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Contexte et objectifs

Les politiques de transport se trouvent aujourd’hui confrontées à l’un des principaux défis de la ville du XXIe siècle. Dans une optique de développement durable (Banister, 2008), elles doivent satisfaire les besoins de mobilité des individus (défi social) tout en intégrant les contraintes environnementales (défi environnemental), mais également l’appétence pour le développement et l’aménagement des territoires urbains et périurbains (défi économique). Dans ce contexte, le concept d’accessibilité et notamment d’accessibilité gravitaire, mérite d’être utilisé avec de nouvelles perspectives. En reflétant l’organisation spatiale et la qualité du système de transport offert aux personnes vivant dans différentes zones de l’agglomération, l’accessibilité spatiale devient un indicateur de la distribution sociale de l’accessibilité. L’accessibilité, ou possibilité de participer à des activités localisées en différents points du territoire (Geurs et van Wee, 2004) n’est pas, en effet, répartie de façon homogène. Ceci est encore plus vrai lorsque se profilent, notamment du fait de contraintes environnementales, des politiques publiques visant à accroître le coût de la mobilité urbaine, notamment de « l’automobilité ».

Notre travail s’intéresse à la prise en compte des enjeux sociospatiaux relatifs aux impacts de changements de coûts de la mobilité quotidienne sur les niveaux d’accessibilité en milieu urbain (Thériault et al., 2008). En considérant des mesures d’accessibilité gravitaire aux emplois (Levinson, 1998 ; Vickerman et al., 1999 ; Straatemeier, 2008) appliquées à l’agglomération lyonnaise, cette recherche propose un double éclairage des politiques de transport. Pour cela, nous présentons dans un premier temps la plateforme de modélisation et de simulation MOSART, qui nous servira de base dans la suite du travail. Puis nous justifions notre préférence pour un indicateur d’accessibilité gravitaire. Sur ces bases, nous nous intéressons ensuite aux impacts de différentes politiques de transport sur l’accessibilité spatiale, depuis les différents « quartiers » de l’agglomération. L’objectif est ainsi d’analyser, à partir de cartes d’accessibilité, les zones gagnantes et perdantes. Deux grands types de politique de transport sont envisagés :

  • La première politique mesure l’impact de la mise en place d’un péage urbain sur l’accessibilité des automobilistes, en fonction de leur zone de résidence. Différentes formes de péage sont envisagées, considérant des périmètres différents (centre-ville, communes de Lyon et Villeurbanne, Grand Lyon). Quels sont les effets d’un accroissement du coût monétaire des déplacements automobiles à destination du centre-ville sur le niveau de trafic et, par conséquent, sur le niveau d’accessibilité pour les automobilistes ? Que signifie le recours à un prix signal afin que les automobilistes dont le seuil du consentement à payer est inférieur au prix du péage ne circulent plus dans la zone, permettant ainsi aux autres automobilistes de bénéficier de temps de parcours plus performants ?

  • Compte tenu des effets d’éviction du péage, nous testons, parallèlement au péage urbain, les effets d’une amélioration de l’offre de transport collectif. Quels sont les effets, en termes d’accessibilité gravitaire, de l’extension d’une ligne de métro et de trois lignes de tramway ainsi que de la création de deux lignes de transport en commun en site propre dans la première couronne ?

Si l’accessibilité spatiale renvoie à l’accès aux fonctions urbaines grâce à l’utilisation d’un réseau de transport, elle ne doit pas masquer la question de l’accessibilité sociale, qui intègre notamment les inégalités individuelles dans l’accès aux fonctions urbaines (CERTU, 2004). Ces inégalités sociales d’accès trouvent leur origine dans la localisation des différentes catégories socioprofessionnelles de la population et leur proximité des différents réseaux de transport. Elle s’inscrit également dans la perception et la sensibilité à l’égard du coût de déplacement.

Revue de la littérature

Une définition de l’accessibilité, dans son acception générale, est donnée par Morris et al. (1978). L’accessibilité peut être définie comme une mesure de la séparation spatiale des activités humaines. Elle traduit la facilité avec laquelle les activités peuvent être atteintes étant donné un lieu d’origine et un système de transport. La notion de déplacement et de temps qui accompagne la notion d’accessibilité se double d’une notion de densité et d’espace. Le système de transport n’a d’intérêt que parce qu’il permet d’atteindre des opportunités dispersées dans l’espace ou le temps (Straatemeier, 2008). La question de l’accessibilité est ainsi fortement corrélée avec celle des choix de localisation (Levinson, 1998) et in fine de la structure urbaine (Song, 1996). Si le niveau d’accessibilité est fonction de la structure du système de transport et de l’organisation spatiale, il influence les dynamiques territoriales et les configurations spatiales, particulièrement en milieu urbain (Cervero et al., 1999). Au-delà, favoriser l’accessibilité peut être envisagé comme un levier de développement économique (Vickerman et al., 1999), de réduction des inégalités sociales (Preston et Rajé, 2007) ou encore de limitation des nuisances environnementales (Bertolini, 1999). Dans ce contexte, l’accessibilité devient un enjeu majeur des politiques publiques en termes de transport et d’aménagement du territoire (Halden, 2002).

De nombreux travaux se sont ainsi attachés à mesurer l’accessibilité afin d’orienter la décision publique ou d’en évaluer les politiques de transport et d’aménagement du territoire. À une échelle interurbaine, l’accessibilité est envisagée à partir des infrastructures de transport structurantes dans une optique de développement économique et de réduction des inégalités spatiales (Linneker et Spence, 1992 ; Martin et al., 2004 ; Holl, 2007 ;Vandenbulcke et al., 2009 ; Gutiérrez et al., 2010).

