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Je ne suis pas convaincu d’aimer vraiment le cinéma. C’est ce que j’ai d’abord répondu au responsable de ce numéro qui, très aimablement, m’invitait à formuler quelques réflexions introductives. Par ailleurs, je n’ai aucune compétence particulière en la matière, n’ayant jamais écrit à propos du cinéma, ni beaucoup lu — j’avoue avec un peu de honte ma vaste ignorance de la littérature critique, théorique, historique dont il est question dans cette revue —, ni même assez regardé pour me croire cinéphile. On ne s’adressait pas au spécialiste, me fut-il répondu, mais à l’ingénu, même un tantinet atrabilaire, et à l’historien qui avait consacré un ouvrage à l’histoire du regard. Mais ce travail, déjà ancien, concernait les débuts de l’époque moderne, les xvie et xviie siècles. D’aucune manière — et pour cause ! —, il n’y était question de l’image en mouvement [1]. Pour mieux me dérober, j’avais encore en réserve toute une série de lieux communs sur la question cinématographique : un art trop marchand où les contraintes financières sont à ce point extravagantes que la part de création véritable s’y trouve nécessairement asphyxiée. Beaucoup de bruit, souvent, pour si peu… Ah ! la légèreté de la plume, du crayon ou du pinceau face au si lourd appareillage de la caméra, du casting et de la production. Et le bonheur d’un simple appareil photographique discrètement tenu sous la veste…

Est-ce pour cela qu’au cinéma, les plans fixes surtout me touchent ? — La Jetée de Chris Marker, sans doute, mais aussi bien, par exemple, la fixité surréelle des plans de Pasolini. Les images qui me restent des films que j’ai vus sont rarement en mouvement. Le détail d’un visage, les lèvres et les yeux de Garance dans Les Enfants du paradis ou la lenteur hiératique de Baptiste : à chacun de ses mouvements, le film s’arrête ! Les lointains, aussi, habités par la grâce de l’immobilité. C’est alors que le son qui émane de ces images d’où le mouvement semble s’être échappé peut faire naître une telle émotion, jamais tout à fait apaisée. Dans Les Yeux noirs, je revois la carriole des gitans qui emporte Mastroianni dans la steppe et je l’entends indéfiniment redire : « Alors, pour la première fois de ma vie, je ne sentis pas le poids de ma conscience »…

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La photographie m’aurait sans doute mieux inspiré. En vertu, d’abord, de la sympathie singulière qui me porte vers elle : images d’hier, images d’aujourd’hui, silencieuse archéologie de notre regard. La photographie, bien plus que le cinéma, m’apparaît comme l’emblème des relations instituées que notre oeil, depuis le xixe siècle, entretient avec le monde. Elle semble réconcilier les temps comme en une nouvelle synthèse du regard à l’usage du monde contemporain : la vision comme représentation, depuis Kepler et depuis Descartes, exaltée par la mimésis photographique et l’ineffable puissance suggestive du dispositif optique dont elle procède — la camera obscura ; mais la photographie également comme empreinte et comme modalité du « toucher » à distance, ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler sa dimension indicielle et qui ravive sous de nouvelles formes culturelles, non seulement les mythes fondateurs de l’image et de la représentation, mais aussi d’anciennes significations du regard, prémodernes, où voir c’était saisir ou être saisi par ce que l’on voyait, toucher les êtres et les choses, l’oeil collé à la peau du monde et la vision d’emblée expression d’un lien quasi charnel. Je ne sais pas ce qui l’emporte dans la photographie, mimésis ou index. Je n’ai qu’un goût très mesuré, d’ailleurs, pour l’ontologie — mais la conviction que l’essentiel réside dans les valeurs d’usage, dans l’historicité irréductible des moyens que nous mettons en oeuvre pour déchiffrer, c’est-à-dire pour construire le monde. Et c’est bien la mixité des significations, mimétique ou optique et indicielle ou chimique, qui a du sens ici et qui permet de penser ces images en termes véritablement historiques : l’histoire d’un certain type d’images où se trouvent en quelque sorte conciliées ou, du moins, figurées deux modalités essentielles du voir, figures anciennes du regard comme contact et figures modernes de la vision comme représentation. Le geste de voir, par la photographie, est à la fois attaché et détaché du monde, le lieu même où se manifeste et se révèle une nouvelle forme de subjectivité si caractéristique du monde contemporain : une image qui, depuis 1839, en son énigmatique et silencieuse présence, croise en une même visibilité nos enthousiasmes et nos mélancolies, ce que nous avons gagné et ce que nous avons perdu.

