La transition énergétique (TE) est au coeur de nombreux débats aux niveaux international et national, car il semble aujourd’hui incontournable de répondre à l’urgence climatique et de définir des solutions de rechange à l’usage des ressources fossiles. Ce défi pousse les nations, mais aussi les territoires infranationaux, à définir des stratégies plus ou moins contraignantes ; une panoplie de politiques et de mesures ont ainsi été mises en place. La transition énergétique en chantier vise, par des contributions de différentes disciplines, à mettre en question les configurations institutionnelles et territoriales dans lesquelles ces actions ont vu le jour et à analyser les liens entre production énergétique, retombées territoriales et choix stratégiques. Les auteurs de ces contributions se rejoignent dans leur volonté de montrer que les systèmes énergétiques sont ancrés territorialement et que les changements dans le domaine de l’énergie ne peuvent faire fi des caractéristiques locales, soient-elles institutionnelles, économiques, sociales, etc. En outre, la plupart des auteurs se réfèrent aux travaux de Amory B. Lovins, qui identifiait deux trajectoires des systèmes énergétiques : celle s’appuyant sur des dispositifs centralisés de production d’énergie à haute intensité capitalistique (hard path) et celle reposant sur des dispositifs décentralisés d’énergies renouvelables (soft path). Dans le premier chapitre, René Audet analyse les discours sur la TE et par là-même les concepts développés et véhiculés sous ce terme. Cette réflexion lui permet de dissocier la vision descendante, où l’État est considéré comme un moteur des changements et la technique comme le moyen de trouver des solutions viables, et une vision plus ascendante, où les acteurs locaux agissent en fonction des spécificités de leur territoire. Toutefois, dans la lignée des sustainability transition studies (Grin, Geels, Shot…), des voies médianes existent selon les contextes sociaux et les pratiques. Olivier Labussière propose d’étudier les nouveaux collectifs sociotechniques en émergence dans les processus de TE. Outre les potentiels technologiques, cette approche intègre l’attachement, l’appropriation et le partage de la ressource, les acteurs humains et non humains à l’oeuvre et les nouvelles spatialités et temporalités. Éric Pineault illustre la « pression à extraire » pour expliquer les choix politiques d’exploitation des hydrocarbures extrêmes au Québec. Ainsi en lien avec la théorie d’économie politique des staples, il explique la manière dont des forces convergentes (investissements importants et temps d’amortissement longs, ancrage méso et macro de la filière, dépendance sociale et économique des territoires…) induisent la capture de l’État par les secteurs extractifs et poussent de fait à la primarisation ou reprimarisation d’une économie comme celle du Canada. Le chapitre d’Aurélien Évrard compare les politiques de TE de l’Allemagne et de la France, estimant qu’elles sont le résultat de représentations particulières qui induisent des arrangements institutionnels et des configurations spécifiques. Loin d’un constat manichéen opposant un modèle à l’autre, il montre au contraire les ajustements successifs et les arbitrages faits en fonction d’intérêts contradictoires, d’événements majeurs non prévus, etc. Dans cette veine comparative, Évariste Feurtey présente les résultats d’une recherche doctorale sur les mécanismes financiers et légaux déployés en France et au Canada pour soutenir les énergies renouvelables. Il se questionne sur leur efficacité selon trois types d’efficacité (capacité installée, coûts pour la société, acceptabilité sociale). Yann Fournis et Marie-Josée Fortin étudient la trajectoire suivie par le Québec en reprenant en partie le schéma théorique des sustainability studies et en distinguant les évolutions aux niveaux de la niche d’innovation de la production éolienne, du régime sociotechnique et du paysage. Ils démontrent le lien fort avec le régime hydro qui a structuré et continue de structurer les politiques énergétiques, industrielles et territoriales du Québec. La naissance et l’ajustement du …
Parties annexes
Références
- CIHUELO, Jérôme, JOBERT, Arthur et GRANDCLÉMENT, Catherine (dir.) (2015) Énergie et transformations sociales. Enquêtes sur les interfaces énergétiques. Paris, Lavoisier.
- RAINEAU, Laurence (2011) Vers une transition énergétique? Natures Sciences Sociétés, vol. 19, no 2, p. 133-143.
- SCARWELL, Helga-Jane, LEDUCQ, Divya et GROUX, Annette (dir.) (2015) Réussir la transition énergétique. Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.
- SZARKA, Joseph (2007) Wind power in Europe: Politics, business and society. Basingstoke, Palgrave Macmillan.