S’il existe une abondante littérature sur l’accessibilité à l’échelle nationale ou régionale (Spence et Linneker, 1994 ; Cervero et al., 1999 ; Geurs et Ritsema Van Eck, 2001 ; Geurs et van We, 2004 ; Straatemeier, 2008 ; Reggiani et al., 2010 ; Hou et Li, 2011), les travaux sur l’accessibilité en zone urbaine – ou intramétropolitaine – sont plus rares (Koenig, 1980 ; Bhat et al., 2001 ; Holl, 2007) et à l’exception de Ramjerdi (2006), aucun ne mesure les conséquences du péage urbain sur l’accessibilité. Les travaux de Ramjerdi s’intéressent ainsi à l’impact de la mise en place d’un péage urbain sur l’accessibilité à Oslo. Ils mettent en question l’influence d’un péage urbain sur l’équité en s’intéressant notamment aux bénéfices en termes d’accessibilité et de revenus tirés par différents groupes sociaux à la suite de la mise en place d’une telle politique.

Une analyse en termes d’accessibilité est menée à l’échelle métropolitaine par Apparicio et al. (2007) afin de localiser la présence d’éventuelles zones pauvres en commerces d’alimentation au sein de l’Île de Montréal dans une problématique de santé publique. L’accessibilité est mesurée à l’échelle des quartiers composant les différentes municipalités et les 19 arrondissements de la ville de Montréal, qui composent l’île. De même, le territoire de Montréal a fait l’objet d’une analyse en termes d’accessibilité aux cliniques médicales (Ngui et Apparicio, 2010). L’accessibilité est mesurée à partir d’un découpage spatial du territoire en plus de 3500 zones comprenant chacune entre 400 et 8000 habitants. Dans les deux études sur l’île de Montréal, les résultats d’accessibilité sont calculés par minimisation de la distance sur le réseau routier, parcourue à pied. Ils sont illustrés cartographiquement pour chacune des zones de l’île. De même, Iacono et al. (2011) proposent des mesures d’accessibilité gravitaires aux emplois, restaurants et commerces de détail en milieu urbain, mais en considérant uniquement les modes non motorisés (marche et vélo). Cette particularité leur permet d’évaluer approximativement le temps de déplacement par la distance sur le réseau. Ces travaux sur l’aire d’étude de Montréal font suite à de précédents travaux visant à mesurer l’accessibilité aux équipements (culturels, sportifs, récréatifs, services de santé, supermarchés…) pour les populations montréalaises résidant en habitation à loyer modique (Apparicio et Séguin, 2006).

Parmi les différents types d’opportunités, les articles abordant la question de l’accessibilité aux emplois sont les plus nombreux. Vandersmissen (2003) analyse ainsi l’impact des facteurs de mobilité quotidienne sur l’accessibilité aux emplois et in fine sur la cohésion urbaine à l’échelle de l’agglomération urbaine de Québec. Par la suite, Vincens et al. (2007) s’intéressent plus particulièrement à l’emploi des femmes. Wengleski (2004), Korsu et Wengleski (2010) explorent les liens entre accessibilité, localisation et chômage de longue durée. Pour des travaux s’intéressant à l’Île-de-France, les données disponibles à l’échelle des ménages permettent une analyse fine à l’échelle communale ou infracommunale. Caubel (2006) a mobilisé l’indicateur d’accessibilité pour mettre en évidence les différences sociospatiales générées par les politiques de transport à l’échelle urbaine de l’agglomération lyonnaise. Ses travaux rendent comptent des potentialités d’accès au marché de l’emploi (observé et potentiel) et aux paniers de biens pour ces groupes sociaux, à partir d’une analyse infracommunale. Grengs (2010) et Raux et al. (2008) appliquent des mesures d’accessibilité gravitaire aux emplois en voiture particulière, respectivement à l’échelle d’une région urbaine américaine et d’une agglomération française, et montrent les disparités d’accessibilité aux emplois en fonction des zones de la ville, du mode de déplacement et du type d’emploi occupé, et ce, pour une période donnée.

Le nombre limité de travaux sur l’accessibilité en zone métropolitaine et la mise en oeuvre de sa mesure soulignent la difficulté d’une étude en milieu urbain. En effet, cette échelle d’analyse impacte les trois composantes de l’accessibilité que sont les coûts monétaires, les coûts temporels et le nombre d’opportunités atteintes. Tout d’abord, les activités doivent être localisées précisément, voire géolocalisées à l’adresse, pour tenir compte du découpage de la ville en différentes zones ou quartiers. L’estimation des coûts monétaires sera d’autant plus proche de la réalité que la distance pour atteindre une opportunité sera précise (Iacono, 2010). De même, l’hétérogénéité de l’offre de transport doit être retranscrite au sein même des différents quartiers (Holl, 2007). Enfin, un découpage spatial fin doit pouvoir être effectué afin de localiser les activités à une échelle pertinente pouvant varier en fonction du type d’opportunités considéré (Kwan et Weber, 2008). L’accessibilité aux emplois sera plutôt analysée à l’échelle de l’arrondissement tandis que l’accessibilité aux commerces de détail sera envisagée à l’échelle du quartier. Une telle approche permet de limiter les effets d’une agrégation des opportunités dans des zones non homogènes ainsi que les effets des opportunités internes aux zones d’origine. Ces questions sont également illustrées par Ramjerdi (2006) sur le cas du péage à Oslo. En dépit d’une baisse généralisée du niveau d’accessibilité résultant de la mise en place du péage, elle souligne que les résultats sont affectés par la taille des zones.

