Comptes rendus bibliographiques

DONZELOT, Jacques (dir.) (2012) À quoi sert la rénovation urbaine ? Paris, Presses universitaires de France, 248 p. (ISBN 978-2-13-058148-2)[Notice]

  • João Carlos Monteiro

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  • João Carlos Monteiro
    Centre d’études et de recherches sur le Brésil, Université du Québec à Montréal

À quoi sert la rénovation urbaine ? C’est la question centrale du dernier livre dirigé par Jacques Donzelot, professeur de sciences politiques à l’Université Paris X Nanterre. On y présente quelques résultats d’une évaluation du Programme national de rénovation urbaine (PNRU), lancé par le gouvernement français en 2003 dans le but de promouvoir la transformation des banlieues populaires à travers une série d’actions telles que la promotion de la diversité fonctionnelle et l’installation des équipements publics, ainsi que la rénovation et la démolition de grands ensembles de logements occupés par des familles à faible revenu. Une réflexion sur la politique de mixité sociale, objectif déclaré du PNRU et de plusieurs autres programmes de rénovation, est mise en évidence dans le livre, ce qui contribue au débat autour du discours et de la pratique d’intervention publique dans l’espace urbain. La politique d’habitation fondée sur la construction de grands blocs de logements sociaux a été mise en pratique dans les années 1950 dans un contexte d’hégémonie du modernisme fordiste et de consolidation de l’État providence. D’une part, cette politique a garanti de façon presque immédiate l’accès au logement à la population affectée par la Seconde Guerre mondiale, en plus de promouvoir l’apaisement des tensions sociales. De plus, elle fournissait la reprise des activités productives en utilisant l’industrie de la construction comme tremplin pour créer des emplois et générer des retombées dans d’autres secteurs de l’économie. En moins de trois décennies, la France a développé le plus grand parc de logements sociaux en Europe occidentale, occupant principalement les banlieues de grandes villes, et dans de nombreux cas, constituant eux-mêmes de nouvelles municipalités. À la fin des années 1960, ce modèle de production de l’espace urbain et de provision de logements commence à faire l’objet de critiques à cause de l’homogénéité typologique, de la monotonie architecturale, de la perte de l’échelle humaine, de l’absence d’intégration avec la ville et, en particulier, en raison de la ségrégation spatiale qu’il a contribué à produire. En 1973, une directive du gouvernement français interdit la construction de nouveaux grands ensembles de plus de 500 logements, mettant fin à près de 30 ans de cette politique. Une décennie plus tard, l’idée de mixité sociale est promue par le discours officiel, ouvrant la voie à une nouvelle phase de la politique du logement qui, depuis, est devenue le leitmotiv pour différents projets d’intervention urbaine. Le livre est divisé en trois parties. La première, écrite par Jean-Claude Driant et Noémie Houard, analyse la conformation d’un consensus autour de la nécessité de démolition de grands ensembles et le processus de légitimation de l’idéologie de la mixité sociale. Les auteurs soutiennent que, d’un symbole d’une ère de prospérité, les logements sociaux en sont venus à être identifiés comme des espaces de « mauvaise réputation », un changement dans la perception collective qui se produit parallèlement à une transformation de la composition sociale des habitants. L’évasion de la classe moyenne – qui trouve l’accès à la propriété et à la location sur le marché privé – combinée à la permanence de familles ayant de plus grandes difficultés financières et à l’arrivée de populations étrangères à faibles revenus, fait émerger une image stigmatisée du logement social, ce qui renforce l’assimilation de ces quartiers populaires à des « ghettos ». Selon les auteurs, c’est dans ce contexte de surreprésentation des pauvres qu’a pris forme l’idéologie de la mixité sociale. La deuxième partie, écrite par Renaud Epstein, présente les caractéristiques et le fonctionnement du PNRU, qui annonce une transformation dans la politique urbaine française en changeant l’approche traditionnelle de type bottom-up pour un autre de type top-down …