Comptes rendus bibliographiques

AUNIS, Émilie, BENET, Joachim, MÈGE, Arnaud et PRAT, Isabelle (dir.) (2016) Les territoires de l’autochtonie. Penser la transformation des rapports sociaux au prisme du « local ». Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 142 p. (ISBN 978-2-7535-4888-6)[Notice]

  • André JOYAL

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  • André JOYAL
    Centre de recherche en développement territorial, Trois-Rivières (Canada)

Avec un tel titre, cet ouvrage ne gagnerait pas un prix en matière de marketing s’il devait en exister un. Toutefois, la référence au « local » dans le sous-titre, contribue à fournir une certaine idée du contenu. La quatrième de couverture offre, au lecteur l’ayant en main en librairie, de précieuses informations. On y lit : « Être du coin, venir d’ici, être du cru, être un enfant du pays ». Cette dernière image me rappelle mon enfance, quand nous allions à Saint-David-de-Yamaska à la maison paternelle où est né mon grand-père. La vieille tante qui nous accueillait disait toujours : « Bienvenue dans le pays ! » Voilà qui peut rassurer le lecteur québécois qui, en effet, s’y retrouvera. Cet ouvrage auquel ont participé onze auteurs, dont neuf sont des doctorants (six en sociologie et un en géographie), comprend sept chapitres se rapportant en majorité au monde rural français. Sans surprise, on nous apprend qu’il a pour origine un colloque tenu à Poitiers, en mai 2013, et placé sous l’égide du Groupe de recherches sociologiques sur les sociétés contemporaines (GRESCO). Des quatre responsables de l’ouvrage, seule Aunis possède un doctorat et était post-doctorante à l’Université Laval au moment de la publication. Les concepts d’autochtonie et de capital d’autochtonie (ce dernier étant ici abondamment utilisé) ne feront pas florès au Québec. Dans l’introduction générale, on signale leur très faible utilisation en géographie. J’ajouterais : pas du tout en économie. En fait, je n’ai jamais rencontré ces concepts durant les quelque 40 ans de lecture en sciences humaines. Au chapitre IV on lit que « l’inscription locale des trajectoires professionnelles est au coeur des travaux fondateurs du concept de capital d’autochtonie ». Son auteur poursuit en précisant que ce concept « constitue un principe de différentiation interne aux classes populaires, accordant des chances inégales d’accès à certains statuts sociaux (comme se faire élire à un conseil municipal) ». Pour ce qui est d’« être du coin », l’auteur fait allusion à l’origine sociale et familiale d’un individu. Pour sa part, l’auteur du dernier chapitre ne manque pas d’ajouter que le capital d’autochtonie « apparaît comme une ressource stratégique mobilisée par les acteurs dans l’accès au pouvoir local et à la gestion des affaires communales ». On aura compris que ce vocable « savant » ne se rapporte à rien d’autre que la réputation ou la crédibilité dont jouissent ou ne jouissent pas des citoyens d’une petite localité où tout le monde se connaît. Il est donc question, dans cet ouvrage, de problématiques familières des deux côtés de l’Atlantique : entre autres, la production de spécialités dites de terroir, la mise en place d’éoliennes, l’agriculture biologique, l’apport positif ou négatif des néoruraux. Les chapitres qui s’y réfèrent ont bénéficié de mon attention. Inutile d’insister donc sur le chapitre I traitant de la pratique des disciplines du hip-hop dans des quartiers populaires qui se comparent mal au quartier Centre-Sud de Montréal ou au quartier Saint-Roch de Québec. Il en va autrement avec le chapitre où l’auteur rapporte les propos de néoruraux ayant du mal à trouver leur place parmi les « gens du coin ». On comprendra les réticences que ces nouveaux arrivants suscitent en s’identifiant comme des opposants au modèle productiviste en vigueur. Leur statut d’« étranger » leur colle à la peau. Le chapitre V m’a particulièrement intéressé pour les souvenirs qu’il m’a rappelés lorsque je m’intéressais à ce qu’on désignait dans les années 1980 sous l’étiquette d’« économie alternative » (Lévesque et al., 1989). À la même époque, en France, on parlait de « vivre et travailler autrement …

Parties annexes