Cette revue de la littérature sur le thème de l’accessibilité permet de délimiter le champ de notre étude au regard des travaux antérieurs, mais également de souligner son aspect novateur, tant au regard de la thématique de l’évaluation des politiques de transport en zone urbaine – et du type de politique simulée, à savoir notamment le péage urbain –, que de la finesse de notre découpage spatial et du niveau d’analyse.

MOSART : une plateforme pour modéliser l’accessibilité aux réseaux et aux territoires

Dans un contexte de mobilité durable où l’intégration des contraintes spatiales, environnementales et sociales se double d’une nécessaire analyse interactive entre politiques de transport et d’urbanisme, le Laboratoire d’Économie des Transports développe l’outil MOSART (Modélisation et Simulation de l’Accessibilité aux Réseaux et aux Territoires) depuis 2005. Cette plateforme de modélisation vise, à terme, à répondre à trois objectifs principaux :

  • La modélisation et la simulation des flux de déplacements, en considérant différents réseaux de transport (réseaux routiers, de transport en commun à l’échelle urbaine et interurbaine) ;

  • La comparaison de différents scénarios de politiques de transport et d’urbanisme ;

  • La présentation de résultats cartographiques à travers une application webmapping et un site Internet.

MOSART Version 1 : un système d’information géographique

Les calculs d’accessibilité aux emplois sont menés en mobilisant la plateforme de modélisation MOSART, qui a été initialement créée comme un système d’information géographique (SIG) voué à l’analyse des réseaux de transport. Deux types de bases de données, présentes dans l’outil MOSART V1, sont utilisés dans cette recherche : les réseaux de transport et les données socioéconomiques. Le réseau routier, reconstitué à partir de la base NAVTEQ, se compose de plus de 90 000 noeuds et de 220 000 liens. Une typologie du réseau routier a été mise en place en fonction du nombre de voies, de la vitesse, du type de voie et des zones urbaines ou non. En outre, chacune des lignes de bus, de métro et de tramway composant le réseau de transport en commun urbain est caractérisée par ses différentes stations, sa vitesse commerciale, sa fréquence et ses correspondances. De même, le réseau ferré régional (réseau TER) est intégré, avec 10 lignes ferroviaires desservant l’agglomération. Les fiches horaires des différentes lignes de transport en commun (urbain et interurbain) ont été intégrées en considérant les fréquences selon les différentes périodes de la journée. Les travaux présentés dans cette recherche portent sur la période de pointe du matin (entre 7h et 10h). MOSART intègre également le système de vélos en libre-service Vélo’v, avec 340 stations. Parallèlement aux réseaux de transport, le SIG s’appuie sur des données socioéconomiques issues principalement des recensements de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). L’analyse de données issue de MOSART Version 1 se concentre sur une approche temporelle par des mesures isochrones de l’accessibilité.

MOSART Version 2 : un outil de modélisation des politiques de transport et d’aménagement du territoire

Dans la seconde version, mise au point depuis 2009, la politique MOSART s’est enrichie d’un modèle de transport permettant des calculs de temps de déplacement plus précis : un modèle de transport à quatre étapes, développé avec VISUM, un logiciel de planification et de modélisation de la demande de transport (bonnafouset al., 2011). Ce modèle intègre l’impact des niveaux de circulation et de congestion automobile de chacun des tronçons sur le temps de parcours et le degré d’accessibilité. Le modèle est calibré sur une période de pointe du matin (7h – 10h).

La mise en oeuvre conjointe du module SIG, de celui de l’aménagement du territoire et du modèle de transport vise à conduire des analyses spatiales de type gravitaire à une échelle très détaillée. L’aire d’étude est ainsi divisée en un quadrillage de 4344 zones variant de 250 m à 2 km de côté en fonction de leur localisation au centre ou en périphérie. Une division spatiale fine permet de limiter le nombre d’opportunités internes aux zones qui ont un impact sur les résultats d’accessibilité, comme l’illustrent différents travaux traitant de la problématique du self-potential (Frost et Spence, 1995 ; Gutierrez et al., 2010).

Présentation de l’aire d’étude

L’outil MOSART est appliqué sur le périmètre de l’aire urbaine de Lyon (3350 km2). Cette aire d’étude est envisagée à partir de trois territoires « emboîtés » que sont le centre (communes de Lyon et Villeurbanne), le Grand Lyon et, enfin, l’aire urbaine. Au total, plus de 1,7 million d’habitants (INSEE, recensement 1999) dont 765 000 actifs (ci-après « les actifs ») et 800 000 emplois sont intégrés dans nos travaux.

L’intérêt de l’aire urbaine de Lyon comme périmètre d’étude réside dans la structure de localisation de la population et des emplois, représentative des villes européennes. La densité d’emplois est la plus élevée au centre, avec plus de 10 000 par km2. De fait, respectivement 42 % et 82 % des emplois sont localisés au centre (communes de Lyon et Villeurbanne) et dans le Grand Lyon contre 34 % et 75 % de la population.

