Comptes rendus bibliographiques

CRAEMER, Ute et KELLER IGNACIO, Renate (dir.) (2016) Transformer est possible ! Comment une favela au Brésil est devenue une association communautaire : Monte Azul entre défis et conquêtes. Paris, L’Harmattan, 264 p. (ISBN 978-2-343-07229-6)[Notice]

  • André JOYAL

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  • André JOYAL
    Centre de recherche en développement territorial, Trois-Rivières (Canada)

Quand on pense Brésil les mêmes mots-clés viennent à l’esprit : samba, futebol (avec Pelé), Rio (le Sacré-Coeur et le Pain de sucre) et, bien sûr, favelas. C’est à une de ces dernières, à Belo-Horizonte, que je dois ma première invitation comme professeur invité,  en 1992. Celle dont il s’agit ici, Monte Azul, se trouve à São Paulo et donnera son nom à une association communautaire fondée en janvier 1979 à l’instigation d’Ute Creamer, une Allemande qui fut professeur de langues et traductrice avant de prendre pied à long terme dans un Brésil alors sous le joug d’une dictature militaire. Évidemment, l’importance des favelas est fonction de la pauvreté dans un pays reconnu comme l’un des plus inégalitaires au monde (les progrès dans la lutte contre la pauvreté, réalisés lors des deux mandats de Lula, sont compromis par la crise politicoéconomique en vigueur depuis deux ans). Le soleil permet de survivre dans des abris de fortune s’avérant ainsi une condition nécessaire, mais non suffisante. Il faut aussi de l’eau. Comme le montre avec éloquence une photo, l’existence d’une source d’eau potable a servi d’attrait aux « damnés de la terre » venant des États du Nordeste, du Minas Gerais et du Paraná. Quand Ute Creamer y mit les pieds une première fois, elle fut accueillie dans un bourbier où les baraques, les unes sur les autres, n’étaient que des assemblages de bouts de bois séparés par de menus espaces déambulatoires servant à l’évacuation des égouts. Oui, tout était à faire. Le témoignage d’une résidante le révèle : « Dans ma baraque, il y avait deux portes : une par où l’eau entrait, l’autre par où l’eau sortait. Après une averse, il ne restait que de la boue, des morceaux de bois, des rats morts, les casseroles de la voisine. » L’histoire de Monte Azul commence par une question : as-tu quelque chose à donner ? Celle qui, effectivement, a beaucoup donné évoque un proverbe hindou : « Si tu as deux pains, garde l’un pour manger et donne l’autre : ainsi germera une fleur. » Personnellement, je préfère le proverbe chinois appris lors de mes études à l’Université Laval, au début des années 1960 : « Si tu me donnes un poisson, demain j’aurai encore faim. Si tu m’apprends à pêcher, je n’aurai plus jamais faim. » Alors, il vaut mieux montrer à faire du pain plutôt qu’en donner, mais encore faut-il aussi avoir la farine… Le travail d’Ute Creamer a pris appui sur la pédagogie anthroposophique (la science de l’esprit attribuable à la pensée du Suisse Rodolf Sterner, 1861-1925) et sur une conception de la médecine également imprégnée d’anthroposophie. Le tout s’ajoutant à de solides convictions – basées sur des valeurs chrétiennes – va permettre le développement de Monte Azul. On peut lire que Sterner propose une étude approfondie de l’être humain, de la terre, de l’histoire du monde, du cosmos, basée sur le fait que tout organisme vivant possède aussi bien un aspect physique que matériel (…) qui est le monde psychospirituel. C’est ce qui va entretenir la flamme tout au long des années. À savoir : un ensemble de valeurs qui s’expriment à travers une mission et se concrétisent par des actions quotidiennes (p. 189). L’ouvrage comprend 10 chapitres faisant appel parfois à divers intervenants. Les titres des chapitres et de leurs sections se veulent évocateurs, tels L’art social, Décider en groupes, Comment vivre avec la violence, Entre malheur et espérance, Le travail communautaire, La Participation. Mais, au Brésil peut-être plus qu’ailleurs, la vie se situe bien loin d’un long fleuve …

Parties annexes