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Ce recueil donne à lire un point de vue général du Québec contemporain. Il souhaite «servir à la fois d’introduction et de sources de références aux étudiants et enseignants désireux de s’initier à l’étude du Québec». Cette affirmation dresse la table du contenu du livre. Ce panorama, proposé par la directrice de l’ouvrage, ne s’adresse pas à des spécialistes et sans doute aucunement à des géographes avertis de la problématique culturelle et sociétale du Québec.

Ce livre illustre notre propension éditoriale à publier les actes du moindre colloque universitaire. Il fait sans doute partie d’une stratégie de mise en valeur du Québec dans la vague d’intérêt qu’il suscite à l’échelle du monde et de l’Amérique. Le Ministère des relations internationales du Québec a d’ailleurs été remercié pour «son importante subvention» dans l’avant-propos. Ceci étant posé, le livre propose cinq grands thèmes répartis en cinq chapitres, lesquels abordent successivement la problématique de l’héritage historique et de l’identité québécoise, les institutions et les questions sociales, les aspects culturels, la littérature et le cinéma au Québec, et enfin les sources d’information sur le Québec.

C’est de la première partie du livre que le géographe peut se nourrir. La contribution de l’historien Éric Bédard y resitue le débat d’idées qui entoure la pensée historiographique se penchant sur la modernité. Il s’intéresse à une lecture de la période précédant la Révolution tranquille. Il nous donne à réfléchir sur le manque d’études historiques sérieuses sur cette période qualifiée de «Grande Noirceur». Il souligne l’une des faiblesse des historiens québécois qui «trop souvent ont voulu comprendre ce lointain XIXe siècle à l’aune d’une problématique centrée sur le passage à la modernité matérielle». De son côté, l’article de Louis Balthazar, «La politique d’une société distincte et plurielle», apporte une réflexion sans complaisance sur la société québécoise. Il la montre inquiète, «encore fragile et hésitante». Pour l’auteur, la force de la société québécoise repose sur «un équilibre entre notre ouverture au monde, notre pluralisme interne et notre affirmation identitaire». Mais derrière ces belles déclarations, les faiblesses et les défis relevés sont nombreux. Les géographes analysent depuis un certain temps le défi démographique québécois. Comme le souligne le politologue, ce défi est à la «base de tout le reste». La faiblesse du taux de natalité impose une politique d’immigration, mais dans le même temps soulève tous les problèmes d’intégration. La marginalisation des allophones entraîne peu à peu la ghettoïsation montréalaise. Pour Louis Balthazar, l’essentiel est que les Québécois apprennent à s’ouvrir aux Autres, ces immigrants dont le Québec a tant besoin pour ne pas disparaître. Le défi identitaire est celui de maintenir l’équilibre entre une «identité qui s’enracine et une identité qui s’enrichit». Le défi le plus grand pour l’auteur est celui de l’éducation. Chaque jour on constate la justesse de sa vision. Une éducation interculturelle semble nécessaire à l’échelle du Québec et non pas seulement de sa métropole. Les valeurs fondamentales du Québec inclusif s’appuieront sur une jeunesse instruite, à l’esprit critique et novateur. D’ailleurs, dans la seconde partie, Marie-Christine Weidmann Koop brosse un tableau du système scolaire québécois et documente la problématique du décrochage scolaire en affirmant que 19,3% des personnes de 19 ans n’avaient pas de diplôme du secondaire ou ne fréquentaient pas l’école en 2000. Dans l’un des tableaux proposés, nous lisons l’immense écart entre les jeunes Autochtones et le reste de la population. Seuls 12,1% des cohortes d’Autochtones obtenaient un diplôme du secondaire en 1991, contre 61,7% de celles de langue française et 72,3% de celles de langue anglaise. Cette problématique des Autochtones est reprise dans l’article d’un ancien administrateur du Nouveau-Québec dans les années 1960. Toutefois, le géographe québécois risque de rester sur sa faim en lisant les propos d’Éric Gourdeau. C’est en fait le défaut principal de cet ouvrage que d’être une formation générale pas toujours convaincante. De plus, le choix de la photo publicitaire de la rue du Petit-Champlain pour la page de couverture ne colle pas avec la réalité de la société québécoise, mais donne une image touristique, et donc factice, du Québec d’aujourd’hui.

Restent la place éditoriale et la nécessité scientifique pour que les géographes culturels québécois s’attellent vraiment en profondeur à cette question: le Québec contemporain.