Considérations méthodologiques : le choix d’une mesure gravitaire de l’accessibilité

Généralités

Dans cette recherche, l’outil MOSART est utilisé pour mesurer l’accessibilité gravitaire en milieu urbain. L’accessibilité peut être définie comme une mesure de la séparation spatiale des activités humaines (Morris et al., 1978). Nous nous intéressons plus particulièrement à l’accessibilité aux emplois, à partir des données socioéconomiques issues de l’Enquête ménages déplacements provenant de l’aire métropolitaine lyonnaise en 2006. Si les relations « domicile-travail » ne génèrent que 18 % des déplacements quotidiens dans l’agglomération lyonnaise, elles structurent l’emploi du temps des actifs. Parmi la variété de mesures recensées dans la littérature (Pirie, 1979 ; Handy et Niemeier, 1997 ; Geurs et Wee, 2004), nous travaillons à partir des location-based measures et, plus particulièrement, des mesures gravitaires de l’accessibilité. Ces mesures d’accessibilité s’inscrivent dans une dimension d’aménagement du territoire et reposent sur la relation entre la distribution des activités et le système de transport. À partir des travaux d’Hansen (1959), l’accessibilité gravitaire depuis la zone i aux opportunités localisées dans la zone j s’écrit :

avec Ej le nombre d’opportunités (d’emplois) de la zone j, Cij le coût généralisé (somme du coût temporel et du coût monétaire) de déplacement entre les zones i et j, ß un paramètre de sensibilité au coût de déplacement et n le nombre de zones.

Parmi les limites soulevées par l’utilisation des mesures gravitaires d’accessibilité, la non-prise en compte de la demande est fréquemment soulevée (Shen, 1998 ; Wang, 2001 ; Wang et Minor, 2002). Ainsi, l’accessibilité aux emplois dépend uniquement du nombre d’emplois dans la zone j sans intégrer le nombre d’actifs intéressés par ces emplois, et donc leur mise en concurrence. Pour lever cet écueil, l’accessibilité doit être pondérée par l’intensité de la concurrence entre les actifs au moyen de l’équation suivante (Shen, 1998 ; Wang, 2001) :

Et Wk le nombre d’actifs résidant dans la zone k.

Nos travaux visent principalement à simuler un péage urbain, soit une offre potentielle dans un horizon temporel de moyen terme, qui aura sans nul doute un impact sur la localisation des emplois et des habitants. Il nous est donc difficile de modéliser de manière fiable la localisation des populations dans plus de 10 ans, pour pouvoir mettre en oeuvre une telle mesure de l’accessibilité.

Calcul du coût généralisé

L’accessibilité, calculée depuis chaque zone de l’aire d’étude vers l’ensemble des autres zones, dépend de deux variables que sont le niveau d’opportunités à destination et le coût généralisé, entre les zones i et j, pondéré par le paramètre ß traduisant la sensibilité au coût de déplacement. Le niveau d’opportunités, à savoir le nombre d’emplois, peut être directement obtenu à partir des données issues de l’INSEE. À partir des données d’emplois à l’échelle IRIS-2000 [1], nous avons réparti le nombre d’emplois par zone en divisant le nombre d’emplois total de chaque zone IRIS par le nombre de zones qui la composent.

Il est nécessaire de procéder à une série de calculs pour déterminer le coût généralisé d’un déplacement. On peut définir ce coût généralisé par la somme du coût monétaire du déplacement et du temps de déplacement pondéré par la valeur moyenne du temps ressenti par les usagers :

Avec

Cij

le coût généralisé du déplacement entre les zones i et j

Cmij

le coût monétaire du déplacement entre les zones i et j

Tij

le temps de déplacement entre les zones i et j

VdT

la valeur du temps

Calcul du coût monétaire

Le coût monétaire des déplacements automobiles est calculé selon un coût moyen par kilomètre de 0,49€/km correspondant aux coûts fixes liés à la possession d’une voiture (dépenses d’achat, d’assurance, de garage et de frais financiers) et aux coûts variables, dépendant de la distance parcourue (carburant et entretien du véhicule). Ces coûts sont calculés sur la base de l’année 2008.

Le coût monétaire d’un déplacement en transport en commun (sur le réseau urbain) est déterminé à partir de la part d’actifs abonnés et non abonnés pondérée respectivement par le prix de l’abonnement et le prix du billet unitaire. Selon ces hypothèses, le prix moyen d’un déplacement en transport en commun urbain pour un actif est de 1,20€.

Calcul du coût temporel

Le temps de déplacement constitue une variable-clé dans la mesure d’accessibilité. Son estimation doit dès lors être la plus précise possible. Nos calculs considèrent un temps de déplacement en voiture particulière, entre 7h et 10h, qui intègre l’impact de la congestion sur les conditions de déplacement. Pour ce faire, nous mettons en place un modèle de transport à quatre étapes sur notre périmètre d’étude afin de modéliser le trafic automobile sur les différents tronçons du réseau routier de l’agglomération.

Le principe d’un modèle à quatre étapes (génération, distribution, choix modal et affectation) consiste à estimer le niveau de trafic sur chacun des tronçons du réseau à partir de données socioéconomiques et de l’offre de transport sur le périmètre de l’aire urbaine de Lyon (pour une présentation détaillée du modèle de transport, voir Bonnafous et al., 2009). Ce type de modèle permet d’envisager les impacts des scénarios de péage urbain non seulement sur les temps de déplacement, mais également sur la répartition modale des déplacements. Considérant un réseau congestionné, le temps de déplacement entre les zones i et j est calculé selon la méthode du plus court chemin. Toutefois, ce n’est pas la distance entre deux points qui est minimisée, mais bien le temps nécessaire pour relier ces points, en tenant compte des vitesses et des sens de circulation.

