Pierre George, un géant de la géographie

Pierre George (1909-2006), un géant de la géographieIntroduction[Notice]

  • Claude Manzagol et
  • Louis-Edmond Hamelin

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  • Claude Manzagol,
    Université de Montréal

  • Louis-Edmond Hamelin
    Université Laval

Le professeur Pierre George, membre de l’Institut de France, à l’Académie des sciences morales et politiques, s’est éteint le 11 septembre 2006 dans sa maison de Châtenay-Malabry au terme d’une carrière d’une fécondité et d’un lustre exceptionnels. Par l’originalité et l’ampleur de son oeuvre, par la puissance du magistère et l’étendue du rayonnement, Pierre George s’inscrit dans la courte liste des grands géographes mondiaux du XXe siècle. Sur les bancs de la Sorbonne, le jeune étudiant est déjà une formidable machine intellectuelle ; il est major de l’agrégation en 1930, il n’a pas vingt et un ans. Il brûle les étapes et boucle ses thèses d’État à l’âge de 25 ans. La thèse, selon le modèle suggéré par Vidal, est l’analyse d’une entité régionale. Pierre George choisit les plaines du Bas-Rhône, et sous l’oeil du maître, réalise le chef-d’oeuvre d’atelier en démontrant la maîtrise de son art. L’originalité n’est pas requise : c’est au-delà que le jeune docteur affirmera sa personnalité. Professeur de lycée, Pierre George s’engage intensément dans les débats politiques d’une époque bouillonnante. Membre du comité des penseurs antifascistes, il adhère au Parti communiste, participe aux campagnes électorales, ce qui lui vaut des ennuis avec ses supérieurs. Cela ne l’empêche pas de poursuivre son oeuvre scientifique avec intensité. Attiré par les sciences de la nature, c’est la géomorphologie qui le fascine et il produit de remarquables études sur le Bas-Languedoc. Tout comme il apprend le russe pour le service de la Bibliographie géographique internationale, il prend une licence de science pour mieux asseoir ses recherches. La Seconde Guerre mondiale va changer le cours de sa carrière : ampleur des destructions, immenses besoins de reconstruction, bouleversements politiques en Europe centrale, etc. C’est l’appel des sciences de l’homme. Nommé à la Sorbonne en 1948, Pierre George offre un enseignement qui renouvelle la discipline en mettant l’accent sur les grands systèmes économiques et sociaux. Dans cette perspective, il anime des courants de recherche sur les grands problèmes du moment. Les publications se succèdent à un rythme accéléré sur l’énergie, les problèmes de population, l’aménagement du territoire. Exode rural et concentration urbaine sont à l’origine de deux grands classiques : La ville (1952) et La campagne (1956). C’est l’âge d’or de l’édition géographique : Pierre George multiplie les Que sais-je ? et dirige plusieurs collections aux Presses universitaires de France : France de demain, Magellan, etc. Parallèlement, l’évolution de la situation politique en Europe de l’Est amène Pierre George à prendre conscience qu’il a un temps abandonné sa liberté de jugement. Il s’éloigne du Parti communiste, sans rupture brutale : ce n’est pas son style. L’activité effervescente se poursuit dans les années 1960, il dirige un réseau de chercheurs sans cesse plus étendu, multiplie les voyages à l’étranger et poursuit son intense travail d’écriture. Les événements de mai 1968 le surprennent et le choquent. Non pas qu’il ne mesure pas l’ampleur des changements sociodémographiques apportés par les Trente Glorieuses, et la nécessaire évolution d’une université qui craque sous le poids du nombre et la poussée des nouveaux besoins, mais toute sa fidélité à une institution qui a été sa vie se rebelle à ce qu’on la casse, qu’on en fasse le bouc émissaire. Il refuse de participer au mouvement, et là encore sans rupture, il choisit de prendre du champ. Il voyage et enseigne beaucoup à l’étranger. Ses réflexions le portent désormais vers des thèmes plus larges tels que de l’évolution du monde contemporain, le rôle des techniques, la trajectoire de l’aventure humaine, réflexions qui ne sont pas exemptes de scepticisme, voire de pessimisme. Il a été élu en …

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