Comptes rendus bibliographiques

VERDEIL, Éric, FAOUR, Ghaleb et VELUT, Sébastien (dir.) (2007) Atlas du Liban. Territoires et société. Beyrouth, Institut français du Proche-Orient/CNRS Liban, 208 p. (ISBN 978-2-35159-05309)[Notice]

  • Mona Harb

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  • Mona Harb
    Université américaine de Beyrouth

Enfin un Atlas libanais contemporain de grande qualité scientifique! Près de 230 cartes et graphiques y font le bilan des dynamiques spatiales du Liban de l’après-guerre, accompagnés d’un texte analytique et rigoureux qui réussit à tirer le meilleur parti possible des sources disparates disponibles. L’atout le plus notable de l’Atlas est son organisation thématique, conçue selon deux échelles d’analyse : les enjeux géopolitiques régionaux et l’entrée socio-politique et confessionnelle. Il en résulte un ouvrage structuré en sept chapitres, qui dégage quatre logiques d’organisation territoriale au Liban : 1) sa construction nationale, 2) son insertion dans l’espace mondial, 3) l’impact des tensions et crises géopolitiques du Moyen-Orient sur ses mutations spatiales, et 4) les effets des changements des modes de vie (urbanisation, nouveaux comportements démographiques et de consommation). Le premier chapitre examine le processus de formation de l’État et de ses territoires où les auteurs notent la faible production d’outils statistiques et cartographiques. Le second chapitre analyse les rapports à la mondialisation, dans la longue durée, notant ses effets sur la spécialisation, la différenciation et la hiérarchisation des territoires, ainsi que ses potentialités et risques, notamment vis-à-vis des flux de capitaux vers le Golfe. Le troisième chapitre explore la population et le peuplement – question piège dans un pays où le dernier recensement remonte à 1932 : les auteurs y notent « l’homogénéisation des comportements et des structures démographiques » (p. 65), la spécificité de Beyrouth, ainsi que l’hétérogénéité des identités et des appartenances, dans un contexte de migrations, d’émigrations et d’apports de réfugiés. Le quatrième chapitre étudie les mutations territoriales, examinant l’impact de la guerre civile (1975-1990) en termes de destructions et constructions, déclins et essors ainsi que polarisations communautaires, ségrégations spatiales et dégradations environnementales. Les auteurs y soulignent la concentration sur Beyrouth, « facteur essentiel d’organisation du territoire » (p. 91), alors que la périurbanisation gagne du terrain, mitant le littoral et densifiant les paysages ruraux, dans un contexte d’intervention étatique « partielle et timide ». Le chapitre cinq examine l’économie libanaise, mais n’arrive pas à proposer une analyse consistante des structures et dynamiques, à cause des données incomplètes dans un contexte où une grande partie de l’emploi est informel. Dans les chapitres six et sept, les auteurs étudient d’abord les niveaux de vie, les équipements et infrastructures de la société, soulignant « la polarisation au détriment des classes moyennes » ainsi que les inégalités territoriales (p. 137), analysant ensuite les politiques d’aménagement et d’équipement de la reconstruction d’après-guerre, notant comment les interventions des multiples acteurs concernés traduisent « l’expression [des] conflits et divergences qui prennent forme dans un corps social en mutation » (p. 153). L’Atlas se termine par une postface examinant les impacts territoriaux de la guerre d’Israël de 2006, rappelant aussi l’instabilité à laquelle est soumis le pays ainsi que sa dépendance sur l’aide internationale. En synthétisant des bases de données de sources diversifiées (publiques et privées, publiées et grises), cartographiées à plusieurs échelles et illustrées graphiquement, l’Atlas permet une lecture renouvelée des dynamiques et mutations territoriales au Liban ainsi que de leurs rapports au social et au politique – une contribution précieuse dans un contexte où la production de données et l’accès à l’information sont fortement contraints. Notons quand même l’absence de certaines informations essentielles telles la répartition géographique de la diaspora libanaise, la carte des quartiers informels et des camps palestiniens dans le Grand Beyrouth ou, plus simplement, la superficie du Grand Beyrouth. Reste que l’Atlas, par son biais méthodologique favorisant plusieurs échelles d’analyse et une approche historicisée privilégiant la dialectique territoire-politique, se place comme un ouvrage de référence pour les études urbaines.