculés dans l’ensemble de l’îlot ou dans les rues, ruelles et cours arrière de l’îlot. Par contre, les associations se sont révélées plus limitées pour les minorités visibles et même non significatives pour les indicateurs de végétation dans les rues et les cours arrière.

Objectif et questions de recherche : raffiner le diagnostic de l’équité environnementale et identifier les zones problématiques

L’étude de Pham et al. (2012) sur Montréal a confirmé ce que de nombreuses études avant elle avaient montré, soit que les populations à faible revenu et, dans une moindre mesure, les minorités raciales ou ethnoculturelles, sont l’objet d’iniquités environnementales en termes d’accès à la végétation urbaine.

Toutefois, l’échelle d’analyse retenue dans cette étude et dans de nombreuses autres est principalement celle de l’îlot urbain. Bien qu’intéressante, cette approche spatiale laisse place à amélioration. En effet, un individu peut résider dans un îlot fortement minéralisé – autrement dit, avec peu de végétation – tout en ayant un couvert végétal important autour de ce dernier, et inversement. En guise d’exemple, un individu pourrait résider dans un îlot très minéralisé composé principalement d’habitation de haute densité, mais qui fait face à un grand parc. À l’inverse, peu de végétation dans l’environnement immédiat de l’îlot de résidence représenterait un double désavantage. Autrement dit, évaluer la présence du couvert végétal, ne devrait pas se limiter spatialement à l’îlot dans lequel un individu réside, mais devrait inclure aussi l’environnement immédiat autour de l’îlot. Comme certains auteurs ont souligné la pertinence d’examiner l’exposition aux nuisances ou l’accès aux bénéfices à plusieurs échelles spatiales (Cutter et al., 1996), nous proposons une méthode d’évaluation de l’iniquité distributionnelle en évaluant l’accès à la végétation à plusieurs distances autour de l’îlot résidentiel. Ainsi, en tenant compte des caractéristiques de l’espace autour de chaque îlot résidentiel, notre objectif principal est de raffiner le diagnostic de l’équité environnementale et d’identifier les zones résidentielles les plus désavantagées sur le plan de la proximité de la végétation à Montréal.

Nos questions de recherche sont formulées ainsi : les populations à faible revenu et les minorités visibles sont-elles l’objet d’iniquités environnementales à Montréal en termes d’accès à la végétation à l’intérieur et autour de leur îlot de résidence ? Une fois contrôlées certaines caractéristiques du cadre bâti, les iniquités tiennent-elles encore ? Où se localisent, s’il y a lieu, les espaces les plus désavantagés en termes d’équité environnementale combinant à la fois une faible présence de végétation à l’intérieur et autour de l’îlot et une forte présence des populations à faible revenu ou des minorités visibles ?

Données et méthodes

L’analyse porte sur le territoire de l’ancienne ville de Montréal (avant les fusions municipales de 2002) s’étendant sur 184 km2 et comprenant autour d’un million d’habitants en 2006. Pour répondre à nos deux questions de recherche, nous avons recours à deux jeux de données. Des images QuickBird sont utilisées pour cartographier deux formes de végétation, soit les arbres / arbustes et la pelouse (Pham et al., 2011, 2012 et 2013) ; et des données socioéconomiques au niveau des aires de diffusion sont extraites du recensement de 2006.

L’approche méthodologique comprend quatre étapes. Dans un premier temps, il s’agit de construire les entités spatiales dans lesquelles seront calculés les indicateurs socioéconomiques et de végétation. À l’instar de plusieurs auteurs (Troy et al., 2007 ; Landry et Pu, 2010 ; Pham et al., 2012 et 2013), nous avons sélectionné le découpage le plus fin, soit l’îlot urbain. Puis, nous avons défini deux zones tampons de 250 et 500 m autour de l’îlot, excluant l’îlot lui-même.

