Comptes rendus bibliographiques

BONNY, Yves, BAUTÈS, Nicolas et GOUËSET, Vincent (dir.) (2017) Lespace en partage. Approche interdisciplinaire de la dimension spatiale des rapports sociaux. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 360 p. (ISBN 978-2-75355-670-6)[Notice]

  • Sylvie Lardon

…plus d’informations

  • Sylvie Lardon
    INRA & AgroParisTech, UMR Territoires, Clermont-Ferrand (France)

L’espace en partage. De quoi s’agit-il, observé du point de vue de la géographie sociale et des autres disciplines des sciences humaines et sociales ? C’est le sujet de cet ouvrage qui rassemble les réflexions issues du colloque éponyme organisé par l’équipe Espaces et Sociétés (ESO), en 2014. Dans le contexte actuel de mondialisation, de modernisation généralisée et d’interactions entre sociétés, techniques et nature, d’une part, et la crise des paradigmes universalistes et la relativité de l’échelle nationale, d’autre part, la géographie sociale, comme d’autres disciplines, prend un tournant constructiviste qui l’amène à porter un intérêt croissant à la dimension spatiale des rapports sociaux. Elle énonce deux enjeux transversaux : celui de l’articulation entre espace et nature, qui invite à ne pas faire abstraction des soubassements physiques et biologiques des rapports sociaux, et celui du positionnement des chercheurs par rapport à leurs objets d’étude et d’action, qui implique le chercheur dans une « science en société ». Quels constats pouvons-nous faire à l’aune des articles publiés dans cet ouvrage ? Le premier débat porte sur la façon dont les acteurs coexistent dans des espaces et des lieux donnés, à différentes temporalités, qu’il s’agisse des habitants du Paris de l’Ancien Régime, aux prises avec l’entassement et la promiscuité des logements, ou des rapports aux lieux de vie des actuels habitants périurbains et les nuisances ressenties du fait de l’activité agricole, ou bien que ce soit la délimitation de l’espace des colons dans la ville algérienne du XIXe siècle, ou l’asymétrie de pouvoir entre Palestiniens et Israéliens pour la patrimonialisation de la ville d’Hébron en Cisjordanie de nos jours, ou encore les espaces-temps partagés de soins dans un centre d’isolement durant l’épidémie d’Ebola au Gabon, ou dans un centre pour grands prématurés à Lille. Les histoires de vie mettent en évidence des identités collectives et des solidarités, mais aussi des inégalités. L’espace, tant matériel qu’idéel est disputé. Il s’agit de comprendre les modalités d’appropriation de l’espace et de mettre en évidence inégalités sociales et rapports de pouvoir, dans la continuité des approches de géographie sociale développées par ESO (Ripoll et Veschambre, 2005). Ce faisant, on se rend compte des oppositions entre le public et le privé, entre l’intimité des habitants et la surveillance des autorités, entre l’espace domestique clos et l’espace social ouvert, entre le normé et l’informel. Paradoxalement, on montre aussi que les relations, les connivences, peuvent se faire à distance pour contrer les cohabitations difficiles. On montre que des mobilités inattendues contrecarrent les « assignements à résidence » et brouillent les frontières, que les liens des patients avec leurs proches humanisent les espaces de soin qui dépendent d’enjeux politiques et financiers. Le second débat porte sur les manières de « faire partage », qui sont en phase avec des idéaux démocratiques et des valeurs de justice. C’est alors la dimension critique des approches qui est mise en avant, à travers une relecture des représentations sociales sous le prisme des discours politiques. Qu’il soit fait référence à la rhétorique volontariste et holiste de l’action politique d’aménagement urbain, qui prend le mythe du bon espace comme levier performatif là où les autres modalités d’action publique ont échoué, ou qu’on argumente la nécessité d’articuler le « dedans » et le « dehors » et celle d’accepter les divergences et les voies de rechange dans la gestion de la cité, voire de la nation, face au mythe du « village gaulois », ce débat est un plaidoyer en faveur d’une démocratie qui ouvre à l’altérité, à la pluralité et à la conflictualité de l’espace urbain. De même, à partir d’une critique de la …

Parties annexes