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Éditer un dictionnaire, et surtout un Dictionnaire des mondialisations, est une tâche difficile et très courageuse que Cynthia Ghorra-Gobin a réussie avec brio. Cet ouvrage somme toute assez synthétique – il ne fait que 400 pages – comprend des textes de plus de quarante auteurs. Ces textes sont organisés, comme il se doit dans un dictionnaire, par ordre alphabétique. Ils déclinent les diverses facettes et concepts des mondialisations, en commençant par ceux de l’agriculture, en passant par la citoyenneté, la fracture numérique et la justice internationale, pour terminer avec le virtuel.

Chaque texte – il y en a 150 en tout – comporte une définition succincte, un exposé d’une page environ (accompagné parfois de cartes ou de tableaux) et une brève synthèse. Le lecteur peut donc rapidement obtenir une définition du terme cherché, mais bénéficie aussi de l’accès immédiat à une analyse plus détaillée et souvent critique – et c’est là une des grandes qualités de cet ouvrage collectif. Si cette analyse paraît trop longue, la synthèse finale en résume les grandes lignes.

En effet, dans son introduction Cynthia Ghorra-Gobin précise bien que ce dictionnaire présente une vision francophone, et même française, des mondialisations en cours actuellement. Plusieurs mondialisations, en effet, car selon les auteurs nous vivons actuellement une deuxième mondialisation (suite à celle de la fin du XIXe siècle), qui elle-même se décline en une multitude de facettes (culturelle, économique, biologique, politique, etc.). Mondialisations, aussi, car celles-ci sont perçues et vécues plus ou moins différemment selon la culture (et la langue) à laquelle on se rattache.

Le dictionnaire se dédouble aussi en petite encyclopédie critique, car, en plus des 150 textes, le dictionnaire comprend 38 essais, de trois ou quatre pages chacun, portant sur des concepts ou des objets dont la compréhension est importante pour bien saisir la mondialisation, tels l’Europe, la métropolisation, l’altermondialisation et la religion. Chaque texte expose la manière dont l’objet ou le concept traité s’intègre dans une réflexion plus large sur la mondialisation, fait état d’une diversité d’approches possibles à son analyse, et conclut très souvent sur une critique ainsi que sur certaines questions plus larges. L’approche disciplinaire est plurielle : les auteurs proviennent de champs différents – géographie, économie, transports, sciences politiques, histoire, etc. – et les textes n’en sont que plus variés. Ils sont critiques face à tout discours simple et unidimensionnel, et s’ouvrent tous sur des questionnements entourant leur objet spécifique.

Il est évident que des choix éditoriaux ont été faits : le traitement de la mondialisation de la criminalité, par exemple, reste marginal, et aucune grille de lecture générale des diverses mondialisations n’est offerte. Mais ces choix sont nécessaires, et font de ce dictionnaire un livre unique, et non un simple clone d’autres ouvrages sur la mondialisation. Aussi, certains problèmes de notes de bas de page, ainsi que de textes parfois un peu inégaux (il y a, par exemple, une petite confusion entre avantages compétitifs et comparatifs au niveau des régions et pays) pourraient être revues dans une réédition éventuelle. Mais ces défauts sont bien mineurs.

Ce dictionnaire est un ajout indispensable à la bibliothèque de toute personne, étudiant ou chercheur, qui s’intéresse aux multiples facettes de la mondialisation. Pour un étudiant, le dictionnaire est une introduction à jour, complète et critique, à la mondialisation : bien sûr, les auteurs du dictionnaire seraient les premiers à souligner que leur ouvrage ne saurait être l’unique introduction au domaine, mais ceci ne fait que souligner la qualité de l’approche qui imprègne le livre. Pour un chercheur, le texte portant sur son domaine immédiat ne sera sans doute qu’une bonne synthèse critique de choses qu’il sait déjà : en revanche, le fait d’avoir à sa disposition de si bonnes synthèses critiques sur un tel ensemble de facettes de la mondialisation ne pourra que l’aider dans sa réflexion et dans sa préparation de cours !