En transport en commun, la recherche du temps le plus court s’effectue en tenant compte, d’une part, des horaires de passage à l’ensemble des 2170 arrêts du réseau enregistrés à partir des fiches horaires et, d’autre part, des coefficients pondérant les composantes du déplacement. Les temps d’accès au réseau, de parcours terminaux et d’attente aux correspondances sont ainsi doublés.

Le temps de transport est pondéré par une valeur du temps tutélaire de 11,4€ telle que définie par l’instruction-cadre relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructures pour le motif domicile-travail en milieu urbain, indépendamment du mode utilisé. Nous posons ainsi l’hypothèse d’une valeur du temps unique pour l’ensemble des déplacements. Précisons que le temps de déplacement interne est estimé à une minute, quelle que soit la localisation des zones et le mode utilisé, et que la distance intrazonale est considérée comme nulle.

Le coût généralisé est pondéré par un paramètre de conductance ß. Nous considérons une valeur de ß = 0,18 correspondant au motif domicile-travail en heure de pointe du matin, pour l’ensemble des scénarios proposés et des modes utilisés. La valeur du paramètre ß est déterminée à partir de la fonction de distribution des déplacements, observée dans l’Enquête ménages déplacements, réalisée dans l’agglomération lyonnaise en 2006 auprès de 11 200 ménages, en fonction du temps de déplacement entre deux zones et des déplacements simulés pour un découpage de l’agglomération en 743 zones IRIS-2000. La valeur du paramètre intègre ainsi la congestion.

La mesure gravitaire de l’accessibilité présente, pour nos travaux, un double intérêt. Elle met d’abord en relation l’élément résistant (c’est-à-dire le coût généralisé comme étant la somme du coût monétaire et temporel du déplacement) et l’élément moteur du déplacement (c’est-à-dire les opportunités atteintes grâce au déplacement). Elle s’avère en sus cohérente avec le calcul de variation de surplus et peut ainsi être intégrée dans le calcul économique. Il convient toutefois de rester vigilant face à la sensibilité des résultats aux hypothèses du modèle (Mercier et Stoiber, 2010). Deux écueils principaux sont la sensibilité aux paramètres d’entrée, d’une part, et à l’aire d’étude, d’autre part. Ainsi, l’intégration ou non de la congestion dans le calcul du temps de transport ou de la sensibilité au coût généralisé peut modifier les niveaux d’accessibilité. De même, en raison de la localisation des emplois, calculer l’accessibilité aux seuls emplois du Grand Lyon ou au contraire à l’ensemble de l’aire urbaine peut influencer fortement les résultats des calculs.

Des scénarios de péage urbain évalués par leurs impacts sur l’accessibilité gravitaire

Considérons la mise en place d’un péage urbain dans la zone centrale de l’agglomération, correspondant aux communes de Lyon et Villeurbanne (soit environ 62 km2). Quelles sont alors les zones « gagnantes » et « perdantes » ?

Le choix d’un tel scénario n’est pas fortuit : outre la légalisation du péage urbain dans les agglomérations françaises dans le cadre de la loi Grenelle II, le Plan de protection de l’atmosphère de l’agglomération lyonnaise le cite comme la première mesure à introduire pour limiter l’émission de gaz à effet de serre. Deux types de péage sont testés :

  • Un péage de zone est d’abord simulé. Ce péage, dont le prix est fixé à 3€, s’applique à l’ensemble des déplacements automobiles (au conducteur) à destination de la zone centrale, et ce, quelle que soit l’origine du déplacement. Ainsi, les déplacements internes sont également concernés par ce péage. Un tel coût de péage correspond à un accroissement du temps de parcours de 16 minutes environ (avec une valeur du temps de 11,4€ de l’heure). Une variante à ce péage peut être introduite avec, comme à Londres, la mise en place d’une tarification différenciée : les résidants de la zone centrale n’acquittent que 10 % du coût (soit 0,3€) tandis que, pour les autres automobilistes, le montant reste inchangé.

  • Ensuite, un péage cordon est envisagé, avec également deux variantes. Dans un premier temps, le cordon est mis en place sur le périmètre de la zone centrale alors que, dans un deuxième temps, le périmètre concerné est celui du Grand Lyon (515 km2). Dans les deux variantes, le péage ne concerne pas les déplacements internes au cordon. Le coût du péage est identique à 3€, quel que soit le cordon.

Nous envisageons les impacts du péage à court terme, en considérant comme stables les taux de motorisation et choix de localisation des ménages et des emplois. Les résultats des simulations d’un péage de zone et d’un péage cordon sont illustrés respectivement par les figures 1 et 2 (péage de zone) ainsi que les figures 3 et 4 (péage cordon). Chacune des cartes représente la variation d’accessibilité aux emplois pour les automobilistes après la mise en place du péage urbain.

La mise en place d’un péage de zone (figure 1) se traduit pour les automobilistes par une baisse du niveau d’accessibilité pour l’ensemble de l’aire urbaine [2] de 22 %. Toutefois, cette baisse n’affecte pas tous les automobilistes dans les mêmes proportions. La plus forte baisse est observée pour les automobilistes résidant au centre-ville (-25 %) tandis que les automobilistes localisés dans le reste du Grand Lyon voient leur niveau d’accessibilité diminuer de 5 à 25 %. À l’échelle de l’aire urbaine (à l’extérieur du Grand Lyon), le péage urbain n’influence pas l’accessibilité automobile.