La deuxième étape consiste à construire les indicateurs de végétation : nous avons calculé les parts de la superficie de l’îlot couverte de la végétation totale (arbres /arbustes et pelouse) et des arbres / arbustes uniquement ; puis nous avons généré ces deux indicateurs au niveau des zones à 250 et 500 m autour de l’îlot. Le choix de ces deux distances permet de définir des environnements immédiats facilement parcourables à pied. On les a d’ailleurs déjà utilisées à Montréal dans le cadre d’études portant sur l’accessibilité aux services de proximité (Apparicio et Séguin, 2006a ; Apparicio et al., 2008 et 2010).

Dans la troisième étape, il s’agit de ramener les effectifs des deux groupes cibles – population à faible revenu avant impôt [1] et minorités visibles [2] – extraits du recensement de 2006 au niveau des îlots morphologiques. Rappelons avant tout que les seules variables disponibles à l’échelle des îlots de diffusion de Statistique Canada sont la population totale, le nombre de ménages et le nombre de logements occupés. Pour ramener les données ancrées au niveau des aires de diffusion, soit un niveau spatial supérieur à celui des îlots morphologiques, nous avons utilisé une technique de désagrégation fort simple proposée par Pham et al. (2012). En guise d’illustration, pour ramener les effectifs de la population à faible revenu de l’aire de diffusion (AD) à l’îlot, on multiplie la population à faible revenu de l’AD dans laquelle s’insère l’îlot par le rapport entre les populations totales de l’îlot et de l’AD :

Finalement, la dernière étape consiste à évaluer les relations entre les variables socioéconomiques et les indicateurs de végétation afin de poser un diagnostic d’équité environnementale (tableau 1). Pour ce faire, des analyses de trois types ont été réalisées dans SAS (version 9.2) : des analyses univariées, bivariées (test t de student pour la comparaison de moyennes, corrélation de Spearman et analyse de variance) et des analyses de régression, largement utilisées dans le cadre d’études en équité environnementale (Kingham et al., 2007 ; Briggs et al., 2008 ; Apparicio et al., 2010 ; Pham et al., 2012).

Tableau 1

Liste des variables au niveau des îlots comprenant de la population

Liste des variables au niveau des îlots comprenant de la population

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Dans un premier temps, nous comparons quelques statistiques descriptives des indicateurs de végétation obtenus au niveau des îlots en les pondérant par les effectifs de la population, ceux des personnes à faible revenu et des minorités visibles, soit les deux groupes pour lesquels nous voulons vérifier la présence d’une iniquité distributionnelle. Puis, à partir d’un test t, nous comparons les moyennes de ces indicateurs pour 1) les populations vivant en dessous versus au-dessus des seuils de faible revenu, 2) puis pour les personnes appartenant aux minorités visibles versus celles qui n’y appartiennent pas. Ces deux premières analyses nous permettront de vérifier si les personnes à faible revenu et les minorités visibles résident dans des environnements avec moins de végétation que le reste de la population. Par la suite, des analyses de corrélation et des analyses de variance nous permettront d’évaluer les associations entre les indicateurs de végétation et les proportions des deux groupes cibles calculées au niveau des îlots urbains.

De nombreux auteurs ont montré que plusieurs caractéristiques de l’environnement construit influencent la quantité de végétation, notamment la densité de population et l’âge des quartiers (Grove et al., 2006 ; Mennis, 2006 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; Pham et al., 2012 et 2013). Par conséquent, une fois ces deux caractéristiques contrôlées dans un modèle de régression linéaire, nous verrons s’il existe encore des associations négatives et significatives entre les indicateurs de végétation et les proportions des deux groupes cibles. Notons que l’âge médian des bâtiments résidentiels [3] dans les îlots sera aussi introduit sous la forme d’une mise au carré puisque plusieurs auteurs ont montré que cette variable partage une relation curvilinéaire avec les indicateurs de végétation (Grove et al., 2006 ; Mennis, 2006 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; Pham et al., 2012). De plus, pour des raisons de normalité, la variable densité de population (habitants à l’hectare dans l’îlot) a été transformée avec une racine carrée qui s’est avérée plus efficace qu’une transformation logarithmique. Douze modèles de régression sont ainsi réalisés :

