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Ce livre reprend une série de textes présentés dans le cadre d’un colloque en l’honneur de Donald Savoie et tenu à Bouctouche, lieu de naissance de ce dernier. Tel que l’explique l’introduction, ce colloque invitait des chercheurs s’intéressant aux deux domaines de recherche dans lesquels Donald Savoie s’est illustré : l’administration publique et le développement régional. Nouvelles perspectives en développement régional, on l’aura bien compris, reprend les présentations qui portent sur le second champ de recherche.

On pourrait craindre, comme c’est parfois le cas pour des livres issus de colloques généraux, que ce collectif soit éclaté et qu’il soit difficile de suivre un fil conducteur quelconque entre les divers chapitres. Heureusement, ce n’est pas le cas pour ce livre. On peut noter une cohérence parfois surprenante, tant en ce qui a trait aux méthodologies privilégiées par les auteurs qu’aux objets de recherche retenus. Parlons d’abord de l’objet de recherche. Une bonne partie de ces textes appréhendent la question du développement régional en ciblant la question des disparités territoriales ou, autrement dit, les écarts de croissance économique ou démographique entre les sous-régions (du Canada ou des provinces atlantiques selon les textes). Pour saisir ces disparités, les auteurs mobilisent des méthodologies très quantitatives, dans certains cas en faisant appel à des manipulations statistiques sophistiquées. Le texte d’Alan Scott fait figure d’exception. Mis à part ce chapitre de Scott, les lecteurs qui sont rebutés par les portraits chiffrés et le travail statistique (c’est le cas de nombre de nos étudiants en sciences sociales !) devraient s’abstenir.

La question des disparités régionales (la répartition inégale de la croissance économique dans l’espace) est une vieille problématique présente à la naissance du développement régional. Les années 1980 ont cependant vu émerger d’autres approches de développement – les approches néoclassiques et les approches centrées sur les acteurs territoriaux – qui accordent une place moins centrale aux disparités dans la compréhension du développement régional. Ce livre montre que la question des disparités semble avoir un nouveau souffle et être reprise par un réseau de chercheurs, dont plusieurs sont assez jeunes.

Il reste qu’il y a tout de même un certain chaînon manquant, ou du moins assez peu développé, celui des politiques publiques. Une des forces de Donald Savoie à qui ce livre rend hommage, c’est justement d’avoir su lier le développement des régions et le rôle de l’État. Jean Dubé et Mario Polèse (p. 128) font remarquer : « L’on ne peut pas faire abstraction des facteurs dits structurels mais ils n’expliquent pas tout. Pour Savoie, le retard historique du Canada atlantique n’est pas un hasard, mais le fruit aussi de décennies de politiques fédérales favorables au centre du Canada : l’Ontario et le Québec. » La plupart des textes, peut-être à l’exception de celui de David Campbell, ciblent ce que Dubé et Polèse qualifient de « tendances structurelles » et ne s’intéressent que très peu aux dimensions des politiques et de la politique. Il semble bien que le développement régional, s’il veut trouver sa pertinence sociale doit fournir une compréhension du politique et de son rôle auprès des disparités entre territoires. Cela, Donald Savoie l’avait sans doute très bien compris.