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Mais pourquoi pas le cinéma ? Celui-ci, on le sait, procède de la photographie, à laquelle il ajoute le mouvement et, bientôt, le son. La singularité du dispositif cinématographique — la succession des images projetées sur un écran dans une salle généralement obscure —, n’enlève rien à cette communauté d’évidence. Et ce que je disais à l’instant à propos de la photographie vaut a priori tout aussi bien pour le cinéma. Même puissance d’attestation : pourquoi le « ça a été » de Barthes concernerait-il la photographie plus que le cinéma ? Même mixité, optique et chimique, dans la production des images. Le cinéma, ni plus ni moins que la photographie, relève bien de cette catégorie de l’empreinte qui domine depuis une trentaine d’années la théorie de l’image photographique ; et l’un et l’autre sont le plus généralement, sinon essentiellement, déterminés par le système de représentation optique que caractérise originairement l’invention de la perspective. L’image cinématographique, comme l’image photographique, est acheiropoïète, « faite sans la main de l’homme », et trouble de la même manière les relations que nos cultures établissent avec ce qu’elles disent être la nature. L’image cinématographique, comme l’image photographique, est d’abord latente. Il faut ensuite la développer, selon un processus identique, pour enfin la rendre visible selon des modalités, il est vrai, différentes : le tirage en positif ou la reproduction ad libitum et la projection sur écran. Cela fait, dira-t-on, toute la différence. Mais justement : peut-être pas toute la différence. Et c’est bien là que je voudrais en venir : ce qui distingue le cinéma de la photographie ne tient pas seulement aux dispositifs qui sont mis en oeuvre mais aussi, et peut-être surtout, à la manière dont ces dispositifs sont mis en usage. Ce qu’on en fait, plutôt que ce qu’ils sont — tout en sachant que ce qu’ils sont n’est pas non plus déterminé une fois pour toutes, puisque l’ensemble des modalisations techniques, culturelles, économiques, sociales ou politiques de l’image est en perpétuelle transformation. Que serait l’histoire du portrait photographique sans les perfectionnements techniques des années 1840 ? Que serait devenue la photographie « domestique » sans l’invention du Kodak, en 1888 ? Et la photographie de reportage sans la mise au point du Leica dans le courant des années 1920 ? Que serait le cinéma sans le développement de l’industrie cinématographique ? Et la photographie dans un autre contexte de production et de diffusion ? Que serait l’image sans la société de consommation et les valeurs qu’elle incarne ? Que savons-nous, aujourd’hui, des perspectives nouvelles à peine ouvertes encore par l’ère de l’image numérique, qu’elle soit fixe ou en mouvement ? Que serions-nous sans le cinéma ni la photographie ?