  • six modèles avec le préfixe FR sont constitués pour chacun des six indicateurs de végétation introduits comme variable dépendante (végétation totale et arbres / arbustes dans l’îlot, puis à 250 et 500 m autour de l’îlot), les trois variables indépendantes de contrôle (densité, âge médian des bâtiments résidentiels, âge médian au carré) et le pourcentage de personnes à faible revenu ;

  • suivis de six autres modèles similaires avec le préfixe MV, avec les mêmes variables dépendantes et de contrôle, mais cette fois-ci avec la variable pourcentage de personnes appartenant aux minorités visibles.

Pour répondre à notre troisième question de recherche – repérer les zones combinant une faible présence de la végétation à l’intérieur et autour de l’îlot et de fortes proportions de personnes défavorisées ou de minorités visibles –, nous proposons un exercice cartographique fort simple. Il s’agira de cartographier les zones avec à la fois des valeurs d’indicateurs de végétation appartenant au premier quintile et se situant dans les strates supérieures du quatrième quintile pour la proportion de chacun des groupes.

Résultats

La distribution de la végétation à Montréal : cartographie des indicateurs de végétation

Par souci de simplification, mais aussi faute d’espace, nous présentons uniquement les indicateurs de végétation dans l’îlot et à 250 m autour de l’îlot pour un total de quatre indicateurs (figure 1). Notons toutefois que les résultats cartographiés à 500 m autour de l’îlot sont très similaires à ceux cartographiés à 250 m. En outre, les indicateurs sont cartographiés pour l’ensemble des îlots de l’ancienne ville de Montréal, même ceux ne comprenant pas de population.

À la lecture de la figure 1, il est clair que les indicateurs de végétation varient passablement à travers le territoire de l’ancienne ville de Montréal. Pour les quatre indicateurs, on observe globalement un gradient centre-périphérie assez net : les îlots dans les arrondissements centraux plus densément peuplés de l’île de Montréal (centre-sud et Le Plateau-Mont-Royal) présentant souvent moins de végétation que ceux des arrondissements périphériques (Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et Ahuntsic-Cartierville). Notons que les disparités entre les quartiers centraux et périphériques sont plus nettes pour les indicateurs autour de l’îlot urbain (figure 1c et d), à cause de l’effet de lissage des valeurs par l’utilisation d’une zone tampon de proximité autour de l’îlot. En guise d’illustration, des îlots isolés comprenant des niveaux élevés de végétation, comme dans la partie est de l’arrondissement Le Plateau-Mont-Royal, affichent toutefois de faibles niveaux de végétation dans leur environnement immédiat, à 250 m (figure 1 b et c). Dans la plupart des cas, ces types d’îlots comprennent un parc et sont entourés d’îlots résidentiels plus minéralisés : cela explique que le niveau de végétation soit élevé à l’intérieur de l’îlot et bien plus faible à 250 m autour de l’îlot.

Diagnostic d’iniquité environnementale sans contrôle pour le cadre bâti

Les statistiques descriptives des six indicateurs de végétation pondérés par les effectifs de la population totale puis des deux groupes cibles sont reportées au tableau 2. Les valeurs moyennes et médianes démontrent que les personnes à faible revenu et les minorités visibles résident dans des îlots avec un peu moins de végétation que la population totale (moyennes respectives de 23,45 %, 24,11 % contre 25,89 % et médianes de 21,50 %, 22,48 % contre 23,83 %). Le même constat s’applique également à la proportion d’arbres dans l’îlot et aux indicateurs de végétation dans l’environnement immédiat de l’îlot à 250 et 500 m (tableau 2). En résumé, les indicateurs de végétation totale à l’intérieur et autour de l’îlot sont toujours plus faibles lorsque pondérés par les effectifs de personnes à faible revenu ou de minorités visibles comparativement à la population totale. Toutefois, les écarts pour les minorités visibles sont plus limités. Ces résultats sont conformes à ceux obtenus par Pham et al. (2012).

