Pierre George, un géant de la géographie

Les structures sociales dans la pensée géographique de Pierre George[Notice]

  • Michel Rochefort

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  • Michel Rochefort
    Université de Paris 1

J’ai connu Pierre George quand j’étais encore étudiant à Paris en 1949. Il a été un membre du jury quand j’ai passé l’agrégation en 1951. Il a été ensuite mon directeur de thèse (soutenue en 1958), puis mon collègue lorsque j’ai été nommé professeur à ce qu’on appelait encore La Sorbonne en 1964. J’ai gardé des relations personnelles avec lui, même dans les dernières années où la cécité et la maladie le coupaient un peu du monde. C’est dire combien j’ai été heureux de votre invitation à venir ici parler de lui : je remercie tous ceux qui ont aidé à ma venue. Je remercie tout particulièrement mon collègue et ami Claude Manzagol qui a beaucoup oeuvré pour que cette rencontre soit possible. Dans la très grande diversité de l’oeuvre de Pierre George, des dizaines de livres et d’innombrables articles, j’ai retenu pour cette contribution, ce qui en a fait un pionnier dans la conception d’une géographie qui confronte les structures des sociétés avec l’organisation des territoires qu’elles occupent. Mais cette orientation est apparue progressivement dans l’oeuvre de Pierre George, beaucoup plus diverse et elle n’a été clairement formulée qu’à certaines échelles territoriales, marquant ainsi à la fois les limites de sa propre réflexion et l’importance de ce qu’il a légué à ses élèves. Au-delà de ses écrits, Pierre George a été, en effet, un grand maître qui a su transmettre aux nombreux géographes dont il a dirigé les travaux de thèse et aussi à beaucoup d’autres, des pistes de recherche qui leur ont permis d’aller de l’avant, au-delà des propres idées exprimées dans ses écrits. Dans cette complexité, on peut distinguer trois phases. Au départ, Pierre George reste un élève classique de la géographie humaine de l’entre-deux-guerres. Après avoir été reçu premier à l’agrégation d’histoire et de géographie à 21 ans, il soutient à 25 ans, dès 1934, ses thèses d’État dont la principale porte sur la région du Bas-Rhône. Étude de géographie régionale assez classique, elle ne le singularise guère par rapport aux tendances de la géographie française de l’époque. À partir des orientations de Vidal de la Blache, premier maître pour les géographes qui lui succèdent, c’est la géographie régionale qui est prédominante : Pierre George reste dans la ligne du Tableau de la géographie de la France et ne semble pas à ce moment avoir été marqué par le dernier livre de Vidal de La Blache (1994) [1917], La France de l’Est (1994) qu’Yves Lacoste a ressuscité en montrant son orientation géopolitique beaucoup plus engagée et en soulignant, en particulier, le rôle des bourgeoisies urbaines alsaciennes. Dans sa thèse, Pierre George analyse la région du Bas-Rhône sous tous ses aspects, du relief et du climat jusqu’à la présentation des villes, sans donner à cette partie une véritable importance. C’est plutôt Raoul Blanchard, avec son étude sur Grenoble qui à cette époque, innove en matière de géographie urbaine (1935). Mais, en même temps, Pierre George s’engage dans les luttes syndicales et politiques de l’époque : il adhère au Parti communiste en 1936 ; il apprend le russe pour rendre compte des travaux des géographes soviétiques de l’époque, dans la Bibliographie géographique internationale. À côté de plusieurs publications qui restent classiques, sur les pays de la Saône et du Rhône, sur la géographie des Alpes, etc., il écrit des livres plus engagés et aborde une géographie sociale de la France (1938) et du monde (1946). Il dresse en même temps un panégyrique de ce que vont devenir les démocraties populaires dans l’Europe de l’Est après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Professeur dans divers lycées à partir …

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