Note liminaire

Les détroits maritimesRéflexion sur des enjeux stratégiques majeurs[Notice]

  • Frédéric Lasserre

…plus d’informations

  • Frédéric Lasserre
    Département de géographie,
    Université Laval
    Institut québécois des hautes études internationales (IQHEI)
    Frederic.Lasserre@ggr.ulaval.ca

Les détroits sont des bras de mer étroits, cernés par des terres, et qui font communiquer deux espaces maritimes. Ils constituent des traits d’union entre ces espaces maritimes et les terres qui les bordent en ces endroits précis, s’ils sont relativement étroits. Mais, parce qu’ils sont aussi des points de passage obligés, ils concentrent les flux, locaux et en transit, et constituent des maillons sensibles des routes maritimes, faciles à fermer ou dont la sécurité de navigation peut être remise en cause. Par extension, certains canaux, véritables détroits artificiels comme Panama, Suez ou le canal de Kiel, ainsi que les approches maritimes de certains pays, peuvent aussi être abordés selon cet angle des enjeux que représentent les points de passage obligés des routes maritimes . Ces détroits où s’inscrivent les routes maritimes, dont l’importance dans les échanges mondiaux et locaux est croissante, revêtent-ils encore, en ce début du XXIe siècle, une quelconque importance géopolitique? Que l’on s’arrête sur quelques événements récents pour amorcer la réflexion. L’attaque franco-britannique de 1956 contre l’Égypte pour le contrôle du canal de Suez; le maintien de deux bases britanniques à Chypre, non loin des approches dudit canal; puis l’intervention des flottes occidentales en 1986-1987 contre les velléités iraniennes de fermer le détroit d’Ormuz, démontrent l’importance stratégique que certains points de passage maritimes peuvent revêtir aux yeux des États occidentaux. On ne peut en douter à travers ces quelques éléments: les détroits, véritables portes océaniques, que l’on peut vouloir maintenir ouvertes ou fermées, voire sélectivement ouvertes, demeurent des enjeux majeurs pour les flux commerciaux et migratoires, comme pour les questions de sécurité et de déploiement des stratégies navales. Entre 1970 et 2000, les exportations mondiales ont doublé et sont passées de 17 à 21% du PIB mondial . Si le transport de marchandises par avion et camion connaît une expansion marquée depuis quelques années (Lasserre, 2000: 15-19), avec le développement des techniques de gestion de production en juste à temps et l’importance croissante des courts délais de livraison pour les produits à forte valeur ajoutée, il n’en reste pas moins que le trafic maritime mondial est en forte hausse et a porté cette formidable croissance du commerce international: ses flux ont été multipliés par 5 entre 1970 et 2001 (soit une croissance annuelle de 2,3%), pour dépasser les 5,88 milliards de tonnes (CNUCED, 2000: 10; Carroué, 2002a: 67, Carroué, 2002b: 89-96). Le commerce maritime représentait, en 1999, 75% du commerce mondial en poids et 66% en valeur. Le coût du fret maritime, indicateur crédible de la valeur des prestations rendues, est estimé, pour 1999, à 271 milliards de dollars, soit 5,4% de la valeur des flux. La flotte marchande mondiale a vu son tonnage multiplié par 2,5 entre 1970 et 2000 – ce qui ne l’a pas empêchée de vieillir considérablement: les navires ont vu leur âge moyen atteindre 14 ans; 60% d’entre eux dépassent 15 ans; 34% dépassent 20 ans. À l’heure des technologies de l’information et de l’Internet, l’économie mondiale demeure dépendante du commerce maritime, car les économies des divers pays ont vu la part de leur PIB dépendre de plus en plus de leurs ventes dans des marchés éloignés . En effet, ce ne sont pas tant les échanges de pétrole et de produits pétroliers qui sont à l’origine de cette expansion du commerce maritime: leur part, en tonnes-kilomètres, a chuté de 60,9% des flux globaux en 1970, à 45,4% en 1998. Au contraire, le trafic des marchandises diverses, comprenant les produits conteneurisés à forte valeur ajoutée, a vu sa part en volume – en valeur, elle serait bien supérieure – passer …

Parties annexes