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Un groupe de chercheurs associés au réseau interuniversitaire québécois Villes, régions, monde ainsi que quelques collègues d’outre-mer nous proposent un ouvrage collectif fort intéressant constituant en fait les actes du colloque international « Les transformations territoriales au Québec et en France », qui eut lieu les 4 et 5 mai 2004 à Bordeaux. Jeux d’échelle et transformation de l’État se présente comme un document bien ficelé qui fait le tour des récentes réformes des administrations locales et régionales au Québec et en France et analyse leurs implications autant sur le plan pratique que théorique. L’ouvrage s’apparente à plusieurs égards aux collectifs sur l’aménagement du territoire et le développement régional publiés par le Groupe de recherche en interventions régionales de l’UQAC et le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement de l’Est du Québec de l’UQAR.

Le livre en question regroupe les contributions de 21 auteurs ou groupes d’auteurs de différentes formations, principalement des politologues ainsi que quelques sociologues et géographes. Ce mélange se révèle heureux car il permet d’aborder divers thèmes comme les dynamiques d’acteurs et les règles qui les encadrent, les recompositions territoriales de même que la participation des citoyens. Le fil conducteur est le thème des rapports multi-scalaires ou multiniveaux dans la gouvernance des territoires. D’ailleurs, les responsables de l’ouvrage évitent d’utiliser dans le titre le terme à la mode de gouvernance pour parler plutôt de gouvernement. Il s’agit sûrement d’une position consciente et réfléchie même si celle-ci n’est pas explicitée clairement.

Le collectif reflète la montée de l’approche dite territoriale en sciences humaines, mouvement pertinent et fécond qui tend cependant à maintenir les géographes à distance. Plus précisément, il s’agit d’un apport au courant de recherche néo-institutionnel en science politique. On traite notamment des thèses de la revalorisation du local et de la polarisation des territoires dans le contexte de la mondialisation en mettant de l’avant une démarche multiscalaire que se veut nuancée. On remarquerait donc des jeux d’échelles libérant un espace politique aux territoires infra-nationaux tout en maintenant des instances étatiques nationales qui se renouvelleraient au lieu de s’amenuiser.

À la suite d’un solide texte de présentation, l’ouvrage aligne différentes contributions réunies dans quatre sections. La plupart des textes constituent des études de cas de dynamiques institutionnelles territorialisées ou des analyses de politiques publiques contenant des données historiques et factuelles. Quelques articles me sont apparus particulièrement stimulants, soit ceux de Moquay, de Patsias et de Fontan et Klein. Le premier traite des ambiguïtés de l’État dans la mise en oeuvre des politiques territoriales ou de décentralisation. Le deuxième discute des comités de citoyens et des avatars de la logique de quartier. Le troisième nous informe sur la situation du Québec à l’heure de la polarisation des territoires. Le chapitre de Quesnel et al. sur les territoires de proximité est également intéressant. Il est toutefois regrettable qu’il néglige les questions de l’absence ou de la présence d’arrondissements dans les villes moyennes québécoises ainsi que l’arrimage des conseils d’arrondissement et des conseils de quartier dans la ville de Québec.

Malgré la qualité de l’ouvrage, quelques faiblesses peuvent être identifiées. Comme dans la plupart des collectifs, la profondeur et la longueur des articles sont inégales. De plus, les thématiques abordées sont très disparates, des croisières internationales à la production palmipède en passant par les regroupements de municipalités. Par ailleurs, on remarque des erreurs de localisation dans certaines cartes qui mélangent Val D’or et Rouyn-Noranda de même que Saguenay et Alma. Malgré tout, il s’agit d’un bon document qui sera utile aux chercheurs et aux étudiants, en particulier dans le champ de l’aménagement du territoire et du développement régional.