Figure 1

Variation d'accessibilité après la mise en place d’un péage de zone à tarification unique

Variation d'accessibilité après la mise en place d’un péage de zone à tarification unique

Variation d’accessibilité aux emplois du Grand Lyon en voiture particulière

Péage de 3 euros pour tous les déplacements vers Lyon/Villeurbanne

Réalisation : A. Mercier UMR LET CNRS

-> Voir la liste des figures

En raison de la localisation des emplois, concentrés dans la zone centrale, ce sont les résidants de cette zone centrale qui, en l’absence de péage urbain, connaissent les temps de déplacement les plus faibles de l’aire urbaine pour accéder aux emplois. Par conséquent, intégrer un péage urbain forfaitaire de 3€, y compris pour les déplacements internes au centre, revient à accroître le coût généralisé de 37 % (le temps de déplacement moyen à l’intérieur de cette zone étant de 12 minutes). Le péage de zone affecte dans une moindre proportion les actifs du Grand Lyon en raison de temps de déplacement initiaux plus élevés que les actifs du centre. La part du coût lié au péage dans le coût généralisé est ainsi plus faible que pour les actifs centraux.

L’introduction d’une tarification différenciée en fonction de la localisation des actifs (figure 2) se traduit par une perte d’accessibilité globale de 5 %. Cette perte d’accessibilité est moindre que précédemment et notamment pour les résidants du centre-ville, qui voient leur niveau d’accessibilité rester quasiment stable (baisse de 5 %). De fait, l’impact d’un péage de 0,3€ sur le coût généralisé est très faible.

Un péage cordon ceinturant la zone centrale (figure 3) génère une baisse du niveau d’accessibilité de 9 % sur l’ensemble de l’aire d’étude. La perte d’accessibilité est principalement observée dans la partie ouest de l’aire urbaine, où elle peut atteindre 25 %, et dans la première couronne nord-ouest de la zone centrale – où elle dépasse les 25 %. À l’inverse, le niveau d’accessibilité des automobilistes lyonnais ou villeurbannais reste constant dans la mesure où ceux-ci ne sont pas concernés par le péage.

La mise en place d’un péage cordon pour rejoindre les communes du Grand Lyon (figure 4) se traduit par une baisse de 6 % du niveau d’accessibilité globale. S’il n’est pas surprenant de voir le niveau d’accessibilité des résidants de l’aire urbaine (hors Grand Lyon) diminuer, nous observons toutefois une baisse du niveau d’accessibilité pour les actifs localisés dans la partie ouest du Grand Lyon alors qu’ils ne sont pas affectés par le péage urbain. Ce résultat s’explique par une nouvelle répartition modale et un accroissement de la circulation automobile dans cette zone. En effet, l’instauration d’un péage cordon au périmètre du Grand Lyon se traduit par une baisse du trafic depuis le reste de l’aire urbaine vers le Grand Lyon. Le plus faible niveau de congestion, et l’amélioration des temps de parcours qui en résulte, incitent les actifs du Grand Lyon à utiliser davantage leur voiture au détriment du transport en commun. Les individus qui ont le plus tendance à délaisser les modes alternatifs au profit de la voiture particulière sont ceux dont les zones d’habitation sont les moins bien desservies par le transport en commun, c’est-à-dire les résidants de l’ouest lyonnais. Un effet inattendu du péage urbain est donc d’accroître l’usage de l’automobile pour des personnes mal desservies par le transport en commun et saisissant l’aubaine d’une moindre congestion. En y mettant le prix, cela nous incite à réfléchir aux inégales capacités contributives des habitants.

La comparaison statistique des quatre scénarios de péage (tableau 1) souligne que le péage de zone à tarification unique est celui qui pénalise le plus fortement l’accessibilité des automobilistes de l’aire urbaine. Tandis que les trois autres scénarios de péage « limitent » la baisse d’accessibilité à 10 %, le péage de zone à tarification unique génère une perte d’accessibilité supérieure à 20 %. Ce résultat s’explique par la spécificité du péage de zone à tarification unique, qui est le seul à taxer significativement les déplacements émis par les zones de Lyon et Villeurbanne, le péage de 0,3€ appliqué aux déplacements internes à Lyon-Villeurbanne dans le cadre de la tarification différenciée n’impactant que très marginalement le coût généralisé. Or, en raison de la structure même du découpage spatial de notre modèle plus fin pour les zones centrales que périurbaines, sur les 4344 zones du territoire, 28 % sont localisées à Lyon ou Villeurbanne et 82 % dans le Grand Lyon. Dès lors, 30 % des relations origine-destination potentielles sont influencées par un péage de zone, contre 20 % pour un péage cordon autour de Lyon-Villeurbanne et 4 % pour un péage cordon autour du Grand Lyon.

