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Ouvrage de référence faisant la synthèse de l’histoire institutionnelle de la ville de La Pocatière, ce livre de David Doloreux et Stève Dionne met l’accent sur la trajectoire historique de développement d’un système local d’innovation. Sa particularité ? Être situé en milieu rural, soit en dehors des régions métropolitaines qui, d’ordinaire, sont les hauts lieux de l’économie du savoir. D’écriture efficace, ce livre dévoile les processus d’élaboration du tissu institutionnel local ayant permis l’émergence de ses deux pôles technologiques primordiaux, soit l’agroalimentaire et les technologies physiques. Les auteurs démontrent que l’accumulation de savoirs innovants, le soutien institutionnel à l’innovation, la formation de l’élite locale grâce aux institutions d’enseignement supérieur et la proximité géographique, dans un processus itératif d’échanges de connaissances et de collaborations interinstitutionnelles et interentrepreneuriales, ont dynamisé la petite ville qui est devenue Carrefour de la nouvelle économie en 2000.

Cet ouvrage, qui ne présente pas les résultats d’une recherche originale, mais qui fait le tour de la littérature historique existante, contribue par son effort de classification des grandes étapes de la vie institutionnelle de la ville de La Pocatière à une meilleure compréhension du poids de l’histoire dans l’explication du développement de son système local d’innovation. Quatre périodes sont identifiées : la première en est une de mise en place des institutions (1827-1911), période initiale avec la fondation du Collège de Sainte-Anne-de-La-Pocatière (1827) et celle de la première École d’agriculture au Canada (1859). La deuxième phase (1911-1962) en est une de « croissance et de rayonnement des institutions agronomiques » marquée par la création de la Ferme expérimentale fédérale (1911). La troisième (1962-1995) est associée à des ruptures, à une diversification économique et à la création du pôle technologique tandis que la Faculté d’agriculture déménage sur le campus de l’Université Laval et que la Ferme expérimentale ferme ses portes. Assurant la sauvegarde du capital social (le savoir-faire collectif et associatif) et des infrastructures, le Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ) voit le jour à même les locaux laissés vacants. La quatrième phase (1995-), quant à elle, bat encore son plein et consiste en une période de « redéploiement et de complexification des éléments du système d’innovation ». Celle-ci est marquée par la création de l’Agrobiopole du Bas-Saint-Laurent (2003), structure qui chapeaute les fonctions de recherche, formation et transfert technologique dans le secteur bioalimentaire. La même période est caracatérisée l’incertitude économique provenant de la forte dépendance de l’obtention de contrats par Bombardier, division Transport en commun, principal employeur de la région avec quelque 1000 travailleurs.

Que serait La Pocatière sans Bombardier ? Les auteurs ont-ils raison de ne pas s’inquiéter de son avenir ? Est-ce que les pôles technologiques sauraient soutenir le taux d’employabilité de la région si cette division perdait ses avantages concurrentiels à l’échelle mondiale ? La forte demande en innovations physiques de la part de la compagnie Bombardier, locomotive de ce pôle, pose la question de la durabilité du système local d’innovation. Il s’avère pertinent de demander en quoi un développement économique fait par et pour l’élite offre-t-il stabilité et permanence dans le temps. On peut questionner la solidité de la base populaire de ce qui est souvent vu comme une région gagnante.