Comptes rendus bibliographiques

MUSSET, Alain (dir.) (2006) Géopolitique des Amériques. Paris, Nathan, 335 p. (ISBN 2-09-179698-0)[Notice]

  • Frédéric Lasserre

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  • Frédéric Lasserre
    Université Laval

Ce manuel consacré à la géopolitique des Amériques se compose de 21 chapitres courts et très structurés afin d’en rendre l’assimilation plus aisée. Pour chaque chapitre, une courte introduction permet de présenter les contextes et les enjeux, des repères chronologiques, des définitions de termes clés et des cartes viennent éclairer le propos. Des encarts offrent de nombreux éclairages précis sur des problématiques particulières. Ce parti pris éditorial reflète la fonction de base du livre, celle d’être un manuel universitaire. On n’y trouvera donc pas une thèse scientifique développée tout au long du texte, mais bien plutôt la présentation, sous un éclairage géopolitique, de la géographie des Amériques, en tant qu’effort de vulgarisation pour un public étudiant. Les auteurs ont retenu quatre axes pour rendre compte de la géographie contemporaine des Amériques, avec comme préoccupation constante l’analyse des tensions et des relations entre Nord et Sud, mais aussi entre les parties de ces ensembles : deux parties transversales et deux parties régionales, avec un accent particulier sur les États-Unis. Ce découpage, qui laisse de côté le Canada, certes une puissance moyenne, ainsi que le Groenland en dehors du découpage régional proposé, se lit comme suit : Le livre se pose d’emblée dans le champ d’analyse géopolitique pour comprendre les enjeux et les modalités de ces relations parfois conflictuelles. Il s’agit d’un choix original pour ce genre universitaire, mais dont la pertinence est vite démontrée par les auteurs. Certes, la première partie est historique et s’attache à décortiquer les grands faits politiques et culturels à l’origine des limites imparfaites, mouvantes, mises ici ou là pour traiter de cette masse continentale baptisée America par Waldseemüller en 1507 à Saint-Dié (France). Il s’agit donc d’une Amérique construite par l’Europe ou, si l’on veut, par des Européens qui l’ont objectivée comme telle depuis cinq siècles, qui y ont détruit les cultures préexistantes pour d’abord tenter de reproduire les cultures européennes avant que le métissage et l’éloignement ne permettent l’avènement de véritables sociétés nouvelles, américaines. Les Américains d’aujourd’hui (au sens des habitants des Amériques, à ne pas réduire aux seuls États-uniens) ne sont plus européens, encore que de nombreuses bourgeoisies locales soient restées fidèles à des manières de voir européennes. Le processus de construction de ces nouvelles identités, parfois exaltées, mais parfois aussi source de division comme lors de la dislocation de l’empire espagnol des Amériques sous les pressions des différentes oligarchies locales, est important à saisir pour bien évaluer le poids des divisions politiques contemporaines. La construction de l’ouvrage est on ne peut plus commode pour comprendre la manière dont fonctionne la vie politique et économique sur cet espace américain, et comment s’y sont construites les relations avec le reste du monde (diplomatie, guerres, extraversion économique, migrations, hégémonie). Mais à force de sectionner le savoir (tout de même, vingt-et-un chapitres !), ne risque-t-on pas de construire des raccourcis, des images parfois réductrices, d’évoquer des déterminismes risqués, surtout auprès d’un public étudiant ? Prenons, par exemple, le chapitre sur le capitalisme nord-américain : fondements culturels, caractéristiques (grandes entreprises, innovation, etc.), État et régulation. Une belle triade, mais comment oublier la puissance du système de consommation qui alimente ce capitalisme principalement fondé sur l’exploitation rapide et destructrice des ressources naturelles, sur la destruction perpétuelle des richesses produites comme moteur de la croissance ? Comment ne pas évoquer le rapport particulier à l’espace physique conçu comme une ressource dont on a pu dire, selon les points de vue, qu’elle est remarquablement exploitée ou bien pillée, et qui se traduit aujourd’hui par une forte pollution, une dégradation de l’environnement, une crise de l’eau dans la moitié ouest du …

Parties annexes