Pour vérifier si ces écarts sont statistiquement significatifs, des tests t ont été réalisés afin de comparer les moyennes des indicateurs de végétation lorsque pondérés par les effectifs des personnes vivant en-dessous et au-dessus des seuils de faible revenu. La même démarche a aussi été menée pour celles appartenant ou non aux minorités visibles (tableau 3). Nos résultats montrent clairement que les personnes à faible revenu résident dans des environnements où la végétation est proportionnellement moins présente à l’intérieur et autour de leur îlot de résidence : une différence de -3,57 points de pourcentage de végétation totale dans l’îlot et de -3,05 et -2,80 à 250 et 500 m autour des îlots. De nouveau, les écarts sont plus limités pour la population des minorités visibles : respectivement -2,31, -1,38 et -1,15 points de pourcentage.

Figure 1

Cartographie de quelques indicateurs de végétation

Cartographie de quelques indicateurs de végétation

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Tableau 2

Statistiques descriptives des indicateurs de végétation pondérés par la population totale et les deux groupes cibles

Statistiques descriptives des indicateurs de végétation pondérés par la population totale et les deux groupes cibles

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Tableau 3

Comparaison des moyennes pondérées pour les effectifs des groupes (test t)

Comparaison des moyennes pondérées pour les effectifs des groupes (test t)

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Afin de mesurer les associations entre les indicateurs de végétation et les proportions des deux groupes cibles au niveau des îlots urbains, nous avons conduit deux analyses bivariées : corrélation de Spearman et analyse de variance. On observe des associations négatives moyennes entre le pourcentage de personnes à faible revenu et les six indicateurs de végétation (de -0,448 à -0,280) alors que les associations sont également négatives, mais plutôt faibles, avec le pourcentage de minorités visibles (-0,124 à -0,032) (tableau 4).

Tableau 4

Corrélation de Spearman entre les indicateurs de végétation et les deux groupes cibles

Corrélation de Spearman entre les indicateurs de végétation et les deux groupes cibles

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L’analyse de variance et les boîtes à moustache qui portent sur deux indicateurs de végétation (à l’intérieur et autour de l’îlot) confirment largement que la présence de la végétation est bien plus limitée à l’intérieur et autour des îlots dans lesquels résident une proportion élevée de personnes à faible revenu. En moyenne, uniquement 20,5 % de la superficie des îlots appartenant au quintile le plus défavorisé (quintile 5) est couverte par de la végétation contre 37,1 % pour les îlots appartenant au quintile le moins défavorisé (quintile 1), soit un écart de 16,6 % (figure 2 a). Cet écart s’élève aussi à 15,5 points de pourcentage lorsqu’on tient compte de la proportion de la végétation à 250 m de l’îlot (figure 2 b). Ces deux résultats renforcent l’idée d’une double iniquité pour les personnes à faible revenu : plus leur proportion est élevée, plus la présence de la végétation à l’intérieur et autour de leur îlot de résidence est faible. Par contre, cette tendance est moins accentuée pour les minorités visibles avec des écarts autour de 6 points de pourcentage entre les deux quintiles extrêmes, alors qu’ils étaient supérieurs à 15 pour le groupe des personnes à faible revenu.

Figure 2

Analyse de variance et boîtes à moustache des indicateurs de végétation totale versus les proportions des deux groupes cibles

Analyse de variance et boîtes à moustache des indicateurs de végétation totale versus les proportions des deux groupes cibles

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Diagnostic d’iniquité environnementale en contrôlant le cadre bâti

