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Stéphane Rosière signe ici, avec l’aide de trois collaborateurs, un intéressant dictionnaire des termes politiques en géographie. L’auteur ne prétend aucunement révolutionner le genre, et en effet de tels ouvrages ont déjà été publiés. Qu’on pense au Lexique de géopolitique (Soppelsa, 1988) ou au monumental Dictionnaire de géopolitique (sous la direction d’Yves Lacoste, 1993) et, plus récemment, aux Dictionnaire de géopolitique (Moreau-Defarges, 1998), Dictionnaire de géopolitique. États, concepts, auteurs (Chauprade et Thual, 1999) et Dictionnaire de géopolitique (Chautard, 2008) mentionnons aussi le Dictionnaire historique et géopolitique du XXe siècle (Cordelier, 2007). Ces ouvrages, de qualité très variable, sont conçus comme des tours d’horizon aussi bien de l’actualité géopolitique que de la discipline qu’est la géographie politique.

Pour son ouvrage, Stéphane Rosière a délibérément choisi de ne pas inclure de noms propres : on ne trouvera donc pas d’entrée de géographe ou de politologue important, ni de personnage d’État ou de grand stratège, ni même d’État. L’approche consiste ici à ne présenter que des « concepts opératoires ou nécessaires pour mener à bien des analyses en géographie politique ou en géopolitique ». Ne prétendant nullement proposer une analyse des enjeux géopolitiques contemporains, l’auteur et ses collaborateurs se sont principalement efforcés de donner à la géographie politique un « corpus scientifique étayé et justifié » en retenant plus de 400 entrées, essentiellement des concepts fondamentaux. L’idée est encore pertinente car, en conséquence de l’effet de mode dont la géographie politique?/?géopolitique a bénéficié dans les années 1990, beaucoup de définitions erronées et de conceptions hasardeuses circulent encore.

On trouve ainsi cinq grands types de termes: des notions liées aux acteurs et à la territorialité ; des concepts communs à toutes les sciences sociales, comme pouvoir ou hégémonie ; des mots de la géographie classique, comme espace ou territoire, mais dont l’importance épistémologique en géographie politique est capitale ; des mots du cadre politique, surtout français, mais aussi international, notamment de nombreux concepts du droit de la mer ; et enfin, des termes géopolitiques, comme démarcation, frontière, représentation, ou rimland.

L’ouvrage présente, sous de nombreuses entrées, des sources qui ont certes étayé la définition, mais qui présentent aussi l’intérêt de permettre au lecteur de poursuivre ses lectures s’il le souhaite. On appréciera aussi le ton volontiers critique et des développements à contenu épistémologique important, notamment pour des entrées comme arc de crise, déterminisme, géoéconomie, frontière et géopolitique bien entendu. Certains concepts sont intégrés comme des entrées pertinentes, notamment paysage, lequel constitue de plus en plus un enjeu géopolitique dans les sociétés industrialisées.

Certes, il a fallu faire des choix, et cet ouvrage se voulant un dictionnaire et non une encyclopédie, les entrées proposées sont parfois courtes. Elles le sont parfois un peu trop, notamment, à mon avis, pour des concepts comme nation, représentation, ressource. On relève aussi l’absence de citoyenneté, enjeu politique pourtant parallèle à celui de nation, alors que l’auteur introduit bien la distinction entre État et nation, termes souvent confondus notamment en France !

Bref, un ouvrage intéressant, dont le format pratique invite à la consultation fréquente, avec d’intéressants développements informatifs et critiques.