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Pays étonnant et souvent mal connu, le Cameroun, ainsi nommé au XIXe siècle par les colonisateurs allemands qui lui conservèrent le nom de «rio dos Camarôes» qui lui avait été attribué par les navigateurs portugais, en raison de l'abondance des crevettes dans le voisinage de Douala. Doté d'une importante façade sur le golfe de Guinée, le pays s'étire sur plus de 1200 kilomètres et possède des climats et des végétations de type équatorial, des savanes arbustives et, vers le nord, des zones étendues de sécheresse endémique. Le français et l'anglais sont les deux langues officielles de cet État qui se compose de quelque 230 ethnies parlant autant de langues et dialectes. Indépendant depuis 1960, le Cameroun français d'alors s'est adjoint la partie méridionale du Cameroun anglais, tandis que le Nigeria héritait de la partie septentrionale.

Hildebert Isnard, en 1963, considérait que le pays était «bien doué géographiquement» et susceptible de constituer un État «viable». Pierre Gourou pour sa part, en 1970, tout en soulignant la disparité entre le «riche potentiel» de la région littorale et la «pauvreté du domaine intérieur», attribuait au Cameroun de grandes possibilités de développement. Qu'en est-il aujourd'hui?

Autosuffisant sur le plan alimentaire en raison de la diversité de ses productions et surtout, peut-être, grâce à la relative prospérité de son secteur pétrolier encore assez récent, le Cameroun progresse très lentement sur la voie du développement. Fortement endetté, exportant relativement peu, le pays présente de fortes inégalités sociales; seule une très faible minorité des quinze millions d'habitants vit dans l'aisance. Le taux de chômage se situe à près de 25% et les indicateurs de pauvreté sont élevés dans la majorité des campagnes, villages et villes.

L'ouvrage du Camerounais Basile Kenmogne, d'abord présenté comme thèse de doctorat en sciences politiques à l'Université de Leipzig, décrit et évalue l'action des «Volontaires du Progrès» au Cameroun entre 1964 et 2000. Ce faisant, il contribue utilement à la connaissance de la situation de cet État d'Afrique centrale dont le développement, soutenu principalement par la France, a relativement peu progressé et, surtout, ne s'est pas jusqu'ici étendu à l'ensemble de la population. L'analyse fait ressortir les aspects positifs, humanitaires en définitive, de l'action volontaire qui s'insère entre les institutions d'État et les entreprises. Elle ne manque pas d'en souligner les limites lorsque, comme c'est souvent le cas, la politique officielle et l'action de l'État n'épaulent pas le volontariat et, souvent, le contredisent et en annulent les effets bénéfiques. Le volontariat a réussi principalement auprès des communautés villageoises, en contribuant à régler des problèmes de logement, de santé et d'approvisionnement en eau potable. Il a également favorisé l'apprentissage de connaissances ou de techniques plus ou moins spécialisées. Le succès de l'intervention des volontaires repose étroitement sur leur motivation, leur compétence et leur expérience déjà acquise, fort variable suivant les individus. Pour être efficace, l'intervention doit être bien préparée auprès des populations et des groupes visés qui, normalement, doivent la souhaiter et en concevoir l'utilité, sinon la nécessité. Ces conditions n'ont pas toujours été réunies au Cameroun. Le volontariat international a souvent pour conséquence négative le peu d'efforts déployés par les autorités, locales et régionales, dans la formation des artisans nationaux de leur propre développement: enseignants, techniciens, cadres, chercheurs. Ces derniers, ne trouvant pas dans leur pays les conditions favorables à leur formation, vont souvent se former dans les pays plus avancés sur le plan technologique et scientifique et sont, souvent, tentés d'y demeurer et d'y faire carrière.

S'il a pu mener à bien des interventions localisées et ponctuelles, assurément utiles à court terme, le volontariat doit surmonter son principal obstacle, celui de l'insertion dans la longue durée, le progrès humain continu et, somme toute, le développement durable. Ce dernier relève de la politique nationale, de la collaboration entre l'État et les entreprises et de l'utilisation judicieuse de l'aide internationale sous toutes ses formes, humaines et matérielles.