Les résultats univariés et bivariés confirment l’existence d’iniquités environnementales en termes d’exposition à la végétation dans leur milieu résidentiel pour les personnes à faible revenu, et dans une moindre mesure, pour les minorités visibles. Toutefois, il est largement admis que la présence de la végétation est associée négativement avec la densité résidentielle et l’âge du bâti (Grove et al., 2006 ; Mennis, 2006 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; Pham et al., 2012 et 2013). Or, ces deux groupes de population sont concentrés dans les quartiers centraux de l’ancienne ville de Montréal où la densité résidentielle est souvent la plus forte et l’âge du bâti ancien [4]. Par conséquent, il convient de contrôler ces deux caractéristiques de l’environnement urbain afin de valider si ces associations négatives entre les indicateurs de végétation et les pourcentages de ces deux groupes tiennent toujours (tableau 5). Autrement dit, à caractéristiques égales du point de vue du bâti résidentiel, ces deux groupes résident-ils proportionnellement dans des milieux résidentiels comprenant moins de végétation ?

Tableau 5

Modèles de régression pour les parts de la végétation totale et des arbres à I'intérieur et autour de l'îlot

Modèles de régression pour les parts de la végétation totale et des arbres à I'intérieur et autour de l'îlot

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Mentionnons d’emblée que, pour la totalité des 12 modèles de régression, la densité de population et l’âge médian des bâtiments résidentiels ont un impact significatif sur la quantité de végétation. Sans surprise, la racine carrée de la densité de population (habitants à l’hectare) est associée négativement à la présence de végétation dans l’îlot. De plus, les signes des coefficients significatifs pour les variables âge médian et âge médian mis au carré des bâtiments résidentiels dans l’îlot indiquent que la relation entre l’âge du bâti résidentiel et les indicateurs de végétation n’est pas linéaire, mais plutôt curvilinéaire, ce qui corrobore les résultats d’autres études (Grove et al., 2006 ; Mennis, 2006 ; Landry et Chakraborty, 2009 ; Pham et al., 2012 et 2013).

Une fois ces variables indépendantes contrôlées (densité de population et âge médian des bâtiments résidentiels), les coefficients des modèles de régression pour les variables des deux groupes cibles permettent d’effectuer plusieurs constats intéressants relativement à l’iniquité distributionnelle de la végétation à Montréal. Tout d’abord, le pourcentage de personnes à faible revenu est associé significativement et négativement aux indicateurs de végétation, quels qu’ils soient (p<0,001). En d’autres termes, plus la proportion de ce groupe augmente, plus les indicateurs de végétation diminuent, que ce soit la végétation totale ou les arbres à l’intérieur et autour de l’îlot (à 250 et 500 m). Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, à chaque augmentation d’un point de pourcentage de personnes à faible revenu, le pourcentage de végétation dans l’îlot diminue de 0,172 et ceux à 250 m et 500 m de respectivement 0,210 et 0,186, traduisant ainsi une situation d’iniquité environnementale. De nouveau, comme pour les analyses précédentes, l’intensité de l’iniquité distributionnelle est plus limitée pour les minorités visibles, ce qui vient corroborer notamment les travaux de Landry et Chakraborty (2009) à Tampa. En effet, à chaque augmentation d’un point de pourcentage du groupe des minorités visibles, celui de la végétation dans l’îlot diminue de 0,103 et ceux à 250 et 500 m de respectivement 0,091 et 0,076. Finalement, notons que pour les deux groupes de population, les associations négatives sont légèrement plus fortes à 250 m qu’à 500.

Identification des zones inéquitables pour les deux groupes de population

Avant de repérer les zones les plus problématiques, nous proposons de ventiler la population totale et celles des deux groupes étudiés en fonction des quintiles de l’indicateur de végétation totale dans l’îlot et à 250 m (tableau 6). De nouveau, comparativement à la population totale, la population à faible revenu et, dans une moindre mesure, celle des minorités visibles sont sous-représentées dans les quintiles comprenant le plus de végétation (4 et 5) et, inversement, surreprésentées dans les quintiles avec le moins de végétation (1 et 2). Le croisement des deux indicateurs nous permet de repérer les îlots « les moins verts » et ceux « les plus verts » définis de la façon suivante :

  • les îlots « moins verts » appartiennent à la fois au premier quintile de l’indicateur de végétation totale dans l’îlot et au premier quintile de l’indicateur de végétation totale à 250 m autour de l’îlot. Autrement dit, il y a ici un double désavantage en termes d’exposition à la végétation puisqu’il y a peu de végétation à l’intérieur et autour de l’îlot ;

  • à l’inverse, les îlots « plus verts » appartiennent au dernier quintile pour les deux indicateurs, traduisant ainsi un double avantage (tableau 6 et figure 3 a).