Figure 2

Variation d’accessibilité après la mise en place d’un péage de zone à tarification différenciée

Variation d’accessibilité après la mise en place d’un péage de zone à tarification différenciée

Variation d’accessibilité aux emplois du Grand Lyon en voiture particulière

Péage de 3 euros pour tous les déplacements extérieurs vers Lyon/Villeurbanne

Péage de 0,3 euro pour tous les déplacements internes à Lyon/Villeurbanne

Réalisation : A. Mercier UMR LET CNRS

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Figure 3

Variation d’accessibilité après la mise en place d’un péage cordon aux limites de Lyon/Villeurbanne

Variation d’accessibilité après la mise en place d’un péage cordon aux limites de Lyon/Villeurbanne

Variation d’accessibilité aux emplois du Grand Lyon en voiture particulière

Péage de 3 euros pour tous les déplacements extérieurs vers Lyon/Villeurbanne (péage cordon)

Réalisation : A. Mercier UMR LET CNRS

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Figure 4

Variation d’accessibilité après la mise en place d’un péage cordon aux limites du Grand Lyon

Variation d’accessibilité après la mise en place d’un péage cordon aux limites du Grand Lyon

Variation d’accessibilité aux emplois du Grand Lyon en voiture particulière

Péage de 3 euros pour tous les déplacements extérieurs vers le Grand Lyon (péage cordon)

Réalisation : A. Mercier UMR LET CNRS

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Tableau 1

Comparaison statistique des scénarios de péage urbain

Comparaison statistique des scénarios de péage urbain

Les taux de variation sont calculés par rapport à la situation de référence

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Toutefois, au-delà du taux de variation d’accessibilité sur l’ensemble de l’aire urbaine, il convient d’analyser les statistiques univariées à l’échelle des zones. Ainsi, c’est le péage de zone à tarification différenciée qui a le moins d’impact sur le niveau d’accessibilité, avec une perte moyenne de 7 % par zone. Il procure également le plus fort gain d’accessibilité avec +18 %. Le péage cordon génère les pertes d’accessibilité les plus importantes avec respectivement -32 % et -49 % pour des cordons aux limites de Lyon-Villeurbanne et du Grand Lyon.

Le tramway comme vecteur de réduction des inégalités : un exemple d’infrastructure visant à développer une double accessibilité spatiale et sociale

La ligne de tramway T4, inaugurée le 20 avril 2009, s’inscrit comme un axe fort dans la desserte du sud-est de l’agglomération lyonnaise. Une liaison de 10 km permet ainsi à cette nouvelle ligne de tramway de relier le Jet d’eau, place Mendès-France dans le 8e arrondissement de Lyon au pôle hospitalier de Feyzin en passant par Vénissieux (Gare, Hôtel de ville, Minguettes). Avec 18 stations, le tramway emprunte des axes structurants, tels le boulevard des États-Unis, et offre des connexions performantes avec l’ensemble du réseau de transport en commun urbain, mais également avec le réseau TER. Le tramway T4 est ainsi relié, à son terminus Jet d’eau Mendès-France, avec le tramway T2 tandis que sa station Gare de Vénissieux permet une interconnexion avec la ligne D du métro et avec le réseau ferré régional. Deux parcs relais sont également présents le long du T4. L’arrivée de cette nouvelle ligne de tramway s’accompagne d’une restructuration du réseau de surface. Plus de 15 lignes ont été modifiées avec suppression des itinéraires de bus parallèles pour éviter les doublons, et réorganisation des lignes de bus pour faciliter la gestion des correspondances au terminus Jet d’eau Mendès-France.

Ce projet de tramway s’inscrit certes dans une logique d’accessibilité (deux des objectifs de cette ligne T4 sont la création d’une liaison rapide entre Feyzin, Vénissieux et le 8e arrondissement de Lyon ainsi que l’amélioration de la desserte du quartier des États-Unis) ; mais il a également vocation d’être un outil d’aménagement urbain en dynamisant le quartier des États-Unis et en accompagnant la restructuration du quartier des Minguettes à Vénissieux (SYTRAL, Dossier de presse : T4 la ligne verte et fleurie, 2009). Dans un périmètre de 300 m autour des 10 km de la ligne, sont ainsi localisés plus de 33 000 habitants et 6200 emplois.

Afin de mener une évaluation du tramway T4 cohérente avec les objectifs annoncés de la ligne qui vise à « désenclaver » le quartier des États-Unis ainsi que les communes de Vénissieux et de Feyzin, nous mesurons l’accessibilité aux emplois depuis les zones citées à l’ensemble du territoire situé sur les communes de Lyon et Villeurbanne. Nous estimons la variation d’accessibilité en prenant successivement les temps de parcours en transport en commun avant et après la mise en place du tramway, calculés à partir des horaires de passage aux arrêts diffusés dans les fiches horaires des lignes. La variation de temps de parcours liée au report modal n’est pas considérée. Nous posons l’hypothèse que la mise en service du tramway T4 n’a pas modifié le nombre d’emplois et leur localisation sur le territoire. Le coût monétaire d’un déplacement en transport reste par ailleurs inchangé après l’arrivée du tramway.

