Transformation de « l'urbain » et du « rural » et territorialité des sociétés contemporaines

Note liminaire[Notice]

  • Martin Simard,
  • Danielle Lafontaine et
  • Marie-Josée Fortin

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  • Martin Simard
    Université du Québec à Chicoutimi et Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT)
    Mgsimard@uqac.ca

  • Danielle Lafontaine
    Université du Québec à Rimouski et Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT)
    Danielle_Lafontaine@uqar.ca

  • Marie-Josée Fortin
    Université du Québec à Rimouski et Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT)
    Marie-Jose_Fortin@uqar.ca

Qu’on la qualifie de retour de l’espace ou de tournant géographique, la réhabilitation du territoire en sciences humaines et dans le domaine des études environnementales constitue un mouvement de fond, depuis plus d’une décennie (Lévy, 1999). Naguère associé au déterminisme, le territoire est maintenant jugé apte à porter un éclairage intéressant sur les sphères sociale et économique (Theys, 2002 ; Crozet et Lafourcade, 2009), notamment dans l’optique du développement durable. Ce mouvement ramène à l’avant-scène les recherches et pratiques liées au vaste champ de l’aménagement du territoire et du développement régional, champ que certains n’hésitent pas à désigner comme sciences du territoire (Massicotte, 2008). Toutefois, alors que les concepts fondamentaux d’espace et de territoire demeurent polysémiques et sont souvent indistinctement employés (Derycke, 2009), les dimensions « urbaine » et « rurale », auxquelles on se réfère pourtant fréquemment, se révèlent fort mal définies, autant dans la vie quotidienne qu’à l’intérieur du discours scientifique. Il s’agit donc de nous questionner à nouveau sur la territorialité des sociétés contemporaines, en particulier sur ce que deviennent les caractères urbain et rural associés aux territoires et aux phénomènes socioéconomiques et politiques. Ces deux concepts sont-ils encore pertinents aujourd’hui ? Selon certains analystes, dans le contexte de la mondialisation, un accroissement marqué des flux de biens et services, la forte mobilité des populations ainsi que des relations sociales canalisées par Internet et les réseaux sociaux viendraient gommer l’opposition rural urbain (Di Méo, 2010). Déjà mis à mal par les processus d’industrialisation et de modernisation des sociétés datant du XIXe siècle, l’urbain et le rural seraient même désormais des catégories en perte de sens, aux yeux de plusieurs. D’ailleurs, Debarbieux parle du « syndrome de Moctezuma » , en référence à l’urbain et au rural, pour décrire une situation où « les catégories de pensée en usage se révèlent malhabiles, sinon incapables, de rendre compte de la réalité qui advient » (2008 : 71) . Les huit contributions réunies dans le présent dossier éclairent, chacune à sa manière, cette question du devenir de « l’urbain » et du « rural » ainsi que les transformations de la territorialité. Elles le font dans un contexte marqué par des changements économiques et sociopolitiques d’envergure où la territorialité des sociétés contemporaines et des collectivités locales et régionales paraît être au centre de défis considérables, notamment en termes d’intégration et de cohésion sociale. Face à des transformations de vaste portée économique et sociale, mais également spatiale, une prise de distance face à ces deux catégories paraît s’imposer, d’où leur mise entre guillemets dans le titre de ce dossier spécial. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elles ne sont plus significatives. Des contributions rassemblées à l’intérieur du dossier défendent même l’idée contraire, ou soulignent l’émergence ou l’ajout de nouvelles catégories spatiales plus fines. Comme on le constatera, certains textes mettent l’accent sur des analyses que des pionniers des études régionales, urbaines et rurales québécoises ont formulées à propos du devenir de la ruralité et des phénomènes alors émergents associés à la formation de villes-régions ou de « communautés de vie » souhaitées plus autonomes sur l’ensemble du territoire. Pour leur part, d’autres contributions soulignent les difficultés à penser aujourd’hui les catégories conceptuelles diverses : urbain, rural, ville, campagne. Pourtant, quelles que soient les difficultés à définir ou à délimiter l’urbain et le rural, la plupart des États ont développé des catégories afin de caractériser et classifier des unités territoriales de plusieurs niveaux, les politiques et l’action publique y trouvant non seulement des fondements normatifs, mais y arrimant aussi des visées économiques ou politiques. Ces unités constituent-elles des entités qu’il est …

Parties annexes