Les personnes à faible revenu et celles appartenant aux minorités visibles sont largement surreprésentées dans les secteurs les moins verts (respectivement 13,6 % et 13,6 % contre 10,7 % pour la population totale) et sous-représentées dans les secteurs les plus verts (4,6 % et 5,2 % contre 7,5 % pour la population totale). Reste à localiser les secteurs les plus désavantagés qui pourraient être ciblés afin d’augmenter la présence de végétation, par exemple, à partir d’une politique municipale territorialisée de verdissement.

Tableau 6

Répartition (%) des groupes de population dans les quintiles des deux indicateurs de végétation

Répartition (%) des groupes de population dans les quintiles des deux indicateurs de végétation

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Afin de repérer les secteurs les plus inéquitables en termes d’exposition à la végétation pour les deux groupes de population à l’étude, nous avons croisé les secteurs les moins verts (n=518 ; figure 3 a) avec les deux derniers quintiles des variables de pourcentage de personnes à faible revenu et de minorités visibles (respectivement à la figure 3 b et c). Concrètement, ces îlots présentent à la fois des parts importantes de personnes à faible revenu ou de minorités visibles et peu de végétation à l’intérieur et autour de l’îlot. À la lecture de la figure 3 b et c, les secteurs les plus inéquitables sont principalement localisés dans les quartiers Parc-Extension et Saint-Michel de l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et dans l’arrondissement Ville-Marie, ainsi que dans les quartiers Saint-Louis et Mile End dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Bien entendu, certains secteurs identifiés comme ceux des quartiers Parc-Extension, Mile End, Saint-Louis et Centre-Sud se caractérisent par un bâti assez dense, ce qui explique les niveaux de végétation assez faibles. Si la Ville de Montréal souhaitait développer une politique territorialisée de verdissement, ces secteurs mériteraient d’être priorisés afin d’y augmenter la présence de végétation.

Discussion et conclusion

Notre analyse du cas montréalais arrive à des conclusions similaires à de nombreuses études, mais elle apporte aussi un éclairage nouveau sur l’existence d’iniquités environnementales quant à la distribution spatiale de la végétation urbaine. D’une part, nos résultats corroborent ceux de plusieurs études antérieures sur la végétation urbaine, notamment à Baltimore (Troy et al., 2007), Tampa (Landry et Chakraborty, 2009), Vancouver et Toronto (Tooke et al., 2010) : les disparités environnementales sont davantage associées au niveau de revenu qu’à l’appartenance ethnoculturelle ou raciale. D’autre part, l’utilisation d’indicateurs de végétation à l’intérieur et autour de l’îlot permet de démontrer l’existence d’une double iniquité dans certains secteurs urbains pour ces deux groupes, ce que les études précédentes n’avaient pas révélé.

Plusieurs pistes peuvent être avancées pour expliquer la plus forte présence des ménages à faible revenu dans les secteurs où il y a moins de végétation. Tout d’abord, cela pourrait découler du coût moindre des logements (locatifs et en propriété) dans les secteurs moins verts. Les travaux de Des Rosiers et al. (2002) ont en effet démontré que la valeur des maisons de la ville de Québec augmentait proportionnellement avec la présence d’arbres, et dans une moindre mesure de pelouse, dans l’environnement immédiat. De plus, Heynen (2006) et Landry et Chakraborty (2009) évoquent le fait que les ménages dont la capacité financière est limitée, pour différentes raisons, accordent moins d’importance à la végétation.

