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Les éditions Autrement ont entamé, voici quelques années, la publication d’une série d’atlas, courts ouvrages (environ 80 pages) synthétiques, richement illustrés et avant tout destinés au grand public. C’est dans ce contexte éditorial que s’inscrit l’ouvrage de Philippe Pelletier sur le Japon. Il existe déjà plusieurs ouvrages, monographies géographiques ou socioéconomiques, sur ce pays, mais on recense peu d’atlas qui s’y sont spécifiquement consacrés.

L’ouvrage se présente de façon agréable, avec une profusion de cartes en couleurs, de tableaux, de graphiques, et peu de textes, pari éditorial visant à synthétiser un nombre limité d’aspects du pays, mais choisis avec soin. Compte tenu de l’ampleur limitée de l’ouvrage, il n’était évidemment pas question de trouver là un atlas exhaustif ou prétendant l’être : il s’agit de brosser un portrait permettant de se faire une idée des aspects les plus intéressants, pertinents, du Japon contemporain.

Cet atlas est classique dans sa conception : histoire ; cadre géophysique et régional ; frontières ; économie avec secteurs primaire, secondaire et tertiaire ; aspects démographiques ; commerce extérieur. ces constantes classiques d’un atlas se retrouvent dans l’ouvrage. Une touche d’originalité s’incarne dans la présence, sur chaque planche, de la traduction japonaise du mot-clé et de son analyse, kanji (idéogramme) par kanji. On relèvera aussi la qualité graphique, le souci des détails et celui de maximiser l’espace disponible pour intégrer le plus de documents visuels possible.

Certaines cartes ou planches sont particulièrement intéressantes : ainsi en va-t-il du groupe de planches sur la région de Tokyo ; ou encore de l’évolution de la perception de l’espace dans sa dimension religieuse (la « profondité »). On relèvera aussi le souci de déconstruire la représentation japonaise d’une société homogène, à travers des cartes illustrant une certaine diversité culturelle (« Les aires sociales et culturelles » ainsi que l’épineuse question des immigrés coréens et de leurs descendants, souvent non naturalisés plusieurs générations après l’arrivée des ancêtres au Japon). On relèvera encore la question de la production rizicole, importante car lourdement chargée politiquement et symboliquement dans l’identité japonaise. On appréciera enfin les documents consacrés à la querelle des noms de lieux, notamment sur le nom de la mer du Japon?/?mer de l’Est, avec la Corée, ainsi qu’un bref encart rappelant la genèse du conflit des îles Kouriles, largement aggravé sous la pression étatsunienne à l’endroit de Tokyo, pour refuser l’offre de restitution formulée par Moscou en 1956.

Le pari de rassembler, en si peu de pages, un atlas à même de rendre compte de la complexité du Japon était un défi de taille. De fait, on pourra nourrir quelques regrets. Ainsi, rien ne vient illustrer la représentation de leur espace par les Japonais, dont le classique couple Ura Nihon (Japon de l’envers, perçu comme inaka – arriéré) versus le Japon de l’endroit, Omote Nihon, ou encore l’idée – fausse – de l’extrême petitesse du pays. De même, le vide de l’intérieur et des montagnes n’est pas illustré, alors qu’il renforce le caractère insulaire du pays, caractère abondamment traité par Philippe Pelletier dans ses recherches.

On aurait aimé savoir, outre les productions agricoles, quels étaient les paysages ruraux typiques, ne serait-ce que pour relever le caractère très différent de ceux d’Hokkaido. La carte des barrages hydroélectriques présente des données de 1980, un peu vieilles. La carte des espaces maritimes ne présente pas la zone d’exploitation commune avec la Corée du Sud en mer de Chine de l’est. Certains concepts, comme « surinsulaire » introduit par Pelletier dans ses recherches, ou « surdépeuplé », ne sont pas définis. Cependant, ces lacunes ne diminuent pas la valeur pédagogique de cet ouvrage. Le pari semble gagné, au vu de la quantité et de la qualité des informations rassemblées dans cet atlas.