Une histoire institutionnelle

Notes sur les rapports entre l’Office catholique international du cinéma et la filmologie[Notice]

  • François Albera

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  • François Albera
    Université de Lausanne

La Revue internationale du cinéma (1949-1956), organe de l’Office catholique international du cinéma (OCIC), possède des objets et des préoccupations qui croisent en plus d’un point la filmologie sur fond de convictions communes : importance de l’éducation, de la jeunesse, du cinéma dans la société et de ses pouvoirs de suggestion, danger de la propagande ; etc. Même affirmation selon laquelle « le pouvoir idéomoteur des images, la persistance dans l’imagination des spectacles vus sont d’autant plus forts qu’ils relèvent d’une activité inconsciente de l’esprit » (J.-P. Chartier, no 2, 1949, p. 25) ou encore que « l’influence exercée par le cinéma sur la façon de vivre et de penser de la masse des spectateurs place le septième art à l’avant-garde des moyens de propagande de l’âge moderne » (J. Romero Marchent, no 9, 1951, p. 20). Sauf que l’OCIC tend, bien entendu, à promouvoir un type de cinéma et une vision du monde et que c’est à ce titre que la maîtrise des mécanismes de la perception filmique est, pour lui, nécessaire. Quoi qu’il en soit le projet filmologique intéresse d’emblée les rédacteurs de la revue et les responsables de l’OCIC qui se préoccupent également de voir « la pensée “spiritualiste” [ne pas] se désintéresse[r] de recherches qui peuvent avoir des répercussions très profondes sur ce qu’on pourrait appeler l’“hygiène mentale” des peuples entiers. Nous ne pourrions trop encourager les savants catholiques de tous les pays du monde, non seulement de suivre avec intérêt ces travaux, mais aussi d’y participer activement par leur propre investigation » (no 3, 1949, p. 67). La revue, publiée en trois langues (anglais, espagnol, français), a des correspondants et des bureaux dans le monde entier (Belgique, Canada, Chili, Colombie, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg, Paraguay, Pays-Bas, Suisse…) et des rubriques y reviennent régulièrement : « Le film à l’école », « L’enfant au cinéma », « L’effort des catholiques ». En dépouillant ce périodique, on est frappé par la présence en son sein de toute une partie de la critique française (Henri Agel, Jean-George Auriol, Amédée Ayfre, André Bazin, Jean-Pierre Chartier — responsable de la version française de la revue —, Pierre Leprohon, Charles Ford, Jean-Louis Tallenay, Lo Duca…), qui recoupe à la fois La Revue du cinéma et, plus tard, les Cahiers du cinéma (mentionnés comme comportant de nombreux chrétiens, revue « alliée », en quelque sorte) et Radio-Cinéma-Télévision (futur Télérama). Si l’on ajoute l’influente collection « 7e art » des éditions du Cerf, on mesure la place qu’occupe la pensée catholique dans le discours « savant » sur le cinéma. Incidemment, il pourrait être intéressant d’envisager l’éclairage qu’apporte cette appartenance sur la pensée de Bazin, sur le réalisme ontologique, sur la liberté du spectateur… La problématique du saint suaire occupe tout un dossier dans le no 5 (1950), « Numéro spécial de l’Année sainte » réalisé par les soins de Lo Duca, qui comprend également deux clichés pleine page de l’« empreinte correspondant à un négatif photographique » et un article sur « La photographie du Christ » — l’expression avait été utilisée auparavant par Claudel —, relatif à un film de Baldi consacré à la relique . En 1949, le no 2 de la revue est intitulé « À la recherche d’une doctrine chrétienne du cinéma ». Parmi les contributions apportées à ce numéro, citons celles de Michel de Saint-Pierre (« La querelle des intellectuels à propos du cinéma »), André Bazin (« Misère, servitude et grandeur de la critique de films »), Pierre Leprohon et Jean-Pierre Chartier (« Le critique, le formalisme et …

Parties annexes