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Il n’y a pas, je crois, de nature des choses. Les dispositifs technologiques sont contraignants, certes. Mais les contraintes qui les caractérisent ne suffisent pas à rendre compte de leur signification ni à qualifier ce qu’ils rendent possible. L’« arché » de la photographie, pas plus que celle du cinéma ne sont à rechercher dans les seules conditions matérielles de leur effectuation. Ce que je suggérais tout à l’heure, me semble-t-il, en atteste : pourquoi lit-on, à propos de la photographie et du cinéma, des commentaires théoriques généralement si différents, quand l’un et l’autre partagent une si grande proximité formelle ? Et pourquoi moi-même, en rechignant d’abord à écrire ce texte, voyais-je comme étrangers l’un à l’autre la photographie et le cinéma ? Pourquoi envisager d’abord à la faveur de la seule photographie une relation à l’histoire dont le cinéma témoigne tout aussi bien ? Pourquoi le discours sur l’index a-t-il concerné si vivement la photographie ? Pourquoi cette dernière, surtout, a-t-elle joui du privilège ambigu d’être qualifiée « d’image sans code », alors que l’image cinématographique, de ce point de vue, n’en paraît pas moins dépourvue ? Pourquoi a-t-on dit de la photographie, et beaucoup moins de l’image cinématographique, qu’elle « collait au référent » ? Pourquoi avoir défini par l’expression « ça a été » le noème de la photographie et pas du cinéma ? « […] dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a été là. Il y a double position conjointe : de réalité et de passé. Et puisque cette contrainte n’existe que pour elle, on doit la tenir, par réduction, pour l’essence même, le noème de la Photographie » (Barthes 1980, p. 120). Je regarde un vieux film super-8 exhumé des archives familiales, une séquence d’actualités qui, avant, ouvrait les séances de cinéma, une comédie de Laurel et Hardy à la télévision (les enfants adorent) ; je revois l’entrée d’un train en gare de La Ciotat : puis-je nier que « la chose a été là » et que, dans le mouvement qui m’est donné à voir, malgré la sophistication de l’image cinématographique, la fiction, l’ajout du son, le montage, il y a, là aussi, « double position conjointe de réalité et de passé » et qui n’est pas limitée, par exemple, au seul cinéma documentaire ?

Qu’on me comprenne bien. Je n’ai pas pour intention de mettre à mal la pensée de Roland Barthes. La Chambre claire reste l’un des livres les plus beaux et les plus profonds qui aient été écrits à propos de la photographie. De même, il ne me vient pas à l’idée de contester l’intérêt de la notion d’index ou d’empreinte pour qualifier et comprendre l’image photographique. Je me borne à constater que ces deux notions — l’index et le « ça a été » —, qui inspirent peu ou prou toute la théorie contemporaine de la photographie, n’ont pas déterminé de la même manière la lecture que nous faisons de l’image cinématographique alors que, formellement, rien ne s’y oppose et qu’au contraire y invite la « nature » optico-chimique commune de la photo et du cinéma. C’est que le texte de Barthes, et de bien d’autres à sa suite, témoigne à mon sens, moins de l’essence de la photographie que de la manière dont nous l’avons intériorisée et mise en usage. Le « désir ontologique » par quoi Barthes justifie le projet de La Chambre claire, à relire aujourd’hui ce grand texte, témoigne plutôt d’une extraordinaire capacité à percevoir et à révéler, non pas le noème de la photographie, mais sa muette et si profonde inscription dans notre univers culturel. Cherchant l’essence, on trouve l’histoire — ou cette articulation singulière du devenir et de la forme qui secrètement préside au travail de la culture.

Question d’histoire, donc. Mais d’une histoire, évidemment, qui ne s’en tienne pas à la description des techniques, des genres et des styles, d’une histoire qui sache poser la question des fondements et finement évaluer les processus d’institutionnalisation et d’« invisibilisation » progressive qui sont à l’oeuvre dans la production, la diffusion et la réception des images : une histoire culturelle des images. La théorie, dès lors — en ce beau sens étymologique du mot théorie qui postule l’exercice d’un regard —, n’adviendra plus comme en surplomb de l’histoire, mais au contraire comme une dimension essentielle de l’historicité qui, irréductiblement, qualifie les phénomènes culturels. Ni le « ça a été » ni l’empreinte ne désignent la photographie : mais la manière dont celle-ci, pour nous, s’est constituée et a vécu, photographie qui, d’ailleurs, sans cette « manière », n’aurait pas d’existence intelligible.

