Pierre George, un géant de la géographie

Legs vidalien et romantisme scientifique[Notice]

  • Guy Mercier

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Pierre George, décédé en septembre 2006 à l’âge de 96 ans, fut l’un des derniers grands représentants de la géographie française dite classique, héritière de la pensée de Paul Vidal de la Blache (1845-1918). Notre regard porte sur la filiation vidalienne de l’oeuvre de Pierre George, notamment à travers le concept de paysage, qui perpétue le romantisme et le patriotisme propres à la tradition géographique. Pierre George fut l’un des plus prolifiques géographes français. En cinquante ans, il signa près d’une centaine de livres, dont plusieurs furent maintes fois réédités. Son oeuvre semble en fait aussi imposante et variée que puisse l’être la tâche du géographe. Pierre George était en effet convaincu que la géographie, science de la totalité des choses qui apparaissent à la surface de la Terre, ne pouvait négliger aucun des éléments qui composent ce grand tout. Aussi, prêchant par l’exemple, il prouva que la géographie pouvait fournir une explication digne d’intérêt, valable pour chacun de ces éléments, aussi multiples et complexes soient-ils. Bien que reflétant la grande diversité thématique de la discipline, le travail de Pierre George reposait sur la conviction que, face à cette diversité, la responsabilité ultime du géographe était d’en saisir l’unité. Cette conviction le rattachait à une tradition géographique bien établie en France depuis l’oeuvre pionnière de Paul Vidal de la Blache. Lui-même inspiré par Alexandre de Humboldt et surtout par Carl Ritter, Vidal, comme Friedrich Ratzel, William Davis, Halford Mackinder et plusieurs autres de la même génération, avait confié à la géographie cette tâche d’expliquer l’unité qui ordonne la diversité des faits et des phénomènes terrestres. Il reste à savoir comment et pourquoi Pierre George demeura fidèle à cette mission. Comment l’adapta-t-il aux époques qu’il traversa ? Comment la défendit-il devant les critiques qui, à partir des années 1960, s’en prirent à cette conception traditionnelle de la géographie ? Ces questions forment un vaste programme de recherche que nous n’allons pas épuiser dans les lignes qui suivent. L’intention est plutôt de poser quelques jalons quant à un aspect particulier de cette problématique en examinant la façon dont Pierre George s’appropria l’héritage de la géographie traditionnelle, inspirée par Vidal de la Blache. Et encore, en nous limitant au concept de paysage, nous ne traiterons que d’une seule facette de cette question complexe. Mais aussi partielle soit-elle, cette démarche permet de jeter un éclairage utile sur l’oeuvre de Pierre George, tout en faisant ressortir une dimension fondamentale de cette fameuse géographie française qui, durant une grande partie du XXe siècle, rayonna à travers le monde. Il n’est pas nécessaire, pour avancer l’hypothèse d’une filiation vidalienne chez Pierre George, de nier l’originalité et l’apport de l’oeuvre de ce dernier. Comment en effet refuser de voir, par exemple, que sa conception d’une géographie active était un plaidoyer invitant la discipline à conserver et à exprimer une position critique, quant aux projets et aux programmes aménagistes des pouvoirs publics, et aux contraintes qu’imposent les forces économiques ? Comment, aussi, ne pas reconnaître l’attention qu’il porta aux statistiques pour étudier les problématiques démographiques et industrielles ; ce qui ouvrit la porte – à son corps défendant, il est vrai – à la géographie dite quantitative qui bouleversa par la suite notre discipline ?  Comment, enfin, oublier que, soucieux de rendre compte de l’emprise croissante de la grande industrie, il substitua à la vieille notion vidalienne de genre de vie, celle de mode de production ? (Claval, 1998 : 274 et suiv. ; Robic, 2006 : 37) Qu’il y eût, chez Pierre George, originalité et apport est donc indéniable. Il n’en demeure pas moins que, …

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