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Terres agricoles périurbaines est un ouvrage collectif issu de deux projets de recherche français, soit le Dytefort (Dynamiques territoriales et foncières du rural en transition du Grand-Ouest de la France) et le Popfongo (Dispositifs de gouvernance foncière des espaces agricoles et périurbains). Ces recherches s’intègrent dans le programme PSDR (Pour et sur le développement régional) soutenu par le gouvernement français. Le document est très intéressant et il se démarque par sa perspective davantage appliquée que fondamentale. D’ailleurs, cet angle d’analyse semble être celui de la collection « Updates sciences et technologies » des Éditions Quae.

Plus précisément, le collectif regroupe 12 contributions émanant d’un total de 26 auteurs. Les 12 chapitres ainsi formés sont réunis en deux sections qui s’intitulent « Dispositifs et instrumentation de l’action publique foncière » et « Acteurs et action foncières ». Les résultats de recherche livrés sont le fruit de démarches méthodologiques multiples (inventaires et catégorisation, entretiens, analyses de textes produits par les administrations publiques, etc.). Le milieu périurbain constitue le centre d’intérêt alors que le concept de gouvernance oriente les divers questionnements et les nombreuses études de cas.

Deux textes ont particulièrement attiré mon attention, considérant mes intérêts de recherche. Tout d’abord, le texte sur l’étalement urbain, de Bransiecq et Melot (p. 125 à 134). Ces deux auteurs nous démontrent que la problématique de l’étalement urbain touche autant la France que le Canada ou les États-Unis. L’État central y est vu comme défenseur de l’intérêt public, par son appel en faveur du développement durable, alors que les communes rurales y sont présentées comme étant « complices » du phénomène. Les « tactiques » mises de l’avant par ces dernières pour permettre le pavillonnaire dans les espaces non urbanisés seraient les suivantes : surévaluation des perspectives démographiques, sous-évaluation de la capacité des espaces déjà urbanisés ou pourvus en infrastructures, application souple ou discrétionnaire de diverses règles liées à l’extension du droit de construire ou à la transformation d’usage du bâti agricole.

Un deuxième texte nous mène sur un terrain similaire. Il s’agit de celui de Nadine Souchard sur la gouvernance des terres périurbaines (p. 81 à 100). Cette auteure souligne les difficultés de prise en charge par le milieu local de « l’injonction au durable » dans la sphère de la gestion des terres agricoles. De plus, elle critique la tendance des processus locaux à réduire la gouvernance à « une approche technique et spatialisée des enjeux » au détriment d’une véritable démarche de concertation entre les acteurs du développement. Elle prend à témoin le corporatisme des chambres d’agriculture.

Pris globalement, ces deux textes font ressortir moins l’incompétence ou le manque de volonté de certains acteurs que les défis de mise en oeuvre de principes généraux à l’échelle locale. Ainsi, tous les acteurs défendent le principe du développement durable, mais il est difficile de refuser sur cette base un permis de construire à un individu ou un ménage qui rêve de bâtir maison. Cela pourrait expliquer le caractère paradoxal des politiques et mesures en matière d’urbanisme au sein des municipalités ou des communes. Celles-ci ne tiennent pas compte des modes de fonctionnement de la politique locale ou des marchés immobiliers. On rejoint donc ici un thème récurrent des discussions sur la théorie de la planification dans les milieux universitaires anglo-saxons.

Malgré sa pertinence pour les intervenants dans les champs de l’aménagement, de l’environnement et du développement durable, on peut adresser un certain nombre de critiques à l’égard de cet ouvrage. Premièrement, les textes sont fortement liés aux contextes législatif et institutionnel français. En effet, peu d’efforts sont faits pour expliquer clairement ceux-ci aux lecteurs de l’extérieur de la France. Au demeurant, plusieurs acronymes sont employés au fil du texte sans description préalable. Deuxièmement, le langage utilisé a tendance à être mystifiant, des expressions comme « gouvernance foncière » ou « ingénierie foncière » décrivant généralement de simples démarches d’aménagement ou d’urbanisme. Finalement, sur le plan de la forme, les méthodes de recherche mises à contribution ne sont pas toujours explicitées et le caractère d’impression du texte est trop petit. Cette remarque peut paraître anodine, mais la grosseur des caractères peut faire la différence entre des écrits connus rayonnant sur les pratiques et un livre qui reste sur les tablettes.