Thème 7 - La géographie des nouvelles territorialités

L’identification et la qualification des espaces de pauvreté à Montréal[Notice]

  • Philippe Apparicio

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Bien qu’il ne soit pas nouveau, le thème de la pauvreté conserve toute son actualité en études urbaines. En effet, des études récentes ont montré l’augmentation de la pauvreté dans les grandes métropoles canadiennes depuis les années 1980 et, parallèlement, la concentration accrue des populations pauvres au sein de ces agglomérations (Broadway, 1992 ; Broadway et Jesty, 1998 ; Ley et Smith, 2000). La région métropolitaine de Montréal est particulièrement touchée par ce phénomène puisqu’en 2000, 21,4 % de la population y vivaient sous les seuils de faible revenu, tels que définis par Statistique Canada, contre 15,1 % et 19,4 % respectivement pour les régions métropolitaines de Toronto et Vancouver. Dans ce contexte, l’identification et la qualification des zones urbaines de pauvreté sont des enjeux de recherche de première importance en vue d’orienter les politiques gouvernementales, et surtout municipales. Il en va de l’amélioration des conditions de vie des habitants de ces zones et de la lutte contre l’exclusion sociale. Inspiré par cette problématique, nous menons pour notre part des recherches  sur la pauvreté à Montréal, plus spécifiquement sur les enjeux méthodologiques entourant l’opérationnalisation du concept de pauvreté urbaine (urban deprivation). Le concept de pauvreté relative (relative deprivation) proposé par le sociologue Peter Townsend est aujourd’hui bien connu. Selon Townsend (1987), un individu est défavorisé lorsque ses conditions de vie sont inférieures à celles de la majorité de la population dans une société donnée. Durant les deux dernières décennies, ce concept a été très largement repris dans le champ des études urbaines, tant par les géographes que par les sociologues. Il en est dérivé le concept de pauvreté urbaine. Ce concept est utile pour identifier les espaces urbains où se concentrent les ménages les plus défavorisés. Dans la foulée, on a conçu, en Grande-Bretagne, un indice synthétique de pauvreté multiple (multiple deprivation), utilisable à l’échelle du pays et à celle des quartiers des villes de pauvreté urbaine (DETR, 2000 ; NRU 2002). Au Canada, l’opérationnalisation du concept de pauvreté urbaine est peu avancée. En effet, depuis les années 1980, la plupart des études, visant soit à identifier les espaces de pauvreté, soit à vérifier s’il y a ou non une augmentation de la concentration spatiale de la pauvreté, sont uniquement basées sur des données sociodémographiques et socioéconomiques des secteurs de recensement, tels que définis par Statistique Canada (Broadway, 1992 ; Broadway et Jesty, 1998 ; Kitchen, 200 ; Langlois et Kitchen, 200 ; Ley et Smith, 2000 ; Myles et al., 2000 ; Séguin, 1998). Bien que pertinente, cette approche n’est pas tout à fait satisfaisante car la pauvreté urbaine ne se traduit pas seulement par des revenus insuffisants ou par des caractéristiques individuelles comme la monoparentalité, la faible scolarisation et le chômage. Elle peut aussi se traduire par la piètre qualité du logement, la faible accessibilité aux services aux équipements et aux zones d’emploi (Townsend, 1993). Il faut donc faire appel à d’autres sources d’information que les recensements pour identifier les espaces de pauvreté. La question de l’accessibilité aux services publics et privés dans les espaces de pauvreté se pose sous l’angle de l’équité sociale (Talen, 1998). D’où la nécessité de vérifier si les habitants des zones de pauvreté bénéficient d’une accessibilité aux services comparable à celle des autres habitants de la ville. De même qu’il faille tenir compte de la disponibilité en services et en équipements autour des microzones de pauvreté, puisque l’absence ou la présence de services facilement accessibles pour les populations peut faire la différence : l’absence contribuant à exacerber la pauvreté, tandis qu’une offre généreuse de services pouvant compenser, partiellement …

Parties annexes