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  • Édouard Arnoldy

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  • Édouard Arnoldy
    Université de Lausanne

Depuis les années 1980, au cours desquelles les pionniers de l’histoire du cinéma ont dû subir la fronde d’une jeune garde de « nouveaux historiens », un long chemin a été parcouru. Dès les faits d’armes de Brighton en 1978, les études cinématographiques menées aux États-Unis, au Québec et en Europe ont ébranlé le socle d’une discipline qui, forte de figures tutélaires, ne se posait jusqu’alors guère de questions sur elle-même, ses méthodes, ses objets. À tout le moins, peut-on considérer qu’il y a eu à ce moment un vacillement au sein d’un champ de recherche aux contours pourtant encore mal définis. Les conséquences de ce « tournant des années 1980 », multiples et certes difficiles à évaluer, ne se résument pas aujourd’hui au partage d’un héritage ou d’un butin de guerre. Un constat, cependant, peut être dressé : celui de l’ouverture d’un champ d’études qui n’avait pas vraiment d’identité propre et qui donnait pourtant des signes avant-coureurs de repli sur lui-même. Longtemps isolé de disciplines parfois proches, « le cinéma » est désormais un « objet d’étude » bien en place au sein d’institutions universitaires et de recherche, à mi-chemin entre l’histoire de l’art et les sciences de la communication. Surtout, de nouvelles exigences méthodologiques se sont ainsi affirmées. Ce qui s’est imposé, c’est la nécessité absolue de rompre avec la chronique cinématographique, plus ou moins soutenue, plus ou moins savante, pour faire place à une histoire du cinéma frappée du sceau de la rigueur scientifique et, parfois, doublée d’une réflexion théorique. Aujourd’hui, le cinéma s’accorde au pluriel. C’est en effet devenu une évidence : le cinéma est, depuis ses lointaines origines, pris dans un réseau de pratiques les plus diverses, entre arts et médias, entre spectacle et beaux-arts, entre cultures noble et populaire. Enfin, il paraît maintenant y avoir unanimité quant à l’ambition d’aller au-delà des limites d’un champ (le cinéma) et de ses objets (les films). Du moins, les études cinématographiques cherchent-elles une posture pour mieux approcher le carrefour des séries culturelles et médiatiques où se situe assurément « le » cinéma. Insensiblement, des historiens et des théoriciens venus d’horizons divers se sont montrés de plus en plus intéressés par cet objet, étrange et singulier par la seule multiplicité de ses facettes — à la fois un divertissement et un art, une formidable machine à produire des capitaux et des idées. La discipline privilégie désormais les études transversales et sonde la mise en réseaux des multiples faisceaux qui font le cinéma. Autrement dit, il s’agit aujourd’hui de penser ensemble les dimensions multiples du cinéma et de son histoire. À partir de l’approche d’un fait culturel, un glissement s’est opéré dans le sens d’une histoire du cinéma de plus large portée, une histoire croisée des images. L’histoire du cinéma est maintenant sur des rails qui la conduisent à s’interroger sur elle-même, à s’inquiéter de ses objets et de ses méthodes. Si des histoires clandestines et magistrales du cinéma coexistent désormais, si une histoire hétérogène, plurielle met aujourd’hui en doute une hypothétique autonomie du cinéma et d’aléatoires « spécificités cinématographiques », c’est bien parce que l’histoire du cinéma est en passe « d’excéder le cadre épistémologique de la discipline  ». À l’avenir, les études cinématographiques paraissent devoir prioritairement s’intéresser aux possibles du cinéma. C’est exactement dans la foulée de ce mouvement que souhaite s’inscrire ce numéro de CiNéMAS. Les possibles du cinéma constituent précisément le centre de gravité de l’article de Maria Tortajada qui ouvre ce recueil. On a là, d’entrée, une ouverture exemplaire à la réflexion sur les histoires croisées des images. Ce texte …

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