À l’échelle de l’ensemble du territoire étudié, l’arrivée du tramway se traduit par un accroissement du niveau d’accessibilité de plus de 150 %. Comme illustré par la figure 5, la totalité des zones se trouvant sur l’itinéraire du tramway bénéficient d’un différentiel supérieur à 50 %. Ce n’est pas tant l’arrivée du tramway qui influence le niveau d’accessibilité que sa fréquence et sa vitesse supérieures à celles du bus no36 qui desservait auparavant le même itinéraire sur la quasi-totalité du tracé (seul le tronçon Feyzin-Darnaise n’était pas emprunté par le bus 36). Ainsi, le tramway présente, en heure de pointe, une fréquence de 7 minutes et une vitesse de 20 km/h, tandis que le bus 36 offrait une fréquence de 10 minutes et une vitesse de 14 km/h. Le tramway offre en outre un niveau de vitesse et de fréquence indépendants du niveau de trafic, contrairement au bus inséré dans la circulation automobile. Soulignons également l’impact de la restructuration du réseau de surface sur le niveau d’accessibilité. En réorganisant la desserte du territoire et en améliorant les correspondances avec les tramways T2 et T4 et le métro D, les lignes de bus sont également à la source de gains d’accessibilité. Il est intéressant, à ce propos, de constater que les gains d’accessibilité sont relativement plus faibles dans un rayon de 500 m autour de la station Gare de Vénissieux que sur le reste de l’itinéraire du tramway. En étant préalablement desservie par la ligne D du métro, cette zone retire moins de bénéfices de l’arrivée du tramway que les zones voisines pour atteindre Lyon et Villeurbanne. Si les emplois localisés à proximité de la station Jet d’eau Mendès-France ou Part-Dieu sont plus accessibles (grâce à la correspondance T4 - bus 53), le niveau d’accessibilité de la Presqu’île reste, lui, identique car principalement lié à la desserte du métro D.

Le quartier Jet d’eau Mendès-France ainsi que celui du Bachut (localisés dans le 8e arrondissement de Lyon) retirent des gains d’accessibilité de l’arrivée du T4. Là encore, ce différentiel positif s’explique par une meilleure desserte entre ces zones et le quartier de La Part-Dieu, grâce à la restructuration de la ligne de bus 53 à destination de La Part-Dieu et à sa connexion avec le réseau de tramway.

Fiqure 5

Différentiel d’accessibilité en transport en commun après la mise en service du tramway T4

Différentiel d’accessibilité en transport en commun après la mise en service du tramway T4

Réalisation : A. Mercier UMR LET CNRS

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Si la quasi-totalité des zones présentent un différentiel d’accessibilité positif, il convient toutefois de mettre en évidence celles pour lesquelles l’arrivée du tramway est synonyme d’une diminution d’accessibilité. Tout comme précédemment, ce n’est pas tant le tramway qui est « montré du doigt » que la restructuration du réseau de bus qui ne dessert désormais plus ces zones. Soulignons toutefois qu’il s’agit, dans tous les cas, de zones peu ou pas habitées localisées dans des secteurs industriels ou à proximité du Rhône.

Conclusion

Le défi de la mobilité durable auquel sont confrontées les villes du XXIe siècle suppose une réflexion des planificateurs afin de satisfaire les besoins, voire les exigences, de mobilité des individus et de préservation de l’environnement tout en satisfaisant aux contraintes économiques et à la rareté des fonds publics. Il convient dès lors de ne plus envisager les infrastructures (et plus généralement les politiques) de transport comme un simple vecteur de mobilité, mais de les considérer conjointement comme des vecteurs d’intégration des différents quartiers au sein de l’espace urbain. Au-delà de l’impact de l’offre de transport sur les comportements de mobilité, les politiques de transport insistent sur l’importance des infrastructures dans la structuration et l’organisation des territoires urbains. Les nouveaux enjeux des politiques de transport ne se limitent plus à favoriser une accessibilité spatiale, mais font émerger la nécessité de sa combinaison avec la dimension sociale de l’accessibilité.

Ainsi, avec la simulation d’un péage urbain, ce ne sont pas tant les impacts directs de cette nouvelle tarification sur le niveau d’accessibilité en voiture particulière qui nous préoccupent – même si les résultats se révèlent intéressants – que l’intégration de ces résultats par les automobilistes et leurs répercussions en termes de choix de localisation. En fonction du type de péage (zone ou cordon) et du périmètre du péage (zone centrale ou Grand Lyon), les individus préféreront se localiser au centre de l’aire d’étude ou en périphérie, ou bien choisiront un mode de déplacement alternatif à l’automobile ou, ce qui est plus difficile, un autre lieu de travail, toutes choses étant égales par ailleurs. Toutefois, un tel raisonnement, s’il offre au planificateur une vision globale des zones « gagnantes » et « perdantes », ne lui permet pas, pour l’heure, de coupler ces informations avec les caractéristiques socioéconomiques des individus.

Notre second exemple relie l’accessibilité spatiale et l’accessibilité sociale. La mise en place du tramway T4 desservant les quartiers jusque-là « enclavés » des États-Unis et des Minguettes est ainsi un exemple réussi d’amélioration conjointe de l’accessibilité spatiale et sociale, cela, dans une perspective de compensation. La hausse du coût de la mobilité automobile par le péage pourrait être compensée par une amélioration de l’accessibilité par le transport en commun, surtout si ce dernier est en partie financé par les recettes du péage. Cette dernière remarque, inspirée de l’exemple de Stockholm, nous rappelle que le péage urbain ne saurait être envisagé comme une solution en soi aux défis de la mobilité urbaine. En zone urbaine, le péage ne doit pas viser à couvrir des coûts d’infrastructure comme sur une autoroute interurbaine. Il n’est pas non plus destiné à fluidifier le trafic, pour la simple raison que l’amélioration des conditions de circulation peut, comme nous l’avons montré pour l’ouest lyonnais, ramener des automobilistes sur la route. S’il est mis en place, un péage urbain doit s’inscrire dans la perspective générale de réduction du trafic automobile en zone urbaine, ce qui est préconisé par la loi en France depuis 1996 (Loi sur l’air et l’usage rationnel de l’énergie). Il est de ce fait nécessaire de coupler le péage urbain avec de nombreuses autres mesures visant à développer l’usage du transport en commun et des modes de déplacement doux.