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Le livre est divisé en deux grandes parties. Dans la première, on discute de la situation planétaire en termes d’environnement et d’économie. L’aspect social, qui constitue la troisième dimension du développement durable, n’est que très peu traité en soi. On présente l’historique du concept de développement durable, sans toutefois jamais adopter une définition formelle qui guiderait le lecteur pour la suite. On notera la petite place donnée à certains jalons historiques (Kyoto) et certains oublis (le rapport Stern). Outre plusieurs courtes sous-sections d’opinion sur divers sujets (par exemple l’alimentation), le reste de la première partie traite de l’urgence de la situation quant à la destruction planétaire causée par l’économie de marché. La problématique serait basée sur le « paradoxe de la croissance » expliqué en nous référant au film Germinal : « Récemment, le visionnement d’extraits du film Germinal nous a rappelé que les problèmes vécus par Maheu et les siens sont encore d’une actualité criante… La supposée croissance que le monde a connue depuis le temps de Germinal n’a donc pas changé grand-chose et c’est là tout le paradoxe ! » Pour les auteurs, la solution serait une décroissance économique avec des baisses annuelles du PIB québécois de 1,5 % sur 10 ans. Cette réduction serait réalisée par 64 % des ménages les plus riches qui adopteraient un style de vie basé sur la simplicité volontaire. Les ménages les plus démunis demeureraient au même niveau de vie étant donné qu’ils contribuent déjà à la « solution » par leur simplicité « involontaire ». Selon les auteurs, les baisses de 1,5 % du PIB ne seraient pas catastrophiques et constitueraient un minimum, étant donné que les québécois pourraient s’accommoder de plus de décroissance. Notons que cette proposition ne discute pas du manque à gagner qui en résulterait pour financer les infrastructures, services, etc. Aussi, nulle mention n’est faite d’un éventuel exode des individus ne désirant pas vivre sous les mesures proposées. Finalement, afin de justifier la dévotion à l’objectif commun, on nous explique que les principes de simplicité volontaire seraient entre autres inspirés de Gandhi et Jésus.

La deuxième partie porte principalement sur une étude présentée aux chapitres IV à VI. Le chapitre IV est un sondage non scientifique sur les habitudes des ménages en termes de consommation d’espace, d’énergie, etc. Le principal constat du sondage est que le facteur économique joue un rôle important dans les choix verts des individus. Le chapitre V présente des estimations sommaires des impacts qu’auraient des changements d’habitudes (par exemple le recyclage) sur les emplois. Le chapitre VI termine la partie étude en présentant un questionnaire d’autoévaluation s’apparentant à ceux qu’on trouve dans certains magazines populaires. Les différentes questions font l’objet d’un pointage justifié selon les jugements des auteurs (« […] quiconque décide de devenir végétarien mérite amplement les 25 points accordés à cet élément »). De plus, on discute de certaines normes acceptables selon les auteurs (comme le nombre de pièces d’un logement). On tend ainsi vers une définition moraliste de ce qu’on doit manger, du nombre de mètres carrés que chacun devrait occuper, etc.

Le livre se conclut avec le chapitre VII qui porte un regard sur l’avenir du Québec. Sur la question énergétique, les auteurs écrivent : « Le Québec et sa société d’État, H-Q, pourraient élargir leur vision et se mettre sérieusement à la recherche de solutions de type small is beautiful afin d’obtenir un approvisionnement d’électricité durable et respectueux des habitats naturels québécois. » Ce passage renvoie à une note de bas de page qui démontre bien le type de jugements contenus dans le livre : « Les auteurs, qui connaissent intimement le monde de la recherche au Québec, savent qu’il est malheureusement embourbé dans des conflits personnels, académiques, politiques, etc., qui, à toutes fins pratiques, empêchent la véritable recherche de solutions concrètes aux problèmes auxquels notre société est confrontée […] si les chercheurs trouvaient de réelles solutions, certains d’entre eux se retrouveraient vite sans travail […] ». Bien qu’on puisse accepter la nature de cette plaquette militante, on ne peut que décrier les affirmations gratuites qu’elle contient. On se serait plutôt attendu, d’un livre portant sur le développement durable, qu’il en établisse bien les bases et les principaux constats, le tout appuyé par des références scientifiques reconnues.