Thème 2 - Les défis théoriques et méthodologiques de la géographie

L’approche multiniveau de la santé[Notice]

  • Patrick Herjean

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De nombreuses recherches ont été faites et continuent de se faire sur l’impact du milieu de vie sur les individus (Dreir et al., 2001 : 21). Ces recherches laissent entrevoir que le lieu où l’on vit pourrait influencer notre vie quotidienne et, partant, notre santé. En effet, différents aspects de l’environnement physique, social, familial, organisationnel et communautaire interagissent avec les caractéristiques des individus pour produire des inégalités de santé (Macintyre et al., 2000). Mais disposons-nous des moyens nécessaires pour tenir compte de l’ensemble des paramètres contextuels et individuels pour expliquer l’état de santé de la population ? Si de tels moyens existent, il faut les trouver, selon nous, du côté de l’analyse multiniveau. La question des inégalités de santé n’est pas nouvelle. Depuis deux siècles, les inégalités de santé font l’objet de nombreuses recherches. Déjà en 1911, les statistiques anglaises révélaient l’existence d’une relation entre la classe sociale et la mortalité. Alors que le Black Report  soutenait en 1980 que la position d’un individu dans la structure sociale est étroitement associée à son état de santé. Aujourd’hui, même avec une amélioration considérable de l’état de santé des populations, il existe encore des inégalités, des inégalités de santé et des inégalités sociales, que nous pouvons aussi bien distinguer entre différents pays qu’au sein même d’un pays (Marmot et Wilkinson, 2000 ; Curtis, 2004). Finalement, ces inégalités peuvent aussi se refléter à l’échelle d’une agglomération. Il faut, dans ces conditions, parler d’inégalités sociales de santé, expression qui fait référence à l’association entre la position dans la hiérarchie sociale et les variations de l’état de santé (Potvin et al., 2002). Car en fonction de sa position dans la hiérarchie sociale, l’état de santé de l’individu change, de sorte que le niveau de vie des individus affecte son état de santé (Macintyre, 1997). Plusieurs études épidémiologiques montrent que le statut socioéconomique est une variable explicative (Deonandan et al., 2000). Certains auteurs ont mis en évidence ces inégalités de santé à Montréal. Là aussi, il existe une différence de l’espérance de santé entre les groupes les plus défavorisés et les groupes les plus aisés (Potvin et al., 2002). La question se pose de savoir si l’association statistique entre les inégalités et l’état de santé moyen de la population est réelle (un effet direct) ou constitue un artefact statistique (un effet indirect) (Hou et Myles, 2004). Il convient donc de mettre en relief les mécanismes responsables de ces inégalités de santé. Selon Wilkinson (1996), ces mécanismes sont de nature psychosociale et non pas simplement de nature matérielle. Selon cet auteur, les écarts de revenus entre les individus les amène à se comparer, ce qui provoque du stress, compromet la cohésion sociale et dimidue le capital social d’un grand nombre de personnes (Wilkinson, 1996 ; Kawachi et Kennedy, 1997). Wilkinson (1998), comme plusieurs, estime que des personnes à faible revenu sont affectées négativement par le fait de vivre dans le même milieu que des familles à revenu plus élevé. En revanche, d’autres auteurs, comme Wilson (1987), croient que les pauvres bénéficient du fait de vivre quotidiennement auprès de voisins plus à l’aise en raison de la présence de ressources institutionnelles plus abondantes et des effets d’apprentissage (Wilson, 1987). Il existerait donc bel et bien un lien entre le revenu et l’état de santé. Toutefois, les mécanismes de cette relation demeurent obscurs. D’autres facteurs seraient-ils en cause ? La difficulté à mettre en évidence ces mécanismes suggère que le revenu ne serait pas le seul élément responsable des écarts de santé observés au sein de la population. D’ailleurs, Coburn (2004) recommande …

Parties annexes