En rappel

Notes : virage à prendre en géographie  [Notice]

  • Louis-Edmond HAMELIN

…plus d’informations

  • Louis-Edmond HAMELIN
    Centre d’études nordiques, Université Laval (de 1951-1978)

Dans le fond des campagnes québécoises, certains « rangs » ne débouchent pas ; si l’on tient quand même à atteindre l’au-delà, il faut changer de transportant ou changer de rang. Face à la société, la très grande majorité des géographes s’agitent de bonne foi mais dans des rangs aveugles. En référence à la géographie internationale, malgré la petite rentrée du Québec, la représentation de la géographie francophone diminue de plus en plus depuis le congrès de Lisbonne (1949). Compte tenu de leurs possibilités, les géographes ont peu pénétré dans des champs autres que celui du répétitif ou récitatif didactique où ils ont d’ailleurs souffert de l’avance des historiens. Sur le marché du travail, le géographe arrive rarement mieux qu’en quatrième position après l’ingénieur, le sociologue et l’économiste ; ceux-ci prennent la place des géographes mais non celle de la géographie qui se trouve ainsi non faite. Le Québec ne se porterait guère plus mal si l’on enlevait de la fonction publique les géographes souvent relégués aux tâches de confection de cartes « illustratives et supplémentaires ». En outre, au plan mental, le géographe, pourtant intéressé à des « équilibres mobiles » (Baulig, 1950), est fixé, voire fixiste. Une certaine géographie a pris tant de retard sur son objet et les méthodes d’analyse modernes (qui deviendront elles-mêmes bientôt caduques) qu’elle est devenue une institution de luxe, tout au plus un des flux de la culture ; en fait, l’autopsie de cette dernière interprétation montrerait une part de nostalgie à l’endroit de l’époque classique de la pré-contestation. Nos départements de géographie, tout jeunes qu’ils soient, affichent déjà des traits d’usure ; ne seraient-ils pas tout simplement nés vieux ? Cette géographie-là qui ne rejoint pas la vie ne mérite pas d’être sauvée. Il est peu consolant de savoir qu’un tel anathème ne touche pas seulement la géographie francophone. Par contre, il faut sauver une manière non pratiquée par d’autres chercheurs de contribuer à la compréhension d’un monde bien difficile et mouvant. Ce respect d’une démarche où l’homme, les interrelations, la dimension historique, l’écoumène, la mobilité des situations et l’art d’écrire forment les éléments (pas toujours présents également) doit pourtant s’accommoder de changements nécessaires.  Énoncer la nécessité dun virage c’est en quelque sorte réouvrir une bataille des Anciens et des Modernes, thème que Ribeiro (1972) a bien posé mais peut être trop au bénéfice des premiers. Le renouvellement a ses limites bien entendu et il y a un seuil au-delà duquel la purge ne peut aller sans menacer le corpus géographique fondamental. Parmi les choses à consacrer, la pluralité des situations : parler des sciences géographiques à la place de la géographie et de types de géographes à la place d’un prototype unique. La plus grande partie des forces géographiques doivent appliquer autrement et dans d’autres champs leur préoccupation du global. D’abord, un changement dans l’objectif suprême s’impose. La géographie, c’était la description de la terre ; il faut « révéler le monde à lui-même » (Sorre, 1950). Faire davantage est nécessaire ; « la géographie a plus qu’une vocation académique » (Hamelin, 1952) ; elle doit contribuer à l’amélioration du monde. Si certains géographes ne se sentent des aptitudes que pour l’académisme, cela ne doit pas forcer les autres à ne pas aborder d’autres champs ; il faut des géographes praticiens ; leur action est même essentielle pour influencer les scientistes de l’intellect qui, à la fin, ne savent même plus découvrir les sujets qui ont des impacts réels sur la société. Un mot est nécessaire, l’engagement. Le géographe, même celui qui se limite délibérément en deçà du champ des applications, …

Parties annexes