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Comme le souligne l’historien André Corvisier, dans la préface, « nul n’était mieux qualifié que lui pour entreprendre cette recherche ». Pierre Pagney, éminent géographe universitaire et ancien officier de réserve français, nous offre une synthèse sur une des questions fondamentales de la géographie militaire: la place de la météorologie et de la climatologie dans le fait militaire. L’originalité de cet ouvrage repose sur une approche à la fois géographique et historique. Au temps long des campagnes et des guerres, l’auteur associe la climatologie ; au temps court des opérations, la météorologie.
L’ouvrage s’articule en trois parties dans lesquelles l’auteur tente d’englober tous les types de guerre, illustrés de nombreux exemples. Dans la première partie, intitulée Le climat, la bataille et la guerre, une relation pertinente, Pierre Pagney souligne la prise en compte du climat dans l’art militaire comme dans le vécu des combattants. On apprend, entre autres, qu’il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir se développer une météorologie militaire en Europe. La deuxième partie traite de l’influence du climat dans les affrontements localisés et de durée limitée jusqu’aux affrontements de masse plus longs dans le temps. Elle permet de saisir la diversité des situations : la chaleur et le soleil (bataille de Cannes en 216), la pluie et l’humidité (Crécy en 1346 et d’Azincourt en 1415), les grands froids et les tempêtes maritimes (campagne danoise de 1657-1658, invasion manquée de l’Angleterre par l’invincible Armada espagnole en 1588). Au facteur météorologique du temps court, l’auteur distingue le facteur climatologique dans le temps long des guerres et des batailles : les hivers froids des campagnes napoléoniennes en Europe centrale et orientale comme en Russie, les saisons humides et pluvieuses dans les opérations sur les fronts de la Grande Guerre. Enfin, la troisième partie, intitulée La guerre planétaire, porte plus spécifiquement sur les opérations de la Seconde Guerre mondiale. Elle s’achève par l’analyse de données plus récentes : guerres régionales (guerre de Corée, guerre du Golfe par exemple), emploi des armes nucléaires, biologiques ou chimiques (NBC), effets géopolitiques du réchauffement climatique dans la région arctique.
Il en résulte une synthèse ambitieuse et didactique. Celle-ci nous offre une vision d’ensemble dont il faut se féliciter. En revanche, on peut s’étonner que l’auteur néglige autant les travaux déjà réalisés sur ce sujet par les géographes américains, canadiens et britanniques, notamment ceux réunis par Harold Winters (Battling the elements, weather and in the conduct of war, 2001) et de Mickael Stephenson (Battlegrounds, geography and the history of warfare, 2003), ceux de l’importante Commission internationale de géographie militaire ainsi que les quelques travaux publiés en France, y compris depuis le début du XXe siècle en géographie militaire. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage apparaît désormais comme une oeuvre incontournable en géographie militaire.