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Pierre George a été le premier président de l’Association française d’études canadiennes (AFEC) créée en 1976. Il reçoit le Prix international Northern Telecom en 1988 qui souligne son apport à l’avancement des études canadiennes dans le monde. Après son premier mandat de président, il devient président honoraire actif de l’AFEC jusqu’à sa mort, en maintenant des relations avec l’Ambassade du Canada à Paris.

Cette présidence fait suite à un intérêt soutenu pour le Canada, renforcé par un réseau de relations personnelles avec des professeurs et doctorants travaillant au Canada ou sur le Canada. Au début des années 1970, il est invité dans plusieurs universités et notamment à l’Université d’Ottawa, à l’Université de Montréal et à l’Université Laval. Il s’intéresse à l’espace canadien aussi bien pour sa dimension que pour son originalité. Il mesure l’importance de ce pays qui se présente comme celui des grands espaces, de la puissance, de la liberté et évoque toute une série de rêves, de mythes et de représentations, mais qui est aussi perçu comme le prolongement du Vieux monde. Pierre George relit les écrits des géographes français qui depuis la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’aux années 1960 découvrent, observent et analysent ce pays en gestation, et tout particulièrement les plus renommés, Élisée et Onésime Reclus, André Siegfried, Raoul Blanchard et Pierre Deffontaines. Il n’échappe pas, comme eux, à une certaine fascination.

Mais le contexte des relations entre universités et chercheurs de France et du Canada s’est profondément modifié et Pierre George note qu’aux quelques isolés du début du siècle succèdent des groupes de travail plus nombreux, des échanges d’informations, d’étudiants, de professeurs, de chercheurs plus suivis. Il saisit donc l’opportunité de renforcer les coopérations avec la création de l’Association française d’études canadiennes (AFEC) dont il accepte la première présidence de 1976 à 1986, en se chargeant en particulier des relations avec les autorités canadiennes. Pour lui, l’intention était triple :

Changer la dimension des relations officielles entre les études canadiennes en France et les partenaires officiels canadiens, représentés initialement par le Consul du Canada à Bordeaux, désormais par l’Ambassade, décentraliser études et rencontres sur les thèmes canadiens en créant des Centres d’études canadiennes dans diverses universités et en établissant un programme itinérant de colloques sur des thèmes rassemblant curiosités et compétences dans le domaine des sciences humaines, de l’histoire, des diverses formes d’expression littéraire, enfin, par voie de conséquence, susciter des vocations de chercheurs sur des sujets canadiens et attirer des interlocuteurs canadiens dans le plus grand nombre possible d’universités.

Les 20 ans de l’AFEC, 1996

Il participe alors à la préparation de colloques et favorise la mise en place de Centres d’études dans plusieurs universités françaises. Ces colloques ont lieu dans l’Hexagone, mais aussi au Canada, à Montréal, Québec, Ottawa, Toronto, Halifax et selon son expression, si la route n’est pas facile « petit à petit, la carte se pigmente des signes d’implantation d’études canadiennes ». En mars 1986, il coordonne un ensemble de conférences, au Centre culturel canadien de Paris, pour traiter des aspects de la géographie du Canada devant un public composé en majeure partie de candidats aux concours de recrutement des professeurs d’histoire et géographie des lycées et collèges. Quatorze professeurs d’université, six Canadiens et huit Français ont répondu à cet appel qui a permis la publication aux Presses universitaires de Bordeaux de l’ouvrage La géographie du Canada (1986). Il considère que cet ouvrage a valeur de symbole de l’échange permanent de questions et de réponses entre les géographes français et les géographes canadiens, et qu’il contribue à éveiller les vocations nécessaires pour que se poursuive ce fructueux va-et-vient de curiosités et d’expériences, dans une atmosphère d’amicale collaboration.

Dix ans plus tard, en 1996, il accompagne un nouveau colloque organisé par le Centre d’études canadiennes de Bordeaux sur le regard croisé des géographes français sur le Canada jusqu’aux années 1960. Dans la préface de l’ouvrage publiant les actes du colloque, il réaffirme l’importance de ces regards sur le Canada :

Retrouver et en même temps découvrir, transférer ses curiosités et ses méthodes, et prendre acte de données d’un autre ordre de grandeur et souvent d’un autre espace. Un bel exemple de l’articulation et de l’adaptation des méthodes de terrain de la géographie. En même temps, une révélation de la liberté et de la diversité des géographes en terrain neuf (…). C’est pourquoi, le présent ouvrage, par les éclairages multiples qu’il ajoute, constitue un ensemble qui complète et pour une part renouvelle l’approche géographique et historique sur le Canada.

Georges, 1997

Encore dix ans plus tard, en 2006, lorsqu’il nous quitte, la géographie et l’histoire sont toujours bien représentées dans les 18 Centres d’études canadiennes en France.

Pierre George a aussi favorisé le développement des études canadiennes dans d’autres pays, il note, lors de l’anniversaire des 20 ans de l’AFEC :

En même temps, les contacts se multiplient avec l’étranger, sous forme de relations individuelles d’abord, avec la Belgique, la Suisse, où l’on se plaît à rencontrer des correspondants qui, à des titres divers, ont travaillé au Canada et sur le Canada. Puis les rapports plus institutionnels s’établissent avec la République fédérale allemande dont l’association soeur invite l’Association française à ses réunions annuelles à Grainau, avec l’Italie.

En 1984, il est présent à la réunion d’Halifax, avec Pierre Guillaume et Jean-Michel Lacroix où l’AFEC est un des organismes fédérateurs qui vont donner naissance au Conseil international d’études canadiennes.

Son rôle dans les études canadiennes a été très influent [1]. Son attachement au Canada et au Québec a marqué la fin de sa carrière, et il restera à approfondir ses relations avec la « Belle province », notamment à une époque où le Québec affirme sa volonté d’autonomie.