Pierre George, un géant de la géographie

Pierre George et la géographie rurale ou la géographie rurale de Pierre George[Notice]

  • Jean Renard

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Dans l’abondante bibliographie de Pierre George, les études et publications de géoraphie rurale sont nombreuses, surtout dans la période des années cinquante et du début des années soixante. Ensuite, ses préoccupations se sont tournées vers la géographie des villes et des populations. Son livre La campagne. Le fait rural à travers le monde de 1956, puis le Précis de géographie rurale de 1963, constituent les deux ouvrages de fond de sa réflexion. Dès 1946, on peut également citer sa Géographie agricole du monde. À la fin de sa vie, il est revenu sur le thème dans le petit livre Le temps des collines (1995). Les quelques lignes qui suivent n’entendent pas faire un bilan critique des analyses conduites par Pierre George sur la thématique du rural qui était, rappelons-le, au coeur des études de l’école française de l’entre-deux-guerres, ni mesurer sur le fond ses apports. Ce sera d’abord un témoignage, daté dans le temps. J’ai été, à la fin des années 1950 du siècle dernier, étudiant à l’Institut de géographie de Paris, à la recherche d’un mémoire puis d’une thèse en géographie rurale, et j’ai rencontré Pierre George qui a accepté, parmi beaucoup d’autres, de suivre mes travaux. Nous étions alors une promotion d’une cinquantaine d’étudiants en licence sous la houlette d’un petit nombre d’excellents professeurs. Si Pierre Birot exerçait un monopole sur les études de géographie physique et si Jean Dresch était le grand homme du Maghreb, Pierre George était en géographie humaine générale, le maître incontesté. Nous n’avions alors à notre disposition qu’un petit nombre d’ouvrages pour approfondir les questions au programme. Les manuels d’Emmanuel de Martonne et d’Albert Demangeon constituaient la base des connaissances. Le Précis de géographie humaine de Max Derruau ne sortira qu’en 1961. C’est dire l’importance des cours suivis fidèlement par tous ou presque. Pierre George offrait en outre un cours d’initiation aux sources et méthodes en géographie rurale à destination de ceux qui entendaient préparer un diplôme d’études supérieures (DES) sous sa direction. C’est à cette occasion, en 1959, que j’ai pu apprécier les nouveautés de ses approches comparativement à nombre de ses prédécesseurs dont les analyses demeuraient pour l’essentiel des descriptions des formes rencontrées plus que des explications de fond des réalités agraires, des paysages, des modes d’exploitation et des rapports sociaux. Avant Pierre George, seul André Cholley, dans un article fondateur des Annales de géographie de 1946, avait examiné le complexe agraire dans toutes ses composantes et mis en place une analyse systémique avant l’heure. Le contenu du séminaire annuel, au total une quinzaine de séances, permettait de faire le tour des questions relatives aux sources et méthodes à utiliser pour nourrir une étude localisée de DES. On passait en revue les cadastres, les fiches des rares exploitations suivies en gestion, les photographies aériennes, on apprenait la conduite d’une enquête et on examinait les résultats du recensement agricole de 1955, chacun faisant part de ses expériences personnelles tandis que le maître résumait les apports innovants de quelques étudiants ayant soutenu leur mémoire les années précédentes. Ses réflexions étaient centrées sur les inégalités sociales et la diversité des systèmes et des relations entre les groupes sociaux vivant de la terre sur des espaces examinés à grande échelle. C’est aussi en 1959 qu’est paru un petit ouvrage trop méconnu qui était le compte rendu d’un colloque tenu à l’École normale supérieure (ENS) de Saint-Cloud l’année précédente, sous la direction de Pierre George, et publié par la société amicale des anciens élèves. Il s’agissait de présenter les résultats les plus originaux et novateurs d’élèves de l’école ayant soutenu un DES sur des questions …

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