Autre point de la discussion qui nous semble essentiel : à la lumière de nos résultats, peut-on réellement conclure à l’existence d’une importante iniquité distributionnelle à Montréal pour les personnes à faible revenu et les membres des minorités visibles en termes d’exposition à la végétation ? Chiffres à l’appui, à Montréal, l’inégale distribution ne conduit pas à une iniquité distributionnelle criante. En effet, rappelons qu’en moyenne, la proportion de la superficie de l’îlot couverte par la végétation s’élève à 25,9 % lorsqu’elle est pondérée par les effectifs de la population totale contre 23,5 % et 24,1 % lorsque pondérée par ceux des populations à faible revenu et appartenant aux minorités visibles ; pour l’indicateur de végétation à 250 m autour de l’îlot, les écarts sont d’ailleurs plus limités (29,9 %, 27,9 % et 28,9 %). Toutefois, l’analyse de variance a permis de révéler des écarts importants entre les quintiles extrêmes de la proportion de personnes à faible revenu.

Figure 3

Identification des secteurs les plus inéquitables en termes d'exposition à la végétation pour les personnes à faible revenu et les minorités visibles

Identification des secteurs les plus inéquitables en termes d'exposition à la végétation pour les personnes à faible revenu et les minorités visibles

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Une fois la densité de population et l’âge médian du bâti résidentiel contrôlés, les plus forts coefficients de régression pour le pourcentage de personnes à faible revenu sont respectivement de -0,172 pour l’indicateur de végétation totale dans l’îlot et de -0,210 pour celui de la végétation totale à 250 m autour de l’îlot. Autrement dit, si toutes les autres variables restaient constantes, une augmentation de 10 % des personnes à faible revenu se traduirait par des diminutions respectives de 1,7 % et 2,1 % de la végétation à l’intérieur et autour de leur îlot de résidence.

Tel que souligné par Pham et al. (2012), les inconvénients découlant du manque de végétation peuvent affecter différemment les populations en fonction de leur niveau de revenu. Un ménage nanti résidant dans un espace minéralisé – dans une tour résidentielle du centre-ville, par exemple – pourra plus facilement remédier à ce manque de végétation : climatisation, séjour dans une résidence secondaire, etc. De leur côté, les ménages à faible revenu sont plus confinés à leur quartier puisqu’ils sont souvent moins motorisés. Or, l’absence de végétation dans certains quartiers contribue aux îlots de chaleur durant les canicules qui sévissent certains étés à Montréal, pouvant avoir des conséquences néfastes chez certaines populations, notamment les aînés (Smargiassi et al., 2009 ; Kestens et al., 2011). Ainsi les citoyens n’étant pas tous égaux face au manque de végétation, il serait judicieux de raisonner non pas en termes d’équité distributionnelle, mais plutôt en termes d’équité compensatoire (Talen, 1998 ; Apparicio et Séguin, 2006b). Il s’agirait donc de mieux pourvoir en végétation les quartiers les plus défavorisés.

Pour ce faire, l’approche développée ici combinant des données multisources et des méthodes de télédétection, de SIG et d’analyse spatiale s’avère un outil particulièrement intéressant pour la planification des interventions sur la végétation urbaine. Elle permet en effet de cibler les secteurs qui pourraient bénéficier de campagnes de verdissement afin de réduire les iniquités environnementales, à savoir les secteurs combinant à la fois peu de végétation à l’intérieur et autour les îlots résidentiels et une forte présence de personnes à faible revenu ou, dans une moindre mesure, de minorités visibles.

D’autres pistes de recherche mériteraient aussi d’être explorées. D’une part, il serait pertinent de réaliser une étude similaire pour d’autres groupes de population habituellement plus captifs de leur milieu résidentiel, comme les enfants et les personnes âgées. D’autre part, l’évaluation de la double iniquité – résider dans un milieu avec peu de végétation à l’intérieur et autour l’îlot – pourrait être modélisée en même temps et non pas dans deux modèles différents, comme ce que nous avons fait dans le cadre de cet article. Par conséquent, le développement d’un modèle économétrique d’équations simultanées pourrait s’avérer particulièrement judicieux.