Comptes rendus

ALFONSI, Laurence, L’Aventure américaine de l’oeuvre de François Truffaut et Lectures asiatiques de l’oeuvre de François Truffaut, Paris, L’Harmattan, 2000, 372 p. et 278 p. [Notice]

  • Denyse Therrien

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  • Denyse Therrien
    Université du Québec à Montréal

Ambitieux projet que cette enquête de Laurence Alfonsi sur la réception de l’oeuvre de François Truffaut aux États-Unis puis en Asie, doublée d’une étude sur la « stratégie » du cinéaste pour construire sa notoriété. L’auteure s’inscrit dans la mouvance de la sociologie de l’art, qui cherche à « saisir l’oeuvre d’un cinéaste à l’intérieur des circonstances de sa production-réception ». Elle s’emploie à étudier Le chapitre I fait entrevoir la découverte d’une stratégie consciente, qui influencerait le cinéaste dans sa manière de tourner, en vertu d’une réception particulière en terre américaine. Or, mise à part la demande qu’il adresse à Aznavour « d’envisager une version américaine pour toutes les chansons » dans Tirez sur le pianiste et l’ordre qui est donné à Almendros, son directeur de la photographie, de « cadrer de façon que le bas de l’image soit toujours assez sombre pour que les sous-titres soient bien lisibles » (p. 65), on cherche en vain les « arrangements » qui auraient garanti son succès aux États-Unis. Si Alfonsi a raison de dire que c’est sous « l’égide de la différence et de la rupture » (p. 51) que les Américains découvrent Truffaut, le chapitre tout entier nous entraîne surtout dans un examen des recettes de chaque film à New York et dans le reste du pays, de son rang au palmarès des films étrangers pour la même année, et au prix de vente des droits de distribution. Lorsque, après La Nuit américaine (1974), le succès ne quittera plus Truffaut, s’ajouteront des données de box-office d’autres villes importantes ; cela fait beaucoup de chiffres et l’on doit se reporter aux notes à la fin du livre pour trouver de la matière intéressante. Le contexte cinématographique — rupture du « monopole vertical » avec la loi antitrust de 1948 et « chasse aux sorcières » sous McCarthy, doublées d’une stratégie monétaire de l’Europe qui « limite ses sorties en dollars et la décision des gouvernements européens de fixer une limite aux gains effectués dans leur pays par les maisons de production américaines » — favorise un bouleversement dans l’art de tourner des Américains, qui s’inspirent du cinéma d’auteur européen. L’importation de films étrangers s’ensuit (p. 52-53). Pour ce qui est de la « stratégie truffaldienne » de construction de son succès grâce à une entreprise de séduction, le premier chapitre ne nous convainc pas. Il aura quand même fallu 15 ans, 13 longs métrages et un court métrage, ainsi qu’une oeuvre critique à laquelle les Américains sont sensibles, avant que lui soit assurée la fidélité d’un vaste public. Alfonsi affirme : « l’important se situe moins dans l’irrégularité de ses premières réceptions que dans l’image originale et anticonformiste que Truffaut est en train de construire ». Elle dira aussi que ce qui fait de lui une exception par rapport à d’autres réalisateurs européens, c’est la « régularité » de la distribution de ses films en salle ; il est cité six fois au tableau des meilleures recettes de films nationaux aux États-Unis ( Variety, 7 janvier 1991) (p. 87). Il s’agit de films postérieurs à 1973, au triomphe de La Nuit américaine — Oscar du meilleur film étranger (1974). Comment départager, dans le succès que connut le film sur l’ensemble du territoire américain, ce qui revient à la « stratégie truffaldienne » ou à la campagne agressive de la Warner qui, en coproduisant le film, avait pris un risque que les autres majors avaient refusé de prendre (p. 71-72) ? Le roman d’amour entre Truffaut et les États-Unis ne connaîtra plus que des beaux jours et son rôle …

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