Comptes rendus bibliographiques

VITI, Fabio (dir.) (2016) La Côte d’Ivoire et ses étrangers. Paris, L’Harmattan, 278 p. (ISBN 978-2-343-08366-7)[Notice]

  • Athanase BOPDA

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  • Athanase BOPDA
    Universités U.F.R. Lettres et Sciences Humaines, Université du Havre, Laboratoire CIRTAI, Le Havres (France)

En 267 pages de réflexions bien senties sur un sujet toujours délicat, à savoir l’étranger, l’ouvrage rédigé sous la direction de Fabio Viti livre un tableau intéressant d’une question complexe : la Côte d’Ivoire et ses étrangers. Le lecteur se trouve d’entrée de jeu clairement informé du centre d’intérêt du collectif des 10 auteurs qui ont chacun produit un chapitre, tantôt sur l’étranger en Côte d’Ivoire, tantôt sur l’étranger dans le discours public. Au début de l’introduction, un cadre géographique précis est signalé : le pays, espace matériel, physique et concret. En même temps, le discours public, espace immatériel, abstrait et invisible par excellence, est indiqué comme autre domaine d’exploration par les auteurs de l’ouvrage. En effet, face à la profusion de pensées que propose l’étrange étranger en Côte d’Ivoire, le collectif écartelé entre de multiples plans du sujet aurait-il volontairement ouvert et livré un chantier inachevé, à charge pour le lecteur de reprendre ou continuer les réflexions à son tour ? La tâche, en soi, est compliquée. Évoquée d’entrée de jeu, une des préoccupations du livre est de rendre compte des multiples façons individuelles et collectives dont le pays sidéré s’y prend pour faire et défaire l’étrange, l’étranger et l’étrange étranger. Ce n’est qu’une figure instrumentalisée, avancent les auteurs d’une bonne moitié des textes. Les contours des instrumentalisations sont évoqués. Mais l’ouvrage collectif en vient-il réellement à faire considérer finalement toute la Côte d’Ivoire comme une simple « société des sociétés » ? Tous et tout seraient-ils ici étrangers les uns aux autres sans que l’idée inverse n’ait une moindre chance d’être fondée ? C’est que, entre autres, deux postulats hantent le document, tant dans son ensemble qu’en ses multiples parties: le pays, la Côte d’Ivoire, n’a rien d’étranger et, l’étranger existe bien en Côte d’Ivoire ; mais pouvait-il en être autrement ? L’étranger n’est qu’une figure, affirment les uns ; l’étranger est plus qu’une figure en Côte d’Ivoire, subsument les autres. Alors, peuvent fleurir des propositions de définitions et des descriptions serrées d’attitudes propres vis-à-vis des figures pourtant tout aussi variables et plurielles d’étrangers que ces étrangers sont eux-mêmes multiples. C’est que, à en parler comme si l’objet en soi allait de soi, l’essentialisme sous-jacent qui le substantialise piège certains auteurs au point de rendre captif le lecteur qui ne s’interrogerait pas. Alors, terminus ad quem et terminus ad quo ? L’étranger dont il est question est-il daté et, si c’est le cas, existe-t-il un effet de contexte amenant à parler des étrangers ici comme existant depuis toujours ou seulement depuis que la Côte d’Ivoire existe ? Différents textes de l’ouvrage montrent que l’étranger en tant que non-national n’épuise ni le champ sémantique du terme ni celui des représentations que s’en font les Ivoiriens ou ceux qui les observent. Fort heureusement, plusieurs contributions à l’ouvrage mettent en question l’instrumentalisation politique ou politicienne de la figure de l’étranger. Sous le titre Ethnicité politique et rapports d’altérité dans le sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, Alfred Babo place l’étranger au centre des luttes pour le pouvoir en Côte d’Ivoire. S’interrogeant sur les relations des autochtones ivoiriens avec les étrangers de leur pays, il postule que la philosophie houphouëtiste s’était ingéniée à éviter que l’appartenance nationale n’apparaisse comme une frontière à l’intégration nationale. Ce que l’irruption de l’« ivoirité », voire l’« akanité », déconstruira après la mort du président du Parti démocrate de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), sous Bédié et les autres. C’est que, ici comme ailleurs, la présence, le rôle et la place de l’étranger en Côte d’Ivoire donnent à voir le comportement d’acteurs partageant une …