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Paru en 2016, le recueil de textes édités par Cynthia Ghorra-Gobin et Magalie Reghezza-Zitt, Entre local et global, « est le résultat de plusieurs séminaires de recherche qui se sont tenus à l’ENS entre 2010 et 2014 » (p. 9). En sept chapitres, auxquels s’ajoutent une introduction et une conclusion rédigées par elles, les directrices de la publication proposent une lecture, des analyses et des interprétations des liens entre le local et le global, à l’intérieur du cadre de la mondialisation ou des mondialisations, comme elles en soulignent d’emblée (p. 9). Le choix des thèmes est complètement éclaté, ce qui, à défaut d’une cohérence d’ensemble, fournit un portrait diversifié des ramifications où l’on peut retrouver cette mondialisation envahissante, y compris sur le plan identitaire : les pratiques touristiques des tours du monde, les aéroports comme objet géographique, la gestion de l’eau en Argentine, la crise des subprimes aux États-Unis, les mobilisations citadines ou citoyennes à Détroit (États-Unis), ainsi que le cas de l’aménagement d’une décharge à Buenos Aires (Argentine).
Dans tous les cas, nous sont présentées soit des analyses des dynamiques actuelles de la mondialisation, soit des réponses aux problèmes que la version néolibérale de la mondialisation cause un peu partout. À certains égards, ces réponses – en particulier le cas de la gestion de l’eau en Argentine, décrit par Florentin (p. 105-142) – sont parfaitement analogues à celles évoquées par Karl Polanyi quand il discute de « l’autodéfense de la société », à l’époque de la Grande transformation qu’il a décrite et qui, en moins d’une génération, a fait sombrer le monde dans les deux grandes guerres mondiales, dans la première moitié du XXe siècle (Polanyi, 1944). D’ailleurs, l’exemple des mobilisations citadines locales à Détroit le démontre aussi : « Ces interventions urbaines conçues comme un palliatif, voire une contestation, des carences publiques présentent donc en germe le danger de devenir des alibis pour les processus qu’elles souhaitaient combattre en premier lieu » (chapitre de Nédélec, p. 199).
Les directrices de l’ouvrage enrichissent la réflexion présentée dans les études de cas en discutant du « global » et du « local » comme schèmes de pensée, tout comme de leur transformation, en particulier à partir des dynamiques de globalisation ou de mondialisation, dans leurs différentes acceptions (p. 13-22). Entre autres, elles distinguent « l’interdépendance systémique [qui] se retrouve dans le préfixe “ trans- ” que l’on utilise fréquemment lorsque l’on parle de global […] alors que la mondialisation est le domaine du “ multi- ” […] » (p. 17).
Peut-être, pourrait-on critiquer leur manière de percevoir certains liens entre local et global. Si, bien sûr, des acteurs globaux s’incrustent et influencent la course de territoires locaux, les entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG) ou les diasporas n’ont pas le monopole du travail (pris dans le sens raffestinien : énergie + information = travail ; Raffestin, 1980) au niveau global. « Les habitants (acteurs locaux) ont [certes] des capacités de mobilisation pour affronter les acteurs globaux, économique ou politique » (p. 21), mais ces capacités ne sont pas que locales. Le soulèvement au Chiapas, en 1994, est un bel exemple où des acteurs locaux (le sous-commandant Marcos), simplement par leur capacité à intervenir dans l’arène médiatique internationale, ont réussi à transformer un enjeu local en question plus globale et à faire pression sur le gouvernement mexicain.
Enfin, même si l’argumentation autour de certains thèmes n’est pas tout à fait convaincante (comme le concept de « co-spatialité », des pages 91 à 93, chapitre de Frétigny), et même si subsistent dans le texte plusieurs erreurs typographiques et syntaxiques, la contribution globale de cet ouvrage reste importante pour nous permettre d’approfondir notre connaissance de la complexité systémique de l’économie de marché, ainsi que des dynamiques de transition et de passage, dans un sens comme dans l’autre, entre les phénomènes locaux et mondiaux.