Comptes rendu bibliographiques

LESEMANN, Frédéric et CÔTÉ, Jean-François (dir.) (2009) La construction des Amériques aujourd’hui. Regards croisés transnationaux et transdisciplinaires. Québec, Presses de l’Université du Québec, 388 p. (ISBN 978-2-7605-2348-7)[Notice]

  • Patricia M. Martin

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  • Patricia M. Martin
    Université de Montréal

Cet ouvrage est le fruit du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les Amériques (GIRA), un réseau de chercheuses et chercheurs ancré dans plusieurs universités francophones au Québec. Le titre ainsi que l’introduction annoncent un projet très ambitieux aussi bien sur le plan théorique qu’empirique. L’introduction propose notamment une réflexion sur une compréhension continentale des Amériques qui met l’accent sur les processus de transculturation, ainsi qu’une analyse transnationale de thèmes tels que la citoyenneté, l’espace public et la mobilisation sociale (p. 4-8). L’ouvrage se situe à la frontière entre les études régionales et la mondialisation. Il fait apparaître de manière implicite la « duplicité » de la mondialisation qui mobilise les frontières régionales autant qu’elle contribue à leur éclatement, remettant ainsi en cause l’ensemble des bases conceptuelles d’une approche régionale. Le livre est divisé en trois sections : Logiques institutionnelles et culturelles, Logiques d’interaction sociale et politique et Logiques d’actioncollective. Chaque section comprend une série d’interventions qui couvrent des thématiques extrêmement diverses. La deuxième section, par exemple, commence par une réflexion sur la complexité éthique et épistémologique de la recherche transnationale et interculturelle, se poursuit par une analyse des réseaux sociaux qui encadrent la construction active de « la cité » à Port-au-Prince, pour terminer par une analyse de la migration basée sur les récits de femmes colombiennes. Même si cette diversité de thèmes offre un riche portrait des processus qui construisent effectivement les Amériques d’aujourd’hui, elle apparaît aussi comme une grande faiblesse de l’ouvrage. Les fils conducteurs du livre se perdent en effet trop facilement dans cette disparité et il demeure difficile pour le lecteur de relier les textes entre eux. Dans l’ensemble, les chapitres qui concernent directement la question de l’intégration des Amériques (I, II, III, IX) sont les plus convaincants ; ils forment une base analytique très solide pour aborder les contenus institutionnel, géopolitique et même culturel de l’étiquette « les Amériques ». Tel que démontré par les auteurs, la signification de cette étiquette est construite d’une façon asymétrique, aussi bien par des institutions et intérêts hégémoniques que par des formes de résistance populaire. En ce sens, le livre aborde plusieurs thèmes importants de la géographie humaine, notamment la construction du territoire et les enjeux de pouvoir qui structurent un tel processus. En dépit des forces d’intégration qui animent les Amériques aujourd’hui, les grands basculements géopolitique et géoéconomique qui donnent forme au monde actuel (notamment l’essor de la Chine et des autres pays dits émergents) contribuent à remettre en cause tout type de projet continental. En effet, il faut se demander quel type de relations (hégémoniques et subalternes) les multiples territoires des Amériques entretiennent avec le reste du monde. Une réflexion claire sur cette question aurait certainement amélioré cet ouvrage collectif qui demeure – malgré certaines faiblesses – une contribution importante à la littérature scientifique sur les Amériques contemporaines.