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Sophie-Jan Arrien et Jean-Pierre Sirois-Trahan (dir.), Le montage des identités, Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, 170 p.[Notice]

  • Gwenn Scheppler

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  • Gwenn Scheppler
    Université Laval

L’ouvrage collectif dirigé par Sophie-Jan Arrien et Jean-Pierre Sirois-Trahan est paru depuis quelque temps déjà. Mais ses propositions méritent un examen plus attentif que celui qui lui a été jusqu’à présent consacré. La première raison en est l’actualité (indémodable) de son sujet, soit la constitution des identités individuelles et collectives à l’ère postmoderne. Mais cela seul ne suffirait pas à justifier son intérêt n’était l’originalité de l’approche proposée : analyser, selon une perspective interdisciplinaire, la (dé)construction de l’identité à l’aune du concept de montage, emprunté au cinéma. Le livre part d’un constat : alors que la notion d’identité semblait avoir été bannie par les concepts postmodernes de diffusion et de déconstruction, elle continue « de s’imposer comme un problème lancinant avec lequel nous ne finissons pas d’en découdre » (p. 2). Cette identité qui ne veut pas passer, ou qui ne cesse de s’imposer, est désormais « virtuelle », « fabriquée », « flottante », « fragmentée » et « clivée » ; façonnée par les aléas des possibles et de l’expérience, elle ne marque plus une existence stable mais se rebâtit continuellement autour du principe de devenir-autre. Cette nouvelle identité versatile et fluide est l’objet de tous les soins de nombreuses disciplines des sciences humaines, qui ont toutefois la fâcheuse habitude de travailler isolément. L’identité est devenue un concept multidisciplinaire dont l’analyse et la compréhension changent — parfois totalement — d’une discipline à l’autre. Une approche interdisciplinaire serait donc devenue nécessaire, d’où l’idée même de ce livre où Jean-Pierre Sirois-Trahan et Sophie-Jan Arrien proposent de croiser les approches de la philosophie, des études cinématographiques et de l’histoire de l’art. Dans Le montage des identités, les auteurs ont donc envisagé d’analyser et de modéliser les conceptions actuelles de l’identité à partir « de la valeur heuristique du concept cinématographique de montage » (p. 5). Ou, pour le dire autrement, ils ont essayé de voir dans quelle mesure l’importation du concept de montage dans d’autres champs des sciences humaines ouvrait des perspectives neuves pour comprendre les mutations postmodernes du concept d’identité. Celle-ci fonctionne selon les auteurs sur l’emprunt, le collage, la fragmentation et l’éclatement pour former un tout ouvert. Elle ressemble à la fois au montage d’un film et à l’expérience « par procuration » de son sujet-spectateur. Par la démarche de ce livre, ce serait « l’expérience artistique qui viendrait à la rescousse de l’expertise philosophique et réciproquement » (p. 4). Cet ouvrage, qui tire son origine d’un colloque (Le montage des identités, 17 mai 2006, Université McGill, Association francophone pour le savoir — Acfas), propose une approche originale et audacieuse, surtout quand on connaît la disparité constitutive des colloques interdisciplinaires. Comment les auteurs proposent-ils d’arriver à leurs fins ? Le texte se scinde radicalement en deux grandes parties. La première traite du concept polysémique d’identité selon une perspective théorique où le montage cinématographique, dans toute sa complexité et sa richesse, sert de fil directeur à la réflexion. La seconde suit plutôt le cheminement inverse : partir de cas d’oeuvres artistiques « montées » afin d’en extraire les constructions identitaires particulières. Dans ce compte rendu, nous avons choisi de nous concentrer sur la valeur propre de chaque contribution plutôt que sur le plan d’ensemble, ce qui ne veut pas dire que nous n’en parlerons pas. Le premier texte, « Amour libre et identité morale, à propos de Peter Sloterdijk et de quelques autres » (Marc Hunyadi, professeur de philosophie à l’Université de Louvain-la-Neuve), revient sur l’intérêt et l’effectivité du concept de montage dans l’approche de l’identité. Il épouse une perspective épistémologique dans laquelle l’auteur met en …

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