Barthes, en son temps, et avec toute l’acuité de son regard, de sa science et de sa sensibilité, est héritier de ceux qui, avant lui, ont mis en usage l’image photographique. Héritier d’Ernest Lacan, par exemple, ce vieux critique d’art qui, en 1856, exaltait la puissance mémorielle de la photographie en commentant les albums de célébrités constitués par les praticiens de son temps : « Ce sont des galeries historiques où l’on retrouve tous les grands noms de notre époque : hommes politiques, généraux, poètes, artistes, savants, tous ceux qui auront leur place dans l’histoire sont là vivants, dans le rayon de lumière qui les a dessinés » (Lacan 1986, p. 42-43). Héritier également de Gaspard Marnette, modeste ouvrier armurier de la banlieue industrielle liégeoise, qui, en 1867, ne parvient pas à contenir son émotion lorsque, pour la première fois, il pose le regard sur les portraits en photographie de ses parents : « C’était bien le portrait de Gaspard et de Marie Bastin. C’était une joie dans la maison, une émotion jusqu’aux larmes. » Et, plus loin dans son récit, alors qu’il regarde de nouveau ces photographies, accompagné de sa soeur Elisabeth :

L’émotion à la vue des traits si bien faits de ma mère gagne ma soeur qui se met à fondre en larmes de joie et de tristesse ; je fais de même. « Ne serait-on pas bien triste de les voir devenir vieux ? » me dit ma soeur. Et nous étions là en extase devant les portraits de nos vieux parents, vivant encore à quelques pas de nous et que nous aimions tant [2].

Barthes est héritier de ces larmes de tristesse et de joie, si parlantes en leur dualité. Il est héritier de tous ceux-là qui, depuis 1839, produisent, échangent, regardent des photographies.

Et nous sommes héritiers de Barthes qui, en 1980, a su redécouvrir les racines profondes et nécessairement enfouies d’où la photographie a tiré son origine et à partir desquelles elle s’est déployée. Une histoire de la photographie, on le sait, est aussi une histoire du sujet, tant ses modes de production et d’usage, dès la deuxième moitié du xixe siècle, s’associent intimement au devenir de la société des individus : par la pratique, bientôt généralisée, de la photographie de studio puis de la photographie domestique, les processus d’identification et d’uniformisation qui l’accompagnent, le grand maelström des images à l’époque contemporaine, l’extraordinaire multiplicité des usages de la photographie, la perméabilité des frontières entre les genres, les styles et les intentions, l’extrême banalisation du geste photographique — sa naturalisation —, son universalité, son invisibilité, sa légèreté, son apparente mutité et les airs de neutralité qu’elle se donne, la photographie nous colle à la peau, elle est devenue notre peau elle-même, organisant à nouveaux frais les relations que nous entretenons avec nous-mêmes et avec le monde. Et multipliant toujours cette figure indissociée de la présence et de l’absence, de la proximité et de la distance, de la jonction et de la disjonction des choses à quoi la conscience contemporaine est si fermement arrimée. La photographie est devenue comme la mémoire : une machine pour envisager l’absence.

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Pourquoi cette relation si singulière de la photographie à la temporalité, à la mémoire, à l’absence, à la mélancolie, à la perte ? Et pourquoi n’en va-t-il pas exactement de même du cinéma ? Pourquoi l’image photographique semble-t-elle être conjuguée au passé, et l’image cinématographique, au présent ? Effectivement, la narration cinématographique, quand elle est aboutie, nous ramène toujours à son présent — au présent qu’elle contient, qu’elle produit —, alors qu’une photographie donne toujours la mesure d’un éloignement (c’est au présent que je revois Le Dictateur, au passé que je regarde les portraits pourtant récents de Marc Trivier). Le cinéma fait apparaître ; la photo ouvre un abîme. On dit d’un vieux film que l’on aime qu’il n’a pas pris une seule ride ; une photographie, en son actualité et en sa présence même, est toujours ancienne. Question de dispositif, dira-t-on. Sans doute, mais, ici encore, pas exclusivement. Ou plutôt : ce n’est pas le dispositif cinématographique en lui-même qui est en cause, mais sa modalisation progressive au bénéfice d’une forme de représentation et de narrativité qui fait être du présent. « L’usage », donc, du cinéma, plutôt que son « essence » — son histoire. Et de même à propos de la photographie : elle ne porte pas, en elle-même, cette puissance mélancolique d’attestation qui pourtant la caractérise et aucune fatalité ne la destinait à devenir ce qu’elle est devenue. Toute une histoire du devenir mélancolique de la photographie serait certainement à écrire. Faudrait-il lui associer une histoire du devenir narratif du cinématographe ?

Ces histoires croisées — ces histoires rêvées — pourraient partir d’une première évidence, trivialement chronologique : le cinéma vient après la photographie. Au moment où il s’invente, à la fin du siècle, la photographie est depuis longtemps passée dans les moeurs, déjà devenue presque invisible, comme « naturelle », par excès de présence, en gagnant presque tous les secteurs de la vie publique ou privée. Et déjà on a peine à se représenter le caractère d’extraordinaire nouveauté qui, un demi-siècle auparavant, lui était associé [3]. Le processus d’accroche de l’image acheiropoïète, somme toute, a déjà produit ses effets culturels. Car c’est là, précisément, en matière d’histoire de la photographie, que tout se joue : la venue d’une image, perçue comme entièrement nouvelle, et qui se situe exactement sur la frontière séparant, dans nos sociétés, pour le meilleur et pour le pire, l’ordre de la nature et l’ordre de la culture. Une contradiction, ou une tension, rarement désignée, mais toujours mise en scène dans les premiers textes concernant la photographie, détermine en profondeur l’élaboration culturelle de cette image nouvelle : l’image « naturelle » est le produit d’une technique ; c’est-à-dire que sa naturalité même est rendue possible et donnée à la culture par le génie de l’homme. L’image photographique occupe, exactement, le point de bascule, toujours instable, entre nature et culture. C’est une image frontière. Elle donne à voir les choses « telles qu’elles sont », sans l’artifice ni le filtre de la main de l’homme ; mais c’est pourtant d’être le propre de l’homme, de sa capacité prométhéenne d’invention et de maîtrise, qu’elle tire, au xixe siècle, son extraordinaire prestige. Dès l’origine, dès lors, jeux d’échanges et transactions incessantes entre la « nature » et la « culture ». C’est de là, de cette instabilité, que la photographie tire l’essentiel de son énergie ; de là que naissent ses usages et la plupart des discours qui, jusqu’à aujourd’hui, lui sont consacrés. En ce inclus, bien entendu, les débats sur l’icône ou l’index (le rayon de lumière d’Ernest Lacan), ou le « ça a été » de Barthes (les larmes de tristesse et de joie d’Elisabeth Marnette), débats originaires, historiquement et culturellement structurants, et qui, avec de nouveaux mots, ne font aujourd’hui que rendre visible l’ancienne ligne de crête qui, depuis 1839, organise toute l’histoire de la photographie.

L’image photographique, nécessairement, reprend ce qu’elle prétend donner ; elle est toujours jubilatoire et déceptive. Elle met l’oeil en tension. Regardez n’importe quelle photographie : elle assume secrètement, avec plus ou moins de bonheur, la mission de provoquer encore et encore cette tension, de désigner notre condition historique d’êtres suspendus entre nature et culture, entre présence et absence, entre le temps et l’éternité. Le cinéma, quant à lui, lorsqu’il est apparu, n’a pas produit les mêmes effets. Les prestiges ambigus de l’image mécanique avaient déjà envahi tout le champ de la photographie. Ils avaient fait souche. Installés là à demeure, ils y poursuivaient discrètement mais intensivement leur travail. Le cinéma, qui n’avait pas à reproduire la même genèse, fit naître d’autres significations et assuma d’autres rôles. Celui, par exemple, de raconter. Et celui de rendre au présent l’illusion d’exister qui